PNL: Je n'attendais rien sauf le destin

La voix de nos mains

Plus on s'approche de chez moi, et plus il serre ma main.  Il la presse une fois puis je fais pareil. Puis c'est à nouveau son tour etc comme si nos mains communiquaient par code. Elles parlent avec leur propre langage alors que nous, nous sommes muets comme des carpes! Cette situation est plaisante. Je me prends au jeu, moi qui suis d'habitude si méfiante. Je m'étonne à laisser mon pouce caresser le sien. Tout cela sous un fond musical enivrant qui vient donner de la voix à notre dialogue de  mains.

Je repense à Linda et à la demande en mariage de son fier restaurateur. Lundi dernier, je ne connaissais même pas Nabil à cette même heure...La différence c'est qu'il connaît mon cousin, mes cousines...Pourquoi devrai-je avoir peur? Peut-être est-ce pour cette raison que je me laisse emporter par tous ces enchaînements de rdv imprévus...? Mais à l'inverse ne devrai-je pas me méfier? Car tout le monde le connaît dans leur quartier...Les nouvelles se répandent comme de la poudre, et je me passerai volontiers de recevoir les foudres des commentaires indiscrets de la foule. Saïd est moins autoritaire et moins présent depuis qu'il est avec sa copine mais il n'en reste pas moins mon cousin et par la même occasion celui de mon grand frère...

Une parole, enfin, de Nabil me sort de mes pensées:"Ça craint si je te dépose en bas de chez toi...?".

- Le truc c'est que mes parents pensent que j'étais chez Samia. Ça doit déjà les intriguer de ne pas voir ma voiture garée en bas et ils connaissent la voiture de Samia...dis-je comme une adolescente qui aurait fugué juste pour la soirée.

-  Ça m'embête de te déposer plus loin vu l'heure, dit-il agacé.

- On peut rester au téléphone le temps que j'arrive chez moi...

Super, déjà que dans la voiture on avait du mal à parler en même temps que nos mains mais là, affronter une conversation juste après c'est encore plus gênant. Je pensais qu'on se dirait au revoir et qu'on ferait les lâches à se parler par messages...Via écrans interposés, il est beaucoup plus facile d'être bavard après ça. Mais ÇA quoi? J'en parle comme si nous avions commis un délit. C'est ce silence qui est notre crime. Mais c'est aussi notre douce mélodie...

- Ok. Fais attention à toi, me dit-il en appuyant sur ma main. Pour ta voiture demain, je peux t'amener la récupérer en début d'après-midi. Je taf après jusqu'à très tard.

- Sinon je peux y aller toute seule t'inquiète pas!

- Et comment tu vas aller jusque là-bas petite tête? C'est mal desservi. Bref de toute façon je t'amène c'est réglé, me dit-il avec un petit sourire qui ne manque pas de m'en décrocher un.

- Merci...Fais attention sur la route. Tu me diras quand t'es arrivé...

- Oui t'inquiète. Demain 14h ça te va? me demande-t-il.

J'acquiesce et là, on se regarde sans avoir quoi faire. On se fait la bise? Se serrer la main non, là ça serait de la pure provocation. Lancée dans mon semblant de confiance en moi, je prends les devants.

-Bon...dis-je en m'approchant de lui et en lui faisant la bise. Fais attention sur la route explorateur.

Il a l'air content que j'ai pris l'initiative mais on parle de se faire la bise! J'en rigole toute seule intérieurement. Il m'adresse un sourire. Je descends de la voiture. J'attends d'être juste assez loin de sa voiture:"Allô? Nabil?" dis-je d'une voix pseudo surprise.

-Allô Nessma? dit-il sur la même tonalité.

- Ça faisait longtemps!!! dis-je en riant.

Il m'accompagne au téléphone jusqu'à ce que j'arrive à ma porte, moment auquel je décide de raccrocher. Arriver aussi tard et en plus au téléphone? Pour réveiller tout le monde? Non merci.
Une fois dans ma chambre, je déroule son écharpe que j'ai oublié de lui rendre. J'ai l'odeur de son parfum sur moi. Ce n'est pas sans me déplaire. Le temps de me démaquiller, de me brosser les dents, me changer et de me glisser sous la couette, et je reçois:"Bien arrivé ma petite tomate. Fais de beaux rêves. J'te préviendrai demain avant de venir. Soirée "plus que sympa"...Bisou".

Je suis là sous ma couette, à sourire toute seule. C'est grave comme nous les filles on remarque tout. Pour exemple, les points de suspension, c'est notre kiffe! Les points de suspension c'est un message subliminal, un sous-entendu, une bouteille jetée à la mer. C'est fou ce que c'est trois petites billes noires nous font rêver! Je rigole à ma propre bêtise en relisant le message de Nabil.

"Merci encore pour cette double balade. Fais de beaux rêves toi aussi...". Non, c'est nul. J'efface, je re écrit mon message, et l'efface encore. Finalement je lui envoie:"Merci encore pour cette double balade, ça m'a fait beaucoup de bien. Je confirme, plus que sympa...Fais de beaux rêves à demain bisou".

Un quart d'heure pour écrire UN texto de TROIS phrases ou la torture psychologique des meufs. Il est 1h43. J'ajoute:"PS: toi aussi tu sens très bon" avec un emoticone clin d'oeil, chose que je regrette aussitôt. Il va me prendre pour une aguicheuse. Bon c'est trop tard c'est envoyé...Je  fais un truc que je n'ai pas fait depuis tellement de temps.  Je prends son écharpe et je la pose contre ma joue. Son parfum est rassurant. Il embaume mon oreiller. Je veux m'endormir avec.

Brrrr mon portable vibre. Je me redresse direct.  "Vous avez utilisé la totalité de votre forfait 4G" blablabla. Ils sont sérieux? À cette heure-ci? Je crois que dans toute l'histoire des faux espoirs en terme de texto, celui-ci est numéro un. Je n'ai pas de réponse au texto envoyé à  Nabil. Mais en même temps qu'est ce qu'il pourrait me répondre? Je lui ai parlé de son odeur comme si je l'avais humé comme un chien.  Je suis partagée entre le fou rire et la fatigue. La journée à été longue. J'ai l'impression d'en avoir vécu deux en une seule.

3h02. Je me lève en sueur, courbaturée, je n'arrête pas de tousser. Ma gorge me pique et mes yeux tout autant. Ma petite soeur Saliha réveillée par ma toux, vient me voir. Elle me passe un gant de toilette sur le visage et me recouvre. Elle prend l'écharpe de Nabil et là pose sur ma table de chevet "pour pas la mouiller" m'explique-t-elle. Là, je lui fais de la peine, mais demain, elle s'empressera de me demander à qui elle appartient. En même temps, elle m'a grillé en train de dormir avec, elle a le droit à une question joker. Surtout que je vais sûrement avoir à lui demander un service.

En attendant, mes paupières sont de plus en plus lourdes. Morphée me tend ses bras. J'y plonge sans m'en rendre compte.