48. Amen

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Exactement treize jours passent. A nouveau sans nouvelles d'Icare. Je passe mes journées à me lamenter auprès de Théo qui se met lui aussi à remettre en cause les réactions d'Icare. Il fait ce qu'il peut pour me changer les idées mais nos conversations reviennent inlassablement autour du même sujet.

Lorsque la sonnerie de réception d'un message retentit un mercredi peu avant une heure du matin, je me lève d'un bond, m'attendant enfin à voir apparaître le nom d'Icare sur mon écran. Mais il n'en est rien, un numéro qui ne figure pas dans mon répertoire s'affiche. J'ouvre le texto, encore ensommeillée.

> Et si j'arrêtais de fumer et de boire ?

Le message n'est pas signé, mais je comprends bien évidemment qui me l'a envoyé, ce qui termine de me réveiller sur le champ. Je me demande pourquoi il n'a pas utilisé son téléphone, et à qui appartient celui qu'il a emprunté. Il a dû parler de notre histoire à cette personne, car celle-ci est forcément avec lui à l'heure qu'il est, avec son téléphone. Il n'y a d'ailleurs exceptionnellement pas de fautes, peut-être même lui a-t-il fait relire et corriger son texto. Pourquoi avoir attendu une heure aussi tardive pour m'envoyer ça ? Certainement pour être sûr que je dorme et ne pas avoir à affronter un dialogue à l'heure qu'il est. Par pur esprit de contradiction, je choisis donc de lui répondre immédiatement, sur son téléphone à lui.

> Tu vas te dire que je ne sais pas ce que je veux, mais ça ne serait plus vraiment toi...

Et je le pense vraiment. Même si ses addictions me déplaisent, elles font aussi partie de sa personnalité. Sa réponse arrive dix minutes plus tard, et je ne peux m'empêcher de chercher une raison à ce laps de temps relativement long pour envoyer un SMS. A-t-il hésité avant de me répondre ? A-t-il demandé conseil au propriétaire du téléphone ? Ou est-il tout simplement en soirée et fait-il autre chose en même temps ? Un nouveau message du numéro inconnu me parvient.

> Eh ben il pourrait y avoir un nouveau moi ! Ciné samedi soir ? C'est le dernier message, c'est pas mon tel.

Toujours sur son téléphone, je réponds simplement « OK ». Je n'aurais pas pu faire plus court et plus vague. Cela pourrait répondre à chacune de ces trois remarques. Un nouveau lui ? OK. Un ciné ? OK. Ce n'est pas son téléphone ? OK.

Je me recouche mais ne trouve pas le sommeil. Mon cerveau est en ébullition mais je ne peux décemment pas appeler Théo à cette heure de la nuit.

Le samedi après-midi, n'ayant pas de nouvelles, je lui demande si le cinéma du soir tient toujours. Les heures passant sans que je n'obtienne de réponse, j'imagine qu'une fois encore il me répondra tard dans la nuit, et que notre sortie tombera à l'eau. J'enfile donc mon pyjama et me renfrogne sur mon canapé, devant une émission télé sans intérêt. C'est alors qu'à vingt heures, je reçois une réponse, envoyée à nouveau d'un autre téléphone.

> Excuse pour le retard, j'ai plus de forfait jusqu'à ce soir minuit... 20h45 devant le ciné ?

> Ça marche.

Je réponds instantanément sur son téléphone et me lève en vitesse. Je n'ai qu'une courte demi heure pour me préparer et prendre le bus si je ne veux pas être en retard comme la dernière fois. Je prends une douche rapide au cours de laquelle je réfléchis à ma tenue pour ne pas perdre de temps ensuite, m'habille et saute dans le bus sans avoir pris le temps de lacer mes chaussures. Pendant que je les attache, je bloque mon portable entre mon épaule et mon oreille pour appeler Théo et bénéficier de ses précieux conseils. En vain, son téléphone sonne dans le vide. C'est donc très angoissée que j'arrive la première devant le cinéma. Mais ma décision est prise, si Icare pose sa main sur la mienne, cette fois je ne la retirerai pas.

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant