Les tiroirs de mon coeur

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«Quoi? Je peux plus embrasser ma femme maintenant ». Entre regard brumeux et effluves d'alcool, l'autre réagit mal lorsque je le repousse et lui demande d'arrêter. Il est allongé sur moi, tentant tantôt de relever ma robe tantôt d'en baisser les bretelles. Dans un premier temps, j'opte pour la douceur. J'ai honte de me l'avouer mais j'ai peur. Je ne l'ai jamais vu boire. Ses réactions m'angoissent du coup j'essaye comme je peux d'anticiper et je tente de m'en aller en trouvant une excuse aussi foireuse que son état. « J'ai mal à la tête, vraiment, faut que j'y aille tant que je peux encore conduire ». Ça ne suffit pas. Il n'a pas assez bu pour ne pas griller mon excuse. Il est comme ces animaux qui flairent quand leur proie est apeurée. Il sent cette crainte en moi et il ne compte pas en rester là. «Quoi tu veux pas de ton homme? » lance-t-il le regard froncé.

- Qu'est-ce que tu racontes? Ça n'a rien à voir, j'ai mal au crâne, dis-je en essayant de me redresser.

- Nan, nan, nan, nan, nan. On me la fait pas à moi. Tu vas où là? Tu m'as chauffé toute la soirée et là tu veux me laisser comme ça? vomis-t-il sur mon honneur.

-Quoi? Qu'est-ce qu'il te prend de me parler comme ça? J'te reconnais pas!

Il se fiche complètement de ce que je dis, plonge sa bouche dans cou et descend sur ma poitrine. Il descends les bretelles de ma robe et tente de toucher ma poitrine en tirant sur mon soutien-gorge. Je retiens comme je peux sa tête avec mes mains en lui demandant d'arrêter. Il le prend mal, très mal. Il agrippe mes poignets fort et plaque mes bras sur le lit: « Plus jamais tu m'repousses, t'as compris? Tu m'prends pour un chien? » crie-t-il.

- Tu me fais mal arrête! Lâche-moi! Et toi tu me prends pour une chienne? dis-je en me débattant.

- Et alors? Oui et alors alors? T'es ma chienne! Tant que t'es pas la chienne des autres là il est où le problème hein? Hein?

La colère et le choc de ses propos me donnent une soudaine force telle que j'arrive à m'extirper de son emprise. Et surtout, il a l'alcool mauvais, il commence à balbutier et à basculer sur le côté. Je me lève rapidement du lit et presse le pas pour sortir mais il me rattrape par l'épaule. Il me tire vers lui mais pas violemment. Il me colle contre lui « C'est quoi le problème hein? Dis-moi bébé tu veux pas baiser avec ton homme? Pourquoi? Hein pourquoi? Moi j'ai envie de toi pourquoi toi tu veux pas ? Hein? ». Il regrette déjà ce qu'il vient de faire. Je le vois dans ses yeux, je reconnais cette virilité vexée et ce remord naissant qui se battent entre eux tout en essayant de me garder. Des larmes commencent à déferler sur mon visage. Je retire ses bras qui me pressent contre lui mais il me tire à nouveau et me fait basculer sur le lit avec lui. Il m'encense de doux mots: « Ma puce reste contre moi, désolé j'voulais pas dire baiser, j'voulais te faire l'amour ».

- J'vais rentrer, lâche-moi s'il te plaît pour la dernière fois, répondis-je en essuyant mes larmes.

- Nan reste encore, reste avec ton homme. T'es mon bébé toi hein, t'es ma petite puce à moi, chuchote-t-il en m'embrassant la mâchoire, le menton, mon cou.

- Stop! Lâche-moi, lâche-moi ou je hurle! Stop là !!!

- Ma chérie, tu m'excites quand t'es fâchée, glousse-t-il.

Il commence à partir dans un fou rire. J'ai eu envie de le gifler mais je me suis contentée de le pousser violemment. Il se laisse basculer sur le dos, il n'a plus de force. Il ne me retiens pas fort heureusement car je lui aurais mis un coup. « Bébé viens, viens » dit-il allongée comme une épave. Je prends mon sac, je sors de la chambre. Je cache les clés de sa voiture dans son salon. J'ai bien trop peur qu'il tente de conduire pour débarquer en bas de chez moi et je sors en claquant la porte. Et me voilà, là dans le hall de son immeuble. Il est 22h30. C'est Samia qui viendra me récupérer. L'autre habitait à 20 minutes en voiture. En attendant Samia, je me suis posée dans un bistrot à quelques rues de chez lui et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps quand le serveur m'a demandé si ça allait en voyant mes cheveux décoiffés, mon visage défait et mes avant-bras rouges au niveau des poignets. Après l'épisode « romance post-alcool », l'autre a fait des pieds et des mains pour que je lui pardonne. Il est venu tous les soirs en bas de chez moi pendant deux semaines. Toutes ces soirées je l'ai rembarré, jusqu'à la quinzième où j'ai craqué. J'ai écouté ce qu'il avait à me dire et elles m'ont eu des fichues larmes de crocodiles.

« Ness! Allô! ». Je sursaute légèrement. Nabil me regarde l'air interrogatif. Il me questionne: « Ça va pas? T'as pas apprécié ce que j'ai dit? ».

- Non, non, t'inquiète pas. Ça va, j'étais juste dans mes pensées, le rassurai-je.

- Ah ouais, t'étais très loin. Tu pensais à quoi...?

- Rien d'important.

Le sourire de façade que j'affiche ne convainc pas Nabil alors je lui fais une promesse: « C'est le genre de choses qui sont longues à raconter. Quand on aura des looongues nuits devant nous à Londres j'te dirais j'te promets».

- Ok chef. T'es bien avec moi Ness? demande-t-il d'un ton sérieux.

- Oui bien sûr, pourquoi? répondis-je surprise.

- Parce que je sens que t'es triste. T'as pleuré tout à l'heure. Tu m'as dit que tu m'expliquerais quand on seras parti. Là t'avais l'air grave loin dans tes pensées et pareil tu me dis que tu me diras après. Je veux pas te faire de mal. J'ai l'impression que c'est de ma faute et ça me travaille quoi.

Il m'attire vers lui en posant ses mains sur ma taille. Lui que j'ai toujours trouvé sûr de lui, confiant, je m'aperçois qu'il a besoin d'être rassuré. Cela me touche énormément car à cause de l'autre, j'ai pris la mauvaise habitude que ce soit toujours moi qui ai besoin d'être rassurée. Ce sentiment de ne pas avoir autant de valeur dans les yeux de l'être aimé que moi j'en avais pour lui est encré en moi depuis que l'autre m'a bousillé toute confiance en moi.

J'ai envie d'hurler à Nabil combien il me répare, combien il me soulage, combien dans mon cœur il fait le ménage. Je pose mes mains sur ses joues, je lui souris tendrement et je dépose un long baiser sur ses lèvres. Je ne veux plus me décoller de lui mais le fais pour lui répondre: « C'est pas de ta faute crois-moi. Au contraire tu me soignes ». Et là Nabil me serre fort contre lui. Il me glisse à l'oreille: « Toi aussi ». Nous restons comme ça pendant plusieurs secondes, en nous balançant de gauche à droite lentement. Je redresse finalement mon visage vers lui et le taquine: « Tu rougis petite tomate! ». Il me chatouille et se cogne contre la commode. Quelque chose tombe sur le côté: son passeport avec à l'intérieur sa carte d'identité, planqués derrière la commode, boîte de Pandore refermée.

PNL: Je n'attendais rien sauf le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant