Cocon

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Il est 12h30. Nabil nous amène déjeuner dans un restaurant qu'il aime bien parce qu'il est « calme » et « discret ». Ce dernier qualificatif est très bien adapté à l'endroit. Nous sommes dans une rue assez fréquentée mais pas assez pour que nous ne trouvions pas où nous garer. Nous arrivons devant un hôtel dont l'entrée est encadrée par de beaux petits arbustes. La réceptionniste est une jolie brune aux yeux en amandes. Les perles qu'elle porte aux oreilles et sa belle queue de cheval ni trop tirée en arrière ni trop relâchée, lui donne une élégance et un charme fou. Elle connaît Nabil car elle le salue par son nom de famille. Elle me salue également avec un sourire doux. Nabil lui demande une table sur terrasse et la belle brune nous invite à la suivre. Il pose sa main sur ma taille pour me laisser passer devant lui. Où que nous soyons, il est toujours très prévenant et galant avec moi ce qui ne va pas sans me plaire. Nous passons à côté d'un bar et atterrissons sur une magnifique cour carrée. Un sublime puit de lumière en plein Paris. Il doit y avoir au maximum dix tables, toutes surplombées par de beaux parasols verts foncés et décorées par de sobres bouquets de fleurs en leur centre. Je trouve cette cour superbe. J'aime son atmosphère sereine et apaisante. On est loin du mister freeze de la boutique de tout à l'heure. La réceptionniste nous indique une table à l'écart et me demande si cela me convient. Je regarde Nabil et dit en souriant: « Oui, oui. C'est un bel endroit, votre cour est très belle».

- Je vous remercie Madame, cela vous plaît?

- Oui c'est apaisant et quelle surprise dans ce brouhaha parisien, dis-je en lui souriant.

- C'est toujours une surprise! rétorque-y-elle en riant légèrement ce qui détends tout de suite la conversation. Je vous laisse avec Julien qui s'occupera très bien de vous.

Après nous avoir souhaité un bon déjeuner, la réceptionniste qui je pense n'en est pas une, nous laisse en compagnie d'un jeune serveur qui nous dépose les menus et nous dit qu'il nous laisse choisir. L'endroit est beau mais pas guindé. C'est classe et détendu à la fois. On s'y sent tout de suite très bien. J'aime beaucoup. Je lance à Nabil:« C'est très beau et hyper apaisant » et j'ajoute en faisant un clin d'œil « Monsieur Nabil!», en référence à la femme qui nous a accueilli. Nabil sourit et me dit qu'il aime bien venir ici quand il se sent stressé ou qu'il veut juste éviter le monde. Je le comprends, cette cour c'est comme une échappatoire. J'ai l'impression d'être si loin de tout.

On mange en discutant du mariage de Noria et Nabil me dit: « Du coup on devra faire comme si on ne se connaissait pas vu qu'il y aura tes parents? ».

-Euh oui, j'te connais pas, tu m'connais pas, dis-je en riant.

- C'est pas grave, j'parlerai avec ton cousin et je m'incrusterai avec vous. J'vais te mettre mal à l'aise grave, réponds Nabil avec un sourire en coin.

Il rit puis, gardant le sourire aux lèvres, me dévisage, sans un mot. Je fais pareil en lui lançant un « ptite tête » d'un air gêné. Il me fixe et je me retrouve embarrassée. Je détourne le regard. Il pince mon nez et me sort: « C'est toi la ptite tête ». Il enchaîne en disant: « J'ai envie de croquer ta bouche là t'as pas idée à quel point ».

Je souris et baisse les yeux comme un automatisme. Il se joue de ma timidité et me taquine:« Attends tu m'as mis une fessée dans un parking sous terrain et là t'es gênée parce que j'ai envie de t'embrasser? ». Il éclate de rire. « Doucement, on vas t'entendre! » dis-je tout en rigolant moi aussi, repensant à cet acte drôle que je n'assume absolument plus. Le serveur arrive et s'excuse de nous déranger. On passe notre commande et Nabil n'arrête pas. Il me fait du pied sous la table, il me sort toute sorte de phrases gênantes du style « J'ai envie de t'attraper les lèvres avec mes dents ». Entre gêne et fous rires, je n'en peux plus. Mon rire commence à résonner dans la cour. Nabil m'imite : « Doucement on va t'entendre! ». Heureusement le repas arrive et un Nabil qui mange c'est un Nabil qui parle moins. J'ai terriblement envie de lui confier mes craintes vis-à-vis de l'hystérique mais je ne veux pas gâcher ce bon moment entre nous.

Le masque des apparences enfilé ce matin tombe et laisse place à l'apaisement. Même si c'est temporaire et que je sais qu'une fois que je me retrouverai seule j'y repenserai, je préfère prendre le parti de zapper tout ça de mon esprit. Là il n'y a que moi et Nabil et son regard profond qui me donne des frissons. Il me fait particulièrement fondre aujourd'hui. Ses yeux déshabillent ma timidité. Je m'impressionne à lui caresser la main tout en le regardant droit dans les yeux, comme s'il n'y avait personne, juste nous deux. Il bouge nerveusement sa jambe, jette son regard sur le côté et lance: « Arrête Ness, j'vais te bouffer ». Il souris et baisse ses yeux vers son assiette en faisant « non » de la tête. Le dessert vient calmer ses ardeurs et une conversation plus sérieuse vient prendre le relais. Nabil me parle du fait qu'il doit retourner sur Londres dans quatre jours pour un mois. J'ai tout de suite une pensée qui me démonte le moral: il se barre lundi et me laisse avec le problème de l'hystérique dans la tête?

J'ai a peine le temps de transformer mon sourire en déception que Nabil enchaîne: «D'ici là je trouverai une solution pour l'autre folle t'inquiète pas ». -

- J'espère...dis-je en regardant ce magnifique fraisier que je n'ai même plus envie de toucher.

- Et puis tu viendras m'voir hein? J'te laisse pas le choix ptite tête! réponds Nabil en souriant. Ness? Nessma? Ça va?

- Oui ça va t'inquiète pas. J'ai juste...enfin voila c'est un peu crispant cette histoire...dis-je l'air défait.

- Bientôt on en parlera plus jamais. Cette fille est folle. Si elle était enceinte de moi elle m'aurait rien dit et aurait débarqué un jour avec un gros ventre. Et puis voilà, concrètement sans vouloir entrer dans le détail, ça correspond pas...Ness?

J'ai le regard ailleurs. Une caresse de Nabil sur la joue me ramène vers lui. Je n'ai qu'un léger rictus à lui offrir. Il s'en accommode et détend l'ambiance en balançant:« Tu viendras quand même me voir à Londres sinon? ». On éclate de rire. Il s'arrête et prends un ton sérieux. Il se mord la lèvre inférieure tout en regardant ma bouche alors que j'entame mon  dessert. Il chuchote: « Aïe, aïe, aïe, aïe, aïe... ». Je souris et lui tend une cuillère de ce fraisier qui devrait s'appeler « Super kiffe » tant il est délicieux. C'est la spécialité du restaurant de cet hôtel. Un couple de personnes âgées s'installe près de nous et assistent alors à cette scène. Ils nous saluent et la vieille dame s'exclame:« Comme ils sont beaux ces tourtereaux! ». Nous la remercions. Elle nous déclare alors: « Vous savez j'ai partagé tout comme vous mon premier fraisier ici avec un homme et depuis chaque vendredi nous réitérons ce moment de douceur! ». Nabil s'adresse alors au vieux monsieur à qui il dit: « Monsieur a trouvé la bonne recette! ». Nous rions et leur souhaitons un bon appétit. Nabil demande l'addition. Nous sortons de ce petit cocon de douceur et nous retrouvant d'un coup dans le brouhaha parisien, Nabil me glisse à l'oreille: «J'ai toujours envie de te croquer... ». Je souris timidement et le bouscule. Ce type me fait tourner la tête...

PNL: Je n'attendais rien sauf le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant