Balance ton coeur

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Nous sommes dans la voiture de Nabil, il y a pas mal de passants. Nabil attendra un feu rouge dans une ruelle à l'écart pour attraper mon menton avec sa main et m'embrasser rapidement. Il est très pudique. Ça tombe bien, moi aussi. Il me demande ce que j'ai envie de faire. Il est 13h45. J'ai rdv avec Samia à 18h pour l'aider à apporter certaines choses à la salle, sachant qu'elle récupère les clés dans l'après-midi. Je n'ai envie de rien en particulier. Juste marcher, prendre l'air. On décide alors d'aller se balader sur les quais de Seine. Le temps s'est un peu rafraîchi mais j'apprécie. Nabil me parle de son voyage à Londres pour le travail. Ses mots pèsent longs à chaque fois qu'il dit qu'il doit y rester un mois. Je ne veux pas lui montrer que ça me touche à ce point car moi-même je n'assume pas ce sentiment. Un sentiment d'abandon, un sentiment de perte. Je ne veux pas qu'il croit que je suis devenue accroc à lui même si ça y ressemble fortement. Je me refuse de laisser mon cœur trop parler. Quand bien même Nabil et moi nous sommes rapidement entendu, compris et rapprochés, je ne veux pas qu'il sache tout ce qu'il me plaît. Je continue donc de sourire, je fais la fille détachée mais pas trop... « Ça passe vite un mois! » dis-je d'un air positif mais tout en pensant : « Pfff un mois, pourquoi pas un an... ». Mais petit à petit Nabil se livre et je me décrispe. D'un air un peu timide il me réponds: « Ça dépends pour qui. Pour moi ça va être long d'être loin un mois ».

- T'auras même pas le temps d'y penser là-bas tellement c'est cool Londres, dis-je en souriant comme si j'essayais de convaincre un enfant.

- J'y vais pour bosser par pour des vacances, lance-t-il en me donnant un petit coup d'épaule.

- Je sais mais y a pire comme endroit pour travailler hein!

- Tu viendras? m'interroge-t-il d'un air calme.

- Oui si tu veux, dis-je embarrassée.

- Mais pas comme la dernière fois. Pas qu'une journée. Viens une semaine...ou deux, lance Nabil en plissant les yeux.

Je souris et ajoute: « Je pourrais pas autant ».

- Une semaine de vacances ça va! C'est rien!

- Oui faut voir, oui...!

Je m'engouffre dans la gêne. Ça me met mal à l'aise de m'imaginer toute une semaine juste lui et moi. Plein de questions tournent dans ma tête. Est-ce que son frère sera là? Qu'est-ce que je vais dire à mes parents? N'est-ce pas trop tôt pour passer une semaine avec lui? Dans la même chambre? C'est mort. Je suis paniquée alors que pour lui tout paraît normal. Comment dois-je prendre cela? Ça voudrait dire qu'il a l'habitude d'inviter des filles à partir à l'étranger avec lui...? Je trouve ça rapide, très rapide mais à la fois fluide. Cette dualité de sentiments se marque sur mon visage puisque Nabil me sort: « Enfin si tu veux hein. J'veux pas te forcer ».

- Tu me forces pas! J'réflechissais à mon planning. Je suis une femme occupée moi vous savez monsieur Nabil! dis-je d'un ton ironique.

- Ohhh pardon madame! réponds-t-il. Et vous avez un peu de temps pour votre mec dans votre emploi du temps surchargé?

- Humm je sais pas. Il faut que j'vois avec lui comment on peut s'organiser parce que lui aussi est hyper occupé!

Mon portable sonne. Avant de décrocher, je glisse : « Ah ben d'ailleurs il m'appelle là! ». Nabil me fait les gros yeux. J'ai envie de rire. C'est Linda. Elle m'annonce qu'elle vient de rentrer d'Algérie. Je suis super contente. Nabil ne sourit plus. Il fait le mec détaché mais je vois bien sa mâchoire crispée. Il se demande à qui je parle, obligé. J'appuie bien sur des mots qui vont tout de suite le détendre:« Oui MA CHÉRIE, on ira ensemble chez ma COIFFEUSE demain ». Il me pince alors discrètement à la taille ce qui me fait sursauter. J'ai hâte de revoir Linda. On se dit à demain et je raccroche devant un Nabil taquin. « Il fait des brushings ton mec hein? » lance-t-il.

- Ben ouais! Regarde! dis-je en touchant ses cheveux.

- Ah Madame taille! rétorque Nabil en me faisant des chatouilles.

J'éclate de rire et me débats comme je peux. Il arrête et fini par une bise discrète sur la joue. C'est toutes ces petites choses, tous ces petits gestes qui me plaisent chez lui. J'ai envie de m'accrocher à son bras mais je n'ose pas. C'est bête. Il ne perd pas le nord puisqu'il reprend la conversation au sujet de Londres:« Tu pourrais venir quand? ».

- Il faut que je vois avec ma responsable pour poser des jours. Je te dirai lundi, répondis-je d'un air plus sérieux.

- Tu pourrais venir mardi tu crois? Comme ça on part ensemble.

- Mardi? Ah ça va être juste. Et puis pareil vis-à-vis de mes parents...

Je ne suis non pas un peu, mais très mal à l'aise. Je pensais plus prendre le temps de réfléchir et lui donner une réponse plus tard quoi. Pas là tout de suite comme ça. Ça me touche qu'il veuille que je parte avec lui mais c'est la foire fouille dans mon esprit là. Le fait qu'il soit autant pressé et que tout paraisse autant normal pour lui me fait encore plus douter quand au fait qu'il doit souvent faire ça. Et moi je ne suis pas une de ces filles de passages. Je ne veux pas l'être et je ne le serai jamais. J'ai été très claire là dessus. Lui dire le fond de ma pensée, ces « soupçons » qui commence à germer dans ma tête me brûle les lèvres. Je décide de me lancer car de toute façon, à un moment ou un autre je le lui dirai. Il y a un banc juste à côté de nous. Je propose à Nabil de s'asseoir. « Tu sais...J'ai...Bon je vais pas passer par trente six chemins. Nabil tu proposes souvent qu'on te rejoigne comme ça? Enfin j'veux dire...Je sais pas comment prendre ton invitation. Ça me fait plaisir, vraiment. Mais tu trouves pas ça rapide? On... ».

- On est bien ensemble. Nan? me coupe Nabil, le visage posé.

- Je dis pas le contraire.

- Je sais ce que tu te dis. Il doit faire ça avec n'importe qui etc. C'est ça? me demande-t-il.

- Mets-toi à ma place Nabil. Je suis touchée mais aussi gênée. Tout va très vite. Je dis pas que ça ne me plaît pas. J'ai juste peur...dis-je en regardant mes mains.

- Peur de quoi? De moi? réplique Nabil les sourcils froncés.

- Non, j'ai pas peur de toi. J'ai peur que ça soit banal pour toi...et que ça compte moins que pour moi du coup...

- Je donne pas la clé de chez moi à n'importe qui. J'invite pas n'importe qui à venir passer du temps avec moi après j'comprends. T'es prudente et ça m'plaît ptite tête.

Il sourit et me fixe. Je le regarde puis détourne mes yeux de lui. Puis le re regarde. Il se met à rire. « Ben quoi? » dis-je en riant sans savoir pourquoi.

- Tu m'fais rire. Je peux rire ou c'est trop rapide? Non dis-moi sérieux je veux pas te bousculer! me taquine Nabil en pouffant de rire. J'rigole! Allez viens peureuse on va manger une glace. Pas trop rapide ça va???

Nabil éclate de rire et nous voilà repartis. Moi qui hésitait à dire ce qui me travaillait, et bien je ne regrette absolument pas. Je ne pensais pas qu'il réagirait aussi bien et avec humour. Durant tout le trajet jusqu'à la voiture il me taquine dans tous les sens. Il adoucit les choses et cela me permet de relativiser. Une fois dans la voiture, je l'interpelle avant qu'il ne démarre: « Nabil? ».

- Oui?

- Mardi je pourrais sûrement pas. C'est trop rapproché. Mais j'avais posé des jours. J'étais censée partir en vacances avec ma copine du 24 au 31.

- Pas de soucis. Ben tu vois on y arrive! On y arrive! réponds Nabil en riant.

Alors qu'il démarre, je reçois un message de Samia qui me demande si je peux venir plus tôt. Nabil me dit: « T'étais pas prête pour une glace avec moi, t'inquiète je comprends! ». Nous rions comme des gosses et prenons le chemin du retour qui est rapide. Nabil s'arrête au parking du studio où j ai laissé ma voiture. Il me tend un sac. La parfumerie de tout à l'heure. Surprise, je l'ouvre: le parfum que la vendeuse nous avait fait sentir. « Doux et profond, fruité et ensoleillée, comme toi... ». Cette comparaison me fait encore plus plaisir que le parfum en lui-même. Elle m'aurait suffit tant elle me touche. Je remercie Nabil, émue comme une gamine devant ses cadeaux de Noël. J'enveloppe son visage avec mes mains et pose mes lèvres sur les siennes et lui chuchote: « Tous les vendredis un fraisier InchALLAH ». Il me réponds: « Tous les vendredis un fraisier InchALLAH ».

PNL: Je n'attendais rien sauf le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant