Toute la pluie tombe sur moi

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Un silence de plomb vient encombrer lourdement la voiture. La voix à l'autre bout du fil ne fait pas dans la dentelle. "Bâtard tu vas soulever une tasse et ton pote alors? J'ai..." et je n'entends plus rien, Nabil ayant jugé plus judicieux de baisser le volume de son téléphone. "Bon vas-y à plus tard" rétorque Nabil dont les traits se sont durcis en quelques secondes. Il raccroche et là je dois dire que je me sens conne, très conne.

Je suis énervée, déçue par ce que je viens d'entendre. Ben ouais ma grosse c'est un mec comme les autres, tu croyais quoi? Après ce beau moment lunaire au studio, c'est l'éclair, le tonnerre, les nerfs. Une sorte de gifle morale qui vient te remettre les idees en place. Je n'ai qu'une envie là c'est de rentrer chez moi. Ça tombe bien c'est moi qui conduit. Je n'ose pas me déposer en bas de chez moi, limite comme si je profitais de lui alors que je suis énervée contre lui. Je vais m'arrêter dès que je peux et je rentrerai à pieds.

Je me sens comme dupée. Je n'ai pas envie de rester une minute de plus avec lui. À la prochaine intersection, je fais demi-tour. Nabil m'interpelle:"Tu fais quoi?".

- Je rentre chez moi, dis-je le ton faussement calme.

- Pourquoi? On devait aller quelque part là, dit-il d'une manière sèche.

J'hallucine! C'est lui dont le pote vient de le dépeindre comme un coureur de jupon, pour rester polie, et c'est lui qui fait le mec énervé? C'est le monde à l'envers là. Je ne me démonte pas et utilise ce qu'il me reste de fierté pour lui répondre sèchement:"Je préfère rentrer".

- C'est à cause de ce que mon pote a dit au tel? Il parle pour rien dire calcule pas.

- T'as pas à te justifier t'inquiète pas. Je ne suis rien pour toi. Tu ne me dois rien, dis-je l'air détaché.

- Tu penses ça? m'interroge Nabil, le ton énervé.

- Je pense rien. Je constate, dis-je en arrêtant la voiture sur le côté.

- C'est pas une réponse ça. Reponds, tu penses ça? dit Nabil, les traits de plus en plus durs et la voix grave.

- Pourquoi tu me parles comme ça? dis-je d'un ton déçu.

- Comme quoi? Laisse tomber on est pas sur la même longueur d'onde apparemment. J'te retiens pas.

- Tu m'envoies balader là? Ok allez salut...dis-je sentant la colère monter de plus en plus et en ouvrant la portière.

Nabil me retient par le poignet. "Tu vas où là?".

- Chez moi, lâche moi stp, dis-je en détachant ma main de son poignet.

- Pas toute seule à cette heure-ci, j'te depose.

Je décline sa proposition et sors de la voiture. Nabil sort à son tour de la voiture. Je sens sa main sur mon bras:"J't'ai dit pas toute seule à cette heure-ci, arrête tes conneries j'te dépose" dit-il bien décidé à me faire remonter dans la voiture. Je retire sa main de mon bras et continue à marcher. Et bien sûr, à ce moment là, il PLEUT! J'ai l'impression d'être dans un film, sauf que là j'ai hyper froid, que je suis loin de chez moi et que personne ne va crier "COUPEZ! T'étais super sur la scène de la sortie de la voiture! On la refait avec un peu plus de colère!". Non, personne pour me dire que c'est pas la réalité. Réalité qui perle sur ma joue et mes cheveux, la pluie vient vite tâcher mon manteau de gouttes de plus en plus grosses. J'entends Nabil marcher derrière moi, il me rattrape par le poignet et me lance:"Arrête tes conneries là! Viens j'te dépose! T'es malade. J't'ai récupéré en bas de chez toi, je te ramène en bas de chez toi!".

- Tu m'as prise pour un paquet? Soulage ta conscience, rentre chez toi, tout va bien aller pour moi, dis-je sans même le regarder.

- Hein? N'importe quoi! Eh, eh Ness! Oh stop!

Nabil aggrippe mon poignet, me tire vers lui et me dit:"Tu viens ou j'embrasse ici au beau milieu de la route, chemin qui amène chez ta cousine! Nimporte qui peut nous voir là comme des cons!".

Il est serieux avec son chantage? Bien que je n'ai aucune envie qu'il me dépose et que je sais qu'il ne le ferait pas, je réalise qu'il veut m'éviter de m'exposer à des problèmes en restant ici et le suis. Je monte dans la voiture comme une enfant dont les parents viendraient d'écourter sa fugue. La tête tournée vers la vitre, le regard rivé vers l'extérieur comme si j'étais prisonnière de cette voiture, je commence à pleurer. Non! Pas ça! Heureusement la pluie m'a bien arrosé et cela passe inaperçu.

Je me sens bête. Nabil ne dit pas un mot. Je tremble de froid. Il allume le chauffage et tend son bras vers la banquette arrière pour prendre son pull et me le donner. Décidément il ne récupérera jamais ses affaires. Je l'accepte car je trouve cela gentil malgré tout et je ne veux pas faire la fière à deux balles face à un acte de bienveillance, c'est moche. J'enroule le pull autour de mon cou. Son odeur m'enivre mais à quoi bon? Les mots de son pote résonnent dans ma tête. Des mots sales..."hôtel", "tasse"... Je me doute bien que tous les hommes ne sont pas des enfants de coeur quand ils parlent de femmes entre eux, mais là ça me dégoûte. Je n'aurais pas dû les entendre. Ou peut-être est-ce un signe?

Nous arrivons en bas de chez moi, à l'endroit où Nabil me récupère pour pas que l'on nous voit. Je retire son echarpe et son pull. Il m'interpelle directement:"Garde tu vas tomber malade". L'ambiance étant aussi froide que mon corps trempé par la pluie, je l'écoute et les garde. Je ne sais pas quoi dire d'autant plus qu'il ne cherche pas à me rassurer ou me retenir. Je me contente de dire:"Merci. Bonne soirée Nabil".

- Merci bonne soirée à toi aussi.

J'ouvre la portière, sors de la voiture, marche à peine deux mètres et entend le klaxon de sa voiture. Je me retourne, et là il me lance calmement à travers la vitre passager qu'il a ouverte:"Ness viens stp, viens".

Je suis choquée. J'étais persuadée qu'il allait me laisser rentrer chez moi comme ça et le haïr jusqu'à la fin des temps pour ça. Je fais demi tour, penche ma tête au niveau de la fenêtre:"Oui?" dis-je en grelottant comme une stupide que j'ai été de me couvrir si peu.

- Mais viens entre. Reste pas dehors, viens là, dit Nabil dont les traits se sont relativement détendus.

Il y a comme du dégoût sur son visage. Comme s'il m'avait jeté de sa voiture comme une malpropre et qu'il regrettait. Je m'asseois, le regarde brièvement avant de porter mon regard sur le pare-brise.

- Nessma, retiens pas ce que mon pote a dit. On se taille beaucoup. J'vais pas te mentir, oui j'ai pécho des meufs juste pour...voilà quoi. Mais c'est pas ça avec toi, j'cherche pas à...bref tu comprends.

- Y a rien à gratter de toute façon, dis-je sans le regarder.

- Je sais et justement, c'est pour ça que j'te dis oublie ça, dit-il en prenant ma main. Me condamne pas j'ai rien fait d'mal.

- Me déçois pas, je suis pas ces filles là.

- Oui chef, dit-il en me faisant un clin d'oeil.

- Bonne nuit explorateur, dis-je en descendant de la voiture.

- Bonne nuit exploratrice, dis-moi quand t'es chez toi.

Je ne sais pas si je vais droit au mur ou pas avec lui mais j'y vais.

PNL: Je n'attendais rien sauf le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant