Apesanteur

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En sortant de l'immeuble, appel de Linda. "Ma chérie! Il l'a fait! Il m'a demandé en mariage!!!". Elle est euphorique, moi sous le choc. "Il t'a demandé en mariage? Mourad?". Elle enchaîne:"Oui! Et oui Nessma je sais que t'es choquée! Je le suis aussi! Je le connais que depuis 2 mois et il me demande déjà ma main! Mais c'est l'amour fou!".

Je suis torturée. De deux choses l'une, j'ai envie de la mettre en garde et la raisonner :"Linda tu le connais que depuis deux mois à peine! C'est l'amour fou, c'est super! Je suis hyper contente pour vous deux! Et justement prenez le temps d'apprendre à vous connaître, voyez vous, sortez, parlez, profitez de cette étape, faut pas toutes les brûler d'un coup. Le mariage c'est pas une décision qu'on prends aussi vite". Et d' un autre côté, je me dis qu'éprise de lui comme elle l'est, je crains qu'elle ne soit pas objective et le prenne mal. Il faut dire que depuis leur rencontre ils sont H24 ensemble. Je ne sais pas quoi dire, je tiens tellement à elle. "Félicitations ma biche tout d'abord! J'aime t'entendre aussi heureuse!" lui dis-je la voix tremblante, je suis surprise oui mais je ne peux m'empêcher d'être émue. Je continue:"Bon et oui tu me connais bien, je t'avoue que je trouve ça rapide! Mais c'est toi qui décides! Peu importe ton choix je serai là. Prends juste le temps de réfléchir avant de lui donner une réponse stp. Parle en à Touria".

- Oui promis ma chérie! Faut pas que je me précipite. Je lui en parle demain à Touria!  

Je me rapproche de plus en plus de la voiture de Nabil. J'arrive devant. Il me voit au téléphone. Je lui fais signe que j'arrive et dit à Linda que je dois la laisser. Elle n'a pas l'air étonnée et ne cherche pas à savoir pourquoi. Elle est dans sa bulle.

- Excuse-moi. Ça va? dis-je en lui souriant légèrement.

- Moi oui et toi ça va? T'as pas l'air bien, me lance Nabil intrigué.

- Oh si si ça va!

On peut lire mes émotions sur mon visage comme on lit dans un livre ouvert. Nabil réitère sa question:"T'es sûre que ça va? T'as l'air tracassée".

- Oui oui ça va merci! J'ai juste appris une nouvelle qui m'a surprise c'est rien! dis-je en essayant de reprendre un air joyeux.

- Nessma, tant qu'on y est. Si quelqu'un te parle en mal sur moi, passe par moi avant de croire ce qu'on pourrait te dire, dit-il d'un air sérieux.

- Pourquoi tu me dis ça?

- Les gens parlent beaucoup. Et à 99% c'est pour dire des conneries, c'est tout, dit-il énervé, la voix grave.

C'est la première fois depuis qu'on se parle que je le sens énervé et un froid vient s'installer avec nous dans sa voiture. Je ne sais ni quoi dire ni quoi faire ni où poser mes yeux. Je regarde face à moi tout en me mordant la lèvre inférieure. Je ne suis pas à l'aise.

- Désolé, c'est juste que les...Nessma? Ça va?

- Oui oui ça va, dis-je d'un air qui ne le convainc absolument pas.

- Excuse. C'était vraiment pas contre toi. Tu veux toujours qu'on aille à ton endroit plus que sympa? dit-il doucement avec un sourire tendre.

- Oui bien sûr on y va.

Je lui dis indique le chemin. Je ne suis pas très bavarde. Alors qu'on s'apprête à sortir d'un rond point, une voiture nous coupe la priorité. Nabil freine d'un coup sec. Le conducteur klaxonne et insulte Nabil qui lui répond pareillement. Son visage est si doux, la colère le rend si dur en une fraction de seconde. 

Je pose ma main sur la sienne qui est sur la boîte de vitesse:"Silteplait Nabil laisse tomber, ne t'énerves pas" lui dis-je presque effrayée. Il pose sa main sur la mienne. Il  me la caresse avec son pouce et cela durera toute la fin du trajet, sans rien dire. Il manoeuvre doucement lorsqu'il change de vitesse. On ne se parle presque pas, mais ce premier moment tactile entre nous est d'un réel réconfort. Cela me fait du bien et je pense qu'à lui aussi.

Nous sommes arrivés. C'est un endroit que j'aime beaucoup, surtout le soir. Un parc avec un très beau lac. Il y a un parcour  pour les plus sportifs, des balançoires pour les plus passifs. Au loin, on peut apercevoir la Tour Eiffel. C'est juste assez éclairé pour être fréquentable en soirée. Mais je suis étonnée car nous sommes loin d'être seuls alors que nous sommes en semaine. Comme il fait bon, le parc est victime de son succès. Je n'y avais pas pensé. Le printemps est vite arrivé. Il n'y a que des couples qui tantôt s'embrassent et tantôt s'enlacent. Il va croire que je l'ai amené ici pour ça. Honte, la honte!

- Bon d'habitude c'est pas chargé comme ça...

- Tranquille. J'aime bien, t'en fais pas pour ça. Tu veux t'asseoir?

On se pose sur les balançoires. Seul endroit boudé par les amoureux nocturnes. Nabil semble à l'aise. Il me plaît. La douceur de ses gestes m'interpelle. Cette sorte d'apesanteur, légère et délicate comme une plume mêlée à cette assurance silencieuse et évidente qui me rassure.

Il s'excuse pour son coup de nerf contre l'automobiliste. Je ne lui en tiens pas rigueur. Nous passons vite à d'autres sujets comme si le temps nous était compté. Famille, études, vacances et même politique! On aborde milles sujets sauf le nôtre: que cherchons-nous l'un et l'autre?
Comme si c'était tabou, on ne parle pas de ce sujet épineux qu'est l'amour. On parle, on rit, on se taquine. Cela fait déjà 3h qu'on  est ici, le parc est vide. Les baisers et autres câlins sont allés se coucher. Je remarque l'heure tardive en lui montrant une photo de vacances sur mon téléphone. 

- Cendrillon doit rentrer, dis-je en esquissant un sourire et en laissant échapper un soupir.

Il se lève de la balançoire avant moi et me tend la main. "J'te ramène exploratrice".
Je prends sa main, la relâche d'un coup comme pour prendre de l'élan et me voilà m'envolant sur cette balançoire qui aurait bien des histoires à compter à notre sujet, tant on a parlé.

- Attends encore un tout petit peu! dis-je en   me balançant.

- Ok chef. Ça te donne pas mal au crâne?

- Si mais c'est bieeeen!

Bien jusqu'à ce que j'en ai la tête qui tourne. "J't'avais dit d'arrêter fofolle. Viens par là" me dit Nabil en accrochant mon bras au sien comme une enfant. Le retour en voiture se fait entre rires et douceur. Il m'a repris la main pour me la poser sur la boîte de vitesse et mettre la sienne par dessus. Tout cela sans rien dire. J'aime ce rapprochement silencieux.

PNL: Je n'attendais rien sauf le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant