Départ express

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Il y a une chose que nous faisons toutes avant de voyager: une virée shopping express. En dernière minute bien sûr, c'est bien tout le concept. C'est ce que j'ai fais en partant de chez Nabil. J'avais besoin de deux trois choses et surtout d'une jolie robe. Il y a de très beaux restaurants à Londres et j'aimerais lui faire une surprise.

Elle m'attendait dans son rayon. Chic sans trop en faire, je regarde cette robe depuis un moment mais je n'avais pas d'occasion pour la porter. Pour une fois j'ai de la chance car il reste plusieurs tailles. Je l'essaye et m'imagine avec maquillée, coiffée. La vendeuse me propose de porter des talons avec histoire d'avoir un « meilleur rendu ». La robe arrive juste en dessous du genou et est près du corps. Je me sens jolie, ça faisait longtemps et je suis émue comme une bête. L'autre m'avait coupé l'envie de mettre ce genre de robe. Je ne me sentais pas belle, plus à l'aise. Je décide que cette robe me réconciliera avec moi-même. Tout du moins je l'espère.

Faire ma valise est un vrai casse-tête. Saliha est allongée sur mon lit et m'aide à choisir mes vêtements. Elle pense que je pars seule rejoindre ma copine qui vit à Londres, à part Samia, personne ne sait pour Nabil et moi. Pulls, jupe, robes, je mets de tout dans ma valise, le temps est incertain à Londres.  Saliha me demande de lui rapporter du chocolat et visiblement fatiguée, elle part se coucher. Je boucle cette valise en y ajoutant mon plaid. J'aime l'avoir avec moi la nuit et j'y ai ajouté le pull à capuche de Nabil avec lequel je dors depuis qu'il me l'a prêté. Enfin allongée dans mon lit, je vois que Nabil m'a envoyé un message: « Appelle moi quand tu peux bébé ». Je m'enfonce sous ma couette et l'appelle. Nos conversations au téléphone le soir sont sans doute celles que je préfère. Tout est calme, silencieux, personne pour parasiter nos voix qui s'aiment. Je me laisse plus aller à déclarer ce que je ressens et Nabil lui, me parle beaucoup de ce qu'il attend. Lui dans le futur et moi dans le présent. J'aime comme il tente toujours de me rassurer. Il sait que la crainte de l'abandon me terrifie et il sait peu à peu comment apaiser mon esprit.

Ce soir, il est d'humeur câline. « J'aurais trop aimé que tu dormes avec moi ce soir ».

- Moi aussi...répondis-je doucement.

- Demain t'es à moi. J't'aurais au lit avec moi, dans mes bras, ça va être bon.

- Oui, au chaud dans tes bras...

Je n'arrive pas à être aussi à l'aise que lui. Bien évidemment, Nabil le sait et continue: « J'vais te faire plein de câlins, faudra pas être timide... ».

- Ça dépends, dis-je embarrassée.

- Ça dépends de quoi? Du genre de câlin...?

- Ben oui..

- J'ai bien l'intention de dévorer ton cou si tu veux savoir et pas que ton cou, lance-t-il complètement détendu.

Je ris légèrement et surtout bêtement. Car, premièrement, je suis gênée et deuxièmement, je ne sais absolument pas quoi répondre. Lui dire que j'en ai envie moi aussi? Impossible! J'ai beaucoup plus de difficulté que lui à verbaliser ce genre de choses. C'est comme si ma timidité devait défiler nue devant son charisme. C'est MORT. Je préfère laisser le silence habiller la honte. Nabil le désinhibé me relance: « Allô? Ben alors t'es timide. Tu parles plus...? ».

- Difficile de répondre à ça...dis-je en fermant les yeux comme s'il me voyait.

- Pourquoi...? Tu veux pas?

- Parce que, oui, je suis timide...

- Faut pas être timide avec moi. J'suis ton mec, pas un étranger, lance-t-il. Y a pas de tabou entre nous.

Il l'a dit. Le mot dont seule la prononciation le fait vivre. C'est tabou de dire tabou Nabil! Je m'enfonce sous ma couette en faisant une grimace. On doit vraiment parler de ça là? Je n'ai absolument pas envie d'entrer sur ce terrain là. Je tente une esquive franche et tranchante: « Tu sais quel temps il fait à Londres ?». Ça peut paraître très nul et malpoli mais c'est sorti sans que je n'ai le temps de m'en rendre compte. Nabil ne se démonte pas. Le climat à Londres, Bornéo ou Tokyo, c'est tout sauf sa priorité. Il me dit:« Pas grave, on en parlera face à face, j'te laisserai pas le choix ». J'étouffe ma gêne derrière un rire que je veux espiègle mais Nabil sait me déchiffrer. Il connait maintenant certaines facettes de ma personnalité que même l'autre en un an n'a jamais détecté.

On se dit bonne nuit quand les phrases de Nabil ont un début mais de moins en moins de fin: il s'endort au téléphone. Juste le temps de se dire bonne nuit et je raccroche les 1h51 de conversation qui m'en ont paru tellement moins. Je pense au lendemain. À nous deux, à Londres, à tout ce que j'appréhende et tout ce que j'attends tellement. Mes pensées puisent sur mon capital sommeil et c'est à 2h que je décide enfin à fermer mes paupières. Je m'endors sur cette pensée:« Demain à cette heure ci je serai avec lui ».

La nuit est courte mais je ne me préoccupe pas de la fatigue qui s'accroche à mes yeux. Une douche et un peu de maquillage pour la masquer feront l'affaire. Il est alors 6h quand je m'apprête à sortir. Je tente de faire le moins de bruit possible, mais ma mère est réveillée. Je m'en veux de lui mentir et encore plus quand je sens ses baisers si tendres sur mes joues. « Fais attention à toi, appelle quand tu es arrivée » me dit-elle. Je l'embrasse et lui promets de le faire.

Pour que nous ne nous voyons pas partir ensemble, nous partons pour la gare chacun de notre côté. Nabil avait insisté pour que je le rejoigne en bas de chez lui mais j'ai tellement la hantise que l'on croise quelqu'un que je préfère rester discrète. C'est donc seule que j'arrive en Uber à Gare du Nord. Cette dernière est déjà bondée de monde. Je n'arrête pas de balayer du regard tout autour de moi pour trouver Nabil qui me dit qu'il est déjà arrivé. Je tire tant bien que mal ma valise que le chauffeur Uber a pris le soin de taxer de « ah ouais elle est lourde » en la sortant du coffre, quand je sens une résistance. Je me tourne et voit Nabil. Ses petits yeux manquant tout autant de sommeil que moi bien que quelque peu dissimulés par sa capuche me sourient. Nous nous faisons la bise et cela nous paraît très étrange. Si bien que nous rions gênés par cette situation de mi-planque, mi-pudeur. Heureusement la file d'attente pour notre Eurostar est très courte et en un claquement de doigts, Nabil, ma valise du poids d'un humain et moi, nous retrouvons à bord du train.

Je suis un peu tendue. Nabil le remarque et s'assoie en face de moi. Sans même se parler, il a compris mon stress. Et si quelqu'un que je connaissais débarquait? Fort heureusement, rien à signaler. Notre wagon est agréablement silencieux et n'est même pas rempli à moitié. Personne ne viens s'assoir sur les sièges près de nous et une fois que le train démarre, Nabil viens s'installer à ma droite. Quel bonheur d'être presque seuls. J'appréhendais tellement le mauvais hasard de tomber sur quelqu'un. Soulagée, je retire ma veste, jette un regard derrière moi, puis attire le visage de Nabil vers ma bouche pour y déposer un baiser. « Bonjour monsieur ».

- Bonjour madame, rétorque-t-il la voix cassée. Ça y est, rassurée? Y a personne.

Je souris et après quelques minutes à discuter brièvement, la fatigue nous rattrape. Nous nous endormons, l'un contre l'autre, ma tête sur l'épaule de Nabil, la sienne contre la mienne. Prochain arrêt : London baby!

PNL: Je n'attendais rien sauf le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant