PNL: Je n'attendais rien sauf le destin

La discrétion

Il est 18h30. Je n'en peux plus de l'odeur du sucre. Il fait hyper beau dehors.  Samia, insiste pour qu'on aille faire un tour ou plutôt acheter du pain. Je ne suis pas dupe. Elle veut qu'on le croise mais moi j'ai honte. Je vais passer pour celle qui a raconté à sa cousine et on va passer pour deux gamines. Bon je lui ai raconté ça c'est clair mais il a pas besoin de le savoir. On a jamais traîné en bas de chez elle et c'est pas aujourd'hui à notre âge qu'on va le faire.

Je propose à Samia d'aller faire un tour en voiture. Je refuse de marcher ici ça va pas. Pour qu'on nous remarque. Non merci.

Au loin j'aperçois le petit de ce matin.  Il est entouré de jeunes plus âgés que lui. Il m'apperçoit et me fait coucou de la main avec un large sourire. Je me sens un peu con et je lui renvoie de manière un peu maladroite un sourire et un léger coucou de la main.

- C'est lui qu'il t'a envoyé? C'est le petit frère d'un de ses meilleurs potes, me dit Samia.

- Oui c'est lui. Ah ok...

On va acheter du pain. Je dépose Samia, je l'embrasse et je sors de son parking.

Je suis un peu parano, je l'ai toujours été mais là depuis 5 minutes une voiture me suit. Je décide de changer ma trajectoire. Mon téléphone sonne. J'ai reçu un texto.

0622..."Excuse moi, tu dois flipper lol c'est moi la voiture. Je ne suis pas un malade ne tkt pas. C'est juste que je n'ai pas voulu t' aborder en bas de l'immeuble. Tu peux avancer direction Paris et sortir juste après le centre commercial? Nabil"

Hein? Comment il a eu mon numéro? Je suis partagée entre le rire et la panique. Je sens le sucre comme si je m'étais baignée dans un pot de miel. Il veut quoi? Je roule et je me refais le film depuis que je l'ai vu hier à ce matin...Le petit! L'appel à son père! Non???

Rien que pour ça je vais le voir. Je veux savoir c'est quoi cette histoire avec le petit de ce matin. Je comprends mieux son large sourire et son coucou de tout à l'heure.

J'essaye discrètement de me re maquiller un peu mais c'est pas évident avec lui derrière. Il me voit dans son rétroviseur. Fais chier! Comme si elle avait capté mon agacement, une voiture vient se glisser entre la mienne et la sienne. Bingo! Feu rouge: retouche maquillage express! Ce feu est long en plus et juste assez long pour que je rafraîchisse mon maquillage ni vu ni connu. Je me sens fière de moi comme si j'avais relevé un défi, n'importe quoi.

La sortie est de plus en plus proche. Vite vite je cherche une chanson bien histoire de pas m'afficher comme hier. Pas du Beyoncé je vais passer pour une féministe de banlieue, pas du rap ça ferait "fait exprès". Voilà, ça ça passera une chanson rnb old school.

Je cherche à gagner du temps en faisant mine de chercher quelque chose dans mon sac lorsqu'il arrive côté passager.  Je relève la tête, lance un léger sourire alors qu'il me dit:"Je peux?"

- Oui bien sûr entre.

- Tu dois me prendre pour un ouf non? dit-il en rigolant

- Oh non pourquoi? Ça m'arrive souvent de me faire suivre en voiture, dis-je en rigolant à mon tour.

- Désolée tu as dû avoir peur. C'est juste que je n'ai pas voulu te parler en bas de chez ta cousine par respect...et puis même de manière générale je suis pas du genre à m'étaler...Tu vois?

- Oui je comprends. Et sinon ton fils va bien? lui dis-je en souriant avec un air sarcastique.

- Mon fils? Il écarquille les yeux. Ah...

Il rigole et ajoute :" Oui mon petit va bien et il m'a dit que tu avais été "trop gentille avec lui" et que tu sentais hyper bon".

On rigole en même temps.

- Mais pourquoi tu l'as envoyé me voir?

- Hier soir j'ai eu une obligation professionnelle. J'ai donc envoyé mon petit à ma place pour t'aider. J'ai vu son père la veille il m'a dit qu'il avait eu des problèmes à l'école donc j'en ai profité.

Je suis hyper gênée. Je trouve ça a la fois très gentil mais aussi étrange. On ne se connaît pas...

- C'est gentil t'étais pas obligé...

- J'aime aider la famille. Saïd c'est la famille, me dit-il en détournant le regard comme si ce qu'il venait de dire posait une barrière.

- Merci Nabil c'est gentil. Mais te dérange pas pour moi. La prochaine fois je punirai ton "fils", dis-je en souriant.

Il sourit à son tour. Un ange passe...Il se lance:"Tu t'appelles comment? Désolée ça arrive tard"

- Nessma et toi? Nabil je suis con. Tu me l'as dit.
Je me sens conne, je rigole et lui aussi.

- Ça te dit d'aller manger un truc? Enfin on prends un truc à emporter et je t'amène dans un endroit calme et sympa, me dit-il.

- Euh...Là?

- Oui là, je repars travailler dans 3 heures.

J'ai envie d'accepter mais je suis hyper gênée et demain je dois me lever à 6h...Mais contre toute attente j'accepte.

- Tu viens? Gare ta voiture un peu plus loin. On viendra la récupérer après.

- Je te suis, lui dis-je d'un air assuré.

Il met sa main dans la poche de sa veste et en retire sa carte d'identité qu'il me tend  et me dit: "Tiens si ça peut te rassurer. C'était juste qu'à une voiture c'était plus simple pour parler. Fais une marche arrière et suis moi". Il sort de la voiture. Il n'a pas l'air vexé mais je me sens bête, il a raison. 

Je sors de ma voiture, il se retourne et sourit. Je m'assois près de lui:"Tiens si ça peut te rassurer!". Je lui tends ma carte d'identité et tout en la glissant dans la poche intérieure de sa veste il me dit en souriant:"On sait jamais tu as peut-être braqué une usine de sucre!".

Je rougis. Il sent que je suis gênée et ajoute en fixant la route:"Il a raison mon petit, tu sens très bon". Je rougis encore plus. Je lance un timide :"Merci...".

Un blanc s'installe dans la voiture et Dieu merci la sonnerie de son téléphone vient le fracasser, me sauvant de ma timidité qui colorait de plus en plus mon visage. Il s'excuse et décroche. Je comprends vite que c'est pour le travail. 

Pendant qu'il parle au téléphone, je remarque que sa voiture sens très bon. Ça sent le musc. Il y a un beau chapelet sur le rétroviseur intérieur, un paquet de chewing-gum, des clés usb et un paquet de bonbons dans le vide poche. Je me sens bien. C'est bizarre j'ai l'impression que lui comme moi sommes dans une parenthèse qui soulage notre journée. Derrière ma veste en jean, dans ma poche intérieure, contre sa carte d'identité, il le dirai mieux, mon coeur.  Il bat vite...Vite...Je ne veux même plus savoir il est quelle heure...