Aveu

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Je ne m'attendais pas à un tel accueil quand je suis entrée dans la voiture de Nabil. Il est au téléphone et semble agacé. Il me fait un signe de la tête et un clin d'oeil en guise de bonjour. Il appuie sur l'accélérateur d'un coup sec en même temps qu'il dit à son interlocuteur d'un ton grave:"J'suis occupé là tu pouvais pas dire avant". Je suis un peu bousculée dans le siège. Nabil pose son bras devant moi comme pour s'en excuser. Il raccroche sur un "c'est bon j'arrive". Il me regarde et me dit:"Désolé ça va?"

- C'est rien, oui ça va et toi? dis-je avec une petite voix comme si j'avais peur de l'énerver encore plus qu'il en avait l'air.

- Ça va mais j'dois passer vite fait chez un mec récupérer une maquette là.  On y va vite fait et après on va manger? dit-il en me caressant la main frénétiquement.

- Oui pas d'soucis, dis-je à peine à l'aise.

Sur le trajet Nabil m'explique qu'il est énervé car il était avec ce type juste avant de venir me chercher et qu'il n'habite pas la porte à côté. Ce n'est pas le bout du monde non plus mais bon il nous faut traverser une bonne partie de Paris. Il a les traits tendus, les sourcils froncés et cela ne va pas en s'arrangeant avec tous les appels qu'il reçoit. Il décide de ne plus répondre et cest à ce moment qu'il remarque que je suis assez silencieuse. Nous sommes arrêtés à un feu rouge quand il me dit:"Ca va? Tu parles pas beaucoup?".

- Oui ça va, non c'est juste que j'veux pas te déranger avec tes appels, dis-je embarrassée car je sens que les larmes peuvent sortir à tout moment.

- Déranger? Pourquoi tu dis ça? Tu me déranges pas du tout, dit-il en penchant sa tête pour voir mon visage que j'essaye de cacher en passant ma main dans mes cheveux.

J'ai la gorge nouée. Tout mon corps est contracté. Si mon regard croise le sien, c'est sûr je vais pleurer. Il tire mon visage vers lui et me dit:"Ness? Qu'est-ce qu'il y a? Pourquoi t'as les yeux rouges et gonflés?".

- Rien une allergie c'est...

Son téléphone sonne et me coupe dans mon élan de mensonge. "Attends excuse-moi Ness désolé vite fait c'est lui. Ouais allô ouais je suis là dans même pas 1 minute, descends" dit-il l'air pressé. C'est alors qu'un conducteur tente de doubler dangereusement Nabil. Je panique. Nabil explose, le klaxonne, l'insulte. Il frappe brusquement son volant et là  j'ai un réflexe complétement inadapté à la situation. Je pose ma main sur ma tête comme pour me protéger tout en criant:"Non!". Nabil se calme instantanément. Il me dit:"Oh Nessma il y a quoi? Eh! Ness, j't'ai fait peur?". Il retire ma main de ma tête. Les larmes que j'ai tant refoulé commencent à perler sur mon visage. Je n'arrive pas à lui répondre. Nabil se gare dès qu'il le peut, retire sa ceinture et me dit:"Viens là, Nessma il se passe quoi? J't'ai fait peur excuse-moi! Pleure pas stp".

C'est l'inverse qui se passe. Plus Nabil me parle et plus je fonds en sanglots. Il ne comprend rien:"Bébé tu vas me faire peur là, dis moi ce qui va pas?".

- Récupère ton truc, on s'en va et je te dirai...dis-je la voix tremblante.

- Nan nan attends tu m'inquiètes là. C'est rien de grave? demande-t-il en me regardant droit dans les yeux.

- Nan rien de grave, désolée t'inquiètes pas. Vas-y redémarre et après je t'expliquerai, dis-je en essuyant mes larmes d'une main et en serrant la sienne de l'autre.

Nabil m'embrasse sur le front et reprends la route. La personne que Nabil attends est en bas d'un bel immeuble de type haussmannien. Cela dure 30 secondes. Nabil revient dans la voiture. Il démarre, prend ma main, la pose sur la boite de vitesse puis ajoute la sienne par dessus. Il me demande si ça va mieux.  Je lui dis que oui. Il me questionne à nouveau sur ce qui ne va pas:"Tu peux tout me dire Ness tu le sais ça?".

- Oui je le sais. C'est un peu long. Amène moi au parc "Mickey" tu sais où tu m'as amené la première fois? On s'asseoit et je te dis tout, dis-je en posant ma tête sur son épaule.

Nabil se force à sourire et me dit:"Pas de problème chef. Reste là contre moi". Il m'embrasse la tête et met de la musique. Je suis tellement épuisée d'avoir pleuré que je m'endormirai presque. La voiture me berce, le parfum de Nabil me rassure. Je me demande comment je vais lui expliquer pour l'autre. J'ai honte. Il va me prendre pour une fille bête, pour une idiote qui acceptait les gifles par amour. Et pourtant plus d'une fois j'ai voulu quitter l'autre mais sous ses excuses larmoyantes je revenais tout le temps. Je stresse à l'idée de lui dévoiler ce bout de moi, cette blessure qui m'a tant bousillé. J'ai peur qu'il prenne la fuite. Qu'il ne se dise "J'ai pas le temps pour une fille trop fragile". C'est un morceau de ma vie que je ne peux ignorer. Je m'en suis rendue compte aujourd'hui quand tout est revenu me tétaniser.

J'ai cette crainte au fond de moi aussi que Nabil ne comprenne pas à quel point j'ai peur. L'autre n'est plus dans ma vie, ça y est, on ferme le livre et on passe à autre chose. Dans les faits ce n'est pas aussi simple. Je suis un peu comme qui dirait pertubée par les cris, la violence, les gens qui cassent, frappent...

Je n'ai fréquenté personne après l'autre. Je me suis surprise moi-même à m'être rapprochée de Nabil sans grande difficulté. Mais je pense vraiment qu'inconsciemment, j'ai effacé ce chapitre de mon cerveau. Certains médecins disent que c'est un mécanisme de défense.

Nous sommes arrivés. La dernière fois que j'ai abordé ce sujet c'était avec Samia il y a un an. Nous n'en avons plus jamais reparlé. Je vais devoir tout ressortir face à Nabil. Comment vas-t-il réagir?

PNL: Je n'attendais rien sauf le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant