Je ne retiens pas mes larmes. Je laisse mon coeur dégouliner. Nabil ne remarque rien, je l'entends dans sa chambre toujours au téléphone. De ce que j'entends, il cherche ses papiers qu'il « ne trouve pas depuis plus d'une heure ». J'ai l'impression d'être cet enfant qu'on a oublié de venir chercher à la sortie de l'école. J'ai limite envie de partir sans rien lui dire mais mon mal être serait encore pire. Garder toute cette mauvaise énergie pour moi le temps qu'il termine sa conversation aurait pu être une option mais pas aujourd'hui. La colère me gagne peu à peu. Il m'a à peine calculé et il sait que je veux lui parler de quelque chose. C'était le but de mon texto de la nuit dernière. Tout se mélange en moi. Ces larmes c'est un tout. Le mauvais suspense ou plutôt l'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes avec l'histoire de l'hystérique, lui qui part tout à l'heure et lui qui ne sait même pas que là je pleure. Il a bien vu pourtant sur mon visage que quelque chose clochait quand il m'a ouvert la porte. Je suis à fleur de peau. Lui que j'avais tant besoin de voir ne serait-ce que pour qu'il me prenne dans ses bras, et bien là j'ai envie de le laisser et claquer la porte.
Je me lève sous l'impulsion de cette colère naissante et rejoins Nabil dans sa chambre. Il est encore au téléphone et fouille en même temps dans sa commode. Je reste sur le pas de la porte et dit: « J'y vais ». Puis je tourne rapidement les talons. J'entends Nabil dire « hein? Attends, attends j'te rappelle ». Je fonce vers la cage d'escaliers mais il me rattrape à temps à hauteur de la porte avant que je ne puisse l'ouvrir. « Ness! Eh tu fais quoi? Pourquoi tu pars? ». Je tourne ma tête à son opposé. Il me tourne vers lui et me dévisage d'un air surpris: « Tu pleures? Qu'est-ce qu'il y a? ». Je n'ai ni l'envie ni la force de répondre. Il insiste, je ne réponds pas. Il me prend par la main et me guide jusqu'à son appartement comme le parent qui est enfin venu récupérer son gosse.
De pas en pas, je me dis que je vais devoir parler alors que je n'en ai absolument pas envie. Il m'attire vers le canapé mais je ne veux pas m'assoir. Il me fixe.« Pourquoi tu pleures? Et pourquoi t'es partie comme ça? » m'interroge Nabil les sourcils froncés d'inquiétude. Silence radio de ma part. Je regarde mes mains. Il continue: « Nessma? J'te parle. Réponds moi s'il te plaît ». Silence radio encore. Après trois, quatre, cinq autres tentatives, et là, son ton se durcit et ses mots aussi: « Nessma j'suis pas un chien oh! T'es sérieuse là? J'ai rien fait moi». J'ai encore moins envie de répondre, je me sens encore plus mal. Je reste silencieuse et les larmes continuent de défiler sur mon visage. Il tente une dernière fois mais face à mon mutisme il me lance une phrase comme une fléchette sur mon coeur. « Ok parle pas. J'pars bientôt et toi tu saccages tout! Tu me prends pour un chien! ». Son ton est froid et cassant. Cela a le mérite de me faire réagir puisque je m'assois ou plutôt m'effondre en sanglots sur le canapé et prends ma tête entre mes mains. Nabil s'approche. Il est debout devant moi. J'ai envie d'être loin, seule, et en même temps j'attends de lui qu'il me serre fort contre son torse et me réconforte. Il me prend la main et me redresse. « Arrête de pleurer, ça y est » dit-il en essuyant mes larmes. J'esquive son regard mais on n'esquive pas ce mec. Il me relève le menton, je suis bien obligée de le regarder. « Ça y est, arrête de pleurer ». Il me serre dans ses bras et comme une affamée d'affection qui n'attendait que ça, je le serre et pleure de plus bel. Il a l'air dépassé par la situation et me tapote le dos. « Ness stop arrête de pleurer tu me fais flipper là » dit-il doucement. Il enchaîne: « Désolé je t'ai parlé sèchement ».
- Non t'as été méchant, répondis-je la voix enrouée.
- Ah enfin elle parle! lache-t-il en riant légèrement.
- C'est pas drôle, marmonnais-je entre deux reniflements.
- Je sais, je sais. Bon maintenant que tu as retrouvé la parole, dis-moi pourquoi tu pleures?
- Tu continues, c'est pas drôle, dis-je vexée et en retenant des larmes.
- Oh oh ok ok, j'arrête pleure pas et dis-moi. Y a rien de grave.
Il caresse ma joue. Je ferme les yeux brièvement et appuie mon visage sur sa main. Je me sens en sécurité. Comme dans un cocon. « Non rien de grave Dieu merci. Désolée j'ai dû te faire peur » dis-je doucement en mêlant mes doigts aux siens. J'ai du mal à parler car le fait qu'il se soit excusé et qu'il ai réagit de la façon que j'attendais, me touche énormément. Je reprends: « Je te dirai mais pas ici, pas maintenant mais t'inquiète pas il n'y a rien de grave en soit, pas de danger etc. ».
- Pourquoi tu me dis pas maintenant? Tu me fais flipper là, y a quoi? m'interroge-t-il l'air étonné.
- Nabil j'te promets qu'il n'y a ni danger ni rien de ce genre. Fais-moi confiance.
- J'te fais confiance mais j'arrive pas à comprendre pourquoi tu veux pas me dire ici? Tu veux me dire où alors? demande-t-il toujours aussi surpris.
- À Londres, loin d'ici, juste toi et moi. Ça nous fera du bien. Et pourquoi, parce que comme ça on règlera ce truc tous les deux.
- Mais j'vais devoir attendre jusqu'à ce que tu viennes la semaine prochaine? Nessma sérieux, dis-moi direct maintenant, dit-il d'un ton calme.
- Nan, amene-moi avec toi tout à l'heure.
Prise dans l'élan de cette soudaine audace dont je fais preuve, j'embrasse Nabil. D'abord lentement comme un nuage qui se déplace puis de plus en plus fougueusement comme si le temps était compté.
Gêne et embarras. Se sont deux mots synonymes mais on s'en fiche, il en faudrait même plusieurs autres pour qualifier ce que j'ai ressenti en lui disant de m'amener avec lui. Mais je l'ai dit, je voulais le dire et je ne regrette pas d'autant plus que la réaction de Nabil me fait tout de suite relativiser. Il me chuchote : « Bien sûr que je t'amène avec moi bébé ». Toute une colonie de papillons dansent la salsa ou bien même le foxtrot dans mon ventre. Je souris et colle mon front contre celui de cet homme que je n'ai plus envie de quitter.
Il me demande dans combien de temps je peux être prête à partir et là, la réalité reprends le dessus. Qu'est-ce que je vais dire à mes parents? Comment partir comme ça le jour même?
Et donc après la spontanéité de cette décision prise comme si je ne devais rien à personne, je partage mes interrogations avec Nabil qui me propose de décaler son billet à demain matin. Je peux alors dire à mes parents que je pars rendre visite à l'amie vivant à Londres. Amie imaginaire ou bien AMI plutôt...! Ce n'est pas un si gros mensonge après tout... C'est un billet pas cher en dernière minute, plus interessant que celui de la semaine prochaine...Pour le travail, je joue carte sur table. Je vais dire la vérité à Fatou. Enfin la presque vérité...Je l'appelle: « Ça m'arrange de partir demain niveau tarif ». Fatou ok car Cécile la collègue reloue est revenue d'arrêt aujourd'hui. Je sais très bien que dans une autre boîte cela aurait été beaucoup plus compliqué mais mon amitié avec Fatou aidant et tout le « bénévolat » que j'ai fait pour combler l'absence de Cécile jouent en ma faveur. Travail ok. J'enchaîne avec un appel comme si de rien n'était à ma mère durant lequel je lui annonce. Zéro problème, elle est même contente pour moi que je fasse une bonne affaire. Je suis une enfant horrible, je m'en veux mais ai-je le choix ?Une fois que je raccroche, je lance un gros sourire à Nabil. « Pour te répondre je peux être prête pour demain matin ». Il me souris comme un soleil en plein mois d'août et on oublie presque les larmes juste avant et même le pourquoi du comment. Je pose un baiser sur ses lèvres et lui propose de l'aider à chercher ses papiers. Demain, London baby!
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PNL: Je n'attendais rien sauf le destin
FanfictionMoi, Nessma, 27 ans et une envie grandissante de dévorer le monde. "Le monde ou rien"... Je n'attendais rien de lui mais le destin en a décidé autrement. Une rencontre inattendue un dimanche matin et mon cœur se balade d'imprévus en imprévus...avec...