Sur une autre planète

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Je rougis de plus en plus. Je baisse le regard mais caresse sa main avec mon pouce tout en souriant d'un air gêné. J'ai honte de croiser son regard. Je n'assume pas. Je dois avouer que là, il m'intimide. Et en même temps j'ai l'impression que l'on se connait depuis des années, que l'on s'est toujours connu, comme si notre rencontre n'était en fait que des grandes retrouvailles entre deux amants de longue date. Comme si cet enchaînement de rdv était logique. Mais quelle logique? Je ne connais même pas son nom de famille ni sa date de naissance.

Et nous voilà là, dans ce studio, lumière tamisée et nos esprits en train de se chercher . Moi, stressée et qui ai chaud, et lui à côté de moi qui me fixe, zen, ma main dans la sienne. De deux choses l'une: soit je laisse la gêne m'envahir soit je saisis tout de suite l'occasion d'en sortir. Nabil me fixe avec insistance. Je sens son regard sur moi. Je me lance:"Et moi? Tu veux voir mon bonne nuit au clair de lune?". Je parle d'un air enjoué pour masquer ma timidité mais comme si Nabil le sentait, il se rapproche de moi, colle son visage au mien et me murmure à l'oreille:"Avec plaisir ma p'tite tomate!" et il éclate de rire. Je le bouscule, comprenant qu'il se moque de moi. Nous rions comme deux gogoles. On tourne autour du pot. On ne parle pas de ce que l'on attend l'un de l'autre mais nos gestes, nos faciès nous trahissent. Et quand ça se produit comme à l'instant, on se fout de nous-mêmes. J'aime!

Nabil se lève, appuie sur un des miliards de bouton puis me tire vers lui doucement:"Après ça on va voir ton bonne nuit". Il me prend dans ses bras. Il enfouie sa tête dans mon cou, je pose la mienne contre son torse. La musique commence. Le temps s'arrête. La mélodie accompagne à merveille ce moment de tendresse. Puis, sa voix, ses paroles...Arrive alors le couplet improvisé "pour moi". Je comprends alors qu'il l'a enregistré. Il le rappe  doucement à mon oreille. J'ai des frissons. On reste comme ça jusqu'à la fin de instrumental. Parfois Nabil se balance légèrement de gauche à droite dans le rythme de cette mélodie enivrante, m'entraînant avec lui dans ce mouvement apaisant.

Je suis loin, tout près de lui. Il est tôt ou tard, je ne sais pas, je ne veux pas savoir. Cette parenthèse dans le temps  est magique. Je n'en ai plus rien à faire de ne pas savoir quel est son signe astrologique ou bien son arbre généalogique, car là, tout de suite, l'un autour de l'autre, on gravite.  Son souffle contre ma peau est chaud. Contre toute attente je me surprends à  poser ma main contre sa barbe que je caresse tendrement. Nabil m'embrasse la tempe, une fois, puis, une deuxième et une troisième fois. Mon coeur bat vite, notre premier baiser ça va être tout de suite?

En vrai fille, je pense direct:"Je suis pas habillée comme il faudrait ni maquillée! Et puis mes cheveux! Ohlala!". J'ai envie qu'il m'embrasse oui mais en même temps, j'aime que l'on se rapproche doucement l'un de l'autre, qu'on se découvre avant de passer à un baiser qui...Qui quoi d'ailleurs? Officialiserait notre couple? On est même pas en couple. On est juste...enfin on passe du temps ensemble au hasard d'événements s'enchaînant sans qu'on ne s'en rende compte. Me laisser aller avec quelqu'un que je ne connais pas ne me ressemble vraiment pas. Mais Nabil, son côté discret et mystérieux, ses avances originales et son sourire me font m'évader sans avoir l'impression de m'oublier. Et tout semble si naturel et normal...

Nabil descend ses lèvres sur ma joue. Il y dépose un bisou en enveloppant ma tête avec ses grandes mains puis viens reposer ses mains autour de ma taille. Je dépose les miennes sur sa taille également. On se fixe droit dans les yeux. Je baisse les yeux à un moment, prise par la timidité. Nabil redresse mon visage en posant délicatement son index sous mon menton. Je souris. Il me sourit. Je fonds. Mec je fonds là, tu veux quoi? Que je me liquéfie! Je ris toute seule dans ma tête. En me fixant il lâche:"Te cache pas, j'veux t'voir exploratrice". J'ouvre grand les yeux ce qui le fait rire. La musique s'arrête. Nabil descend  sa main gauche pour attraper la mienne. "Ça va?" me demande-t-il.

- Oui très bien, dis-je en souriant. On va voir mon bonne nuit au clair de lune?

- Ok. C'est où?

- Alors c'est...euh tu vois le...attends comment t'expliquer. C'est pas évident à expliquer et j'ai pas l'adresse précise. Attends j'réfléchis, dis-je tout en essayant de penser au trajet le plus simple.

- Viens, on va bien trouver, dit Nabil qui me tient toujours la main.

On se retrouve face à l'ascenseur toujours main dans la main, toujours dans le silence, comme si nous commettions un crime dont la seule évocation nous ferait rougir de honte. Enfin moi surtout. Pour Nabil c'est plus de la pudeur. Je comprends qu'il est démonstratif dans les gestes mais moins dans les mots. Sauf en musique ou via texto...Dans l'ascenseur Nabil me taquine encore et toujours sur mes joues rouges. Nous traversons le hall d'entrée en disant aurevoir à l'homme de l'accueil.

Arrivés sur le parking, Nabil me lance les clés de sa voiture:"Vas y exploratrice, amène nous à ton clair de lune".

- Hein? Tu veux que j'conduise? Euh...T'as pas peur? J'ai trop peur d'abîmer ta voiture moi.

- Pourquoi? Tu conduis comme tu mix en studio? dit-il en riant. Tranquille, t'inquiète pas.

Il est sérieux? Il me confie sa caisse. Pourquoi il fait ça? Je m'installe côté conducteur sans grande inspiration. Cette voiture, juste l'odeur...Ça sent le musc, ça me fait toujours penser à lui. Je règle le siège et les rétroviseurs. Nabil s'installe côté passager tout en consultant son portable. Je démarre et sors du parking avec précaution.

Alors que nous roulons, je prends soin de penser au meilleur itinéraire à prendre pour ne croiser personne. Il manquerait plus que ça. Qu'on me voit au volant d'une voiture qui n'est pas la mienne et avec un homme à côté et de surcroit Nabil. Je m'arrête à un feu rouge, Nabil reçoit un appel:"Nan pas ce soir j'suis occupé déjà...Occupé frère" et là le volume de son téléphone étant élevé, j'entends très distinctement la voix du mec à l'autre bout du fil:"T'es avec une meuf ouais! Allez éclate toi bien! Enfoiré t'es à l'hôtel! Vas-y ciao!".
À ce moment précis, je cale. Non seulement au sens figuré mais également au sens propre. Je redémarre la voiture, les mains crispées sur le volant, le visage défait. Nabil me regarde et réponds à son interlocuteur d'un air agacé: "Rien à voir, vas-y salut salut".

Allo madame la colère j'écoute?

PNL: Je n'attendais rien sauf le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant