3. La magie des nuits blanches

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Lorsque que tout le monde remonte dans le bus, les places aux tables sont immédiatement prises d'assaut, et le Trivial Pursuit rapidement installé au milieu de huit nouveaux joueurs : nos rires et éclats de voix des heures précédentes ont clairement fait de nouveaux adeptes. Théobald tourne donc sur lui-même dans l'étroit couloir du bus pour revenir sur nos pas et me pousse vers l'avant du véhicule, à la recherche de deux places disponibles. Quand je passe à hauteur d'Archibald, dont la mauvaise humeur semble s'être envolée, il m'agrippe le bras et claironne :

— Allez, chérie, reviens avec moi qu'on discute tranquillement maintenant ! Quand t'auras appris à me connaître, tu vas craquer pour moi, c'est sûr !

Il ne lâche pas mon bras, et tous les élèves qui attendent coincés au milieu du bus par ma faute commencent à faire entendre leur voix. Je m'assois donc en vitesse, ne souhaitant en aucun cas être la cause de contestations, et Théobald se faufile sur la place devant moi, à côté d'Icare qui sort le sac qu'il avait posé sur la place libre, en réponse à sa question silencieuse. La situation ne m'enchante pas, j'aurais préféré papoter avec Théo, et surtout je trouve Archibald vraiment lourd, je n'ai pas envie que certains se fassent des idées. Je tente ma chance.

— Tu ne voudrais pas t'asseoir à côté de ton copain Icare, comme ça Théo et moi pourrions être assis côte à côte ? S'il te plaît ?

Il s'appuie dos contre la fenêtre et replie sa jambe gauche sous ses fesses, sur le fauteuil, de sorte que son genou me touche la cuisse. Ce contact me met mal à l'aise mais lui ne semble même pas y prêter attention. Et comme s'il n'avait pas entendu ma question, il m'interroge.

— Auxane donc ! Tu sors avec lui ? demande-t-il de but en blanc en désignant de la tête le siège devant moi.

— Non, pas du tout, c'est mon meilleur ami.

— Ça existe pas ça ! A mon avis, il a envie de te montrer son zizi ! Et en plus, ça rime !

Je sens mes joues changer de couleur devant le peu de discrétion dont fait preuve Archibald. La moitié du bus a dû entendre sa réflexion, ce qui me met une fois de plus très mal à l'aise.

— Ben désolée de te contredire, mais si, ça existe, la preuve.

— Ça fait longtemps que vous vous connaissez ?

— Depuis la maternelle.

— Ah ben c'est sûr alors, il t'aime en secret et il rêve de te galocher !

Comment expliquer à ce rustre qu'une amitié entre une fille et un garçon est possible... Avec Théobald, nous avons une relation quasi fusionnelle depuis toujours, et ni l'un ni l'autre nous ne voudrions voir cela changer. Y mêler des sentiments amoureux serait prendre le risque de tout perdre, et cela ne nous a jamais effleuré l'esprit. Nous sommes frère et sœur de cœur, tout simplement.

— Si ça te fait plaisir de le croire...

Il passe sa main entre les deux dossiers des sièges devant nous et tapote sur l'épaule de Théobald. Ce dernier se retourne immédiatement, pensant certainement qu'il s'agit de moi.

— Pas vrai que t'aimerais bien lui rouler des pelles ?!

Théobald, comprenant dans la seconde qu'Archibald fait allusion à moi, prend un air volontairement mystérieux et lui répond :

— Ça t'intrigue, hein, ça...

— Fous-leur la paix Archi, et occupe-toi de ton cul !

Icare s'adresse ensuite directement à Théobald, en parlant suffisamment fort pour qu'Archibald l'entende.

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant