42. Euphorie totale

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Je me laisse tomber sur ma banquette et enfouis mon visage dans un coussin, le sourire jusqu'aux oreilles pendant plusieurs minutes. Puis je me redresse et relis en boucle ces quelques mots des dizaines de fois.

> Je croi qu'en fait je t'aime...

Il est décidément fâché avec la conjugaison mais je trouve finalement cela trop mignon. Je fonds littéralement dans mon canapé et reste sans bouger pendant un temps infini, savourant l'instant. Puis je me lève d'un bon. Il faut que je lui réponde, mais comment réagir face à ça ? « Moi, je ne crois pas, je suis sûre que je t'aime, reviens vite » ? J'appelle immédiatement Théo pour lui demander son avis.

Il y a beaucoup de bruit autour de lui et j'ai du mal à l'entendre. Il m'explique qu'il est chez sa voisine qui l'a invité à une petite soirée, c'est de coutume dans leur quartier, les étudiants se retrouvent le lundi soir chez l'un ou chez l'autre, et le jeudi ils sortent tous ensemble en ville. Lorsqu'il est enfin sorti de la pièce, je lui raconte rapidement la soirée pour en venir au SMS inattendu.

— Oh putain !

Je comprends à sa réaction que Théo est aussi surpris que je l'ai été, lui qui ne dit quasiment jamais de gros mots.

— Comme tu dis, oui, mon Théo !

— Carrément, « je t'aime » ! Il me scotche, là ! Je ne pensais pas qu'il se déclarerait comme ça, par texto, si vite, je sais pas ! Mais je suis ravi pour toi Aux, c'est vraiment génial.

— Oui, j'ai l'impression de rêver honnêtement ! Mais qu'est-ce qu'il faut que je lui réponde, à ton avis ?

— Je crois qu'il faut que tu prennes le temps de la réflexion. Pas de précipitation, déjà, parce que tu pourrais lui envoyer un truc que tu regrettes après. Je pense qu'il ne faut pas que tu lui répondes ce soir, mais plutôt demain matin. Tu vois, du style tu t'es endormie, tu n'as pas entendu ton téléphone, donc tu ne découvres son message qu'au petit matin.

— Il l'a envoyé à peu près dix minutes après être parti, c'est pas crédible ton truc.

— Ben tu peux être partie sous la douche, et pas avoir vérifié ton portable avant d'aller au lit, non ?

— Mouais, je suis à moitié convaincue là...

— Tu me demandes mon avis, je te le donne.

— Oui, oui excuse-moi. Bon, et demain je lui réponds quoi ? Que moi aussi ?

Ils se marièrent et eurent de nombreux enfants... Pitié Aux, non ! Fais-le mariner un peu ! Fais-toi désirer !

— Ça fait plus de cinq ans, ça suffit pas ?!

— C'est pas ça, mais faudrait pas qu'il croie qu'il suffit qu'il claque des doigts pour que tu lui tombes dans les bras.

— OK, je suis d'accord. Mais ça me dit pas ce que je dois lui répondre !

Je ne tiens pas en place, j'ai parcouru au moins trois kilomètres en faisant des allers-retours dans mon vingt-cinq mètres carrés pendant notre conversation.

— Je ne sais pas précisément, on réfléchit chacun de notre côté, et on fait un point demain matin avant que tu lui envoies quoi que ce soit, ça te va ?

— T'es dingue, non ! Je vais pas dormir de la nuit, là !

— Mais là, tout de suite, je sais pas.

Je sens à sa voix qu'il est un peu agacé.

— Il y a un problème Théo ?

— Non, non, excuse-moi.

— Si, je sens qu'il y a quelque chose que tu ne me dis pas.

— C'est juste que... Chez ma voisine on était en train de faire un des jeux à alcool que tu détestes, et j'étais en train de me rapprocher d'une copine à elle, trop sympa et vraiment mignonne, quand tu m'as appelé.

— Fallait le dire ! Je te laisse, retournes-y, et tu me raconteras. Je me débrouille, ne t'inquiète pas.

— Tu es sûre ?

— Oui, oui, ne t'inquiète pas.

— OK. Te prends pas trop la tête quand même. Bisous, Aux, bonne fin de soirée.

— Bisous, Théo, toi aussi.

Je raccroche et file directement sous la douche souhaitant me mettre les idées au clair, ou à tout le moins, me les rafraîchir. Mais ni l'eau chaude, ni l'eau froide ne font retomber l'état d'excitation dans lequel je suis. Une fois sortie, je suis le conseil de Théo et j'éteins mon portable pour ne pas être tentée de lui envoyer n'importe quoi. Je finis par me coucher, des réponses possibles au texto d'Icare qui défilent et se bousculent plein la tête. Je pense alors à l'adage la nuit porte conseil et ferme les yeux en espérant que cela se vérifie.

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant