Je me réveille avec un mal de tête. Je n'ai aucune motivation pour reprendre le travail mais pas le choix. Je raconte à Fati et Yohan ma "mésaventure à la boxe". Cela tiendra en une phrase: quelqu'un m'a donné un coup sans faire exprès. Yohan ne porte aucune attention à mon cocard et se soucie plus de savoir s'il y a des "beaux gosses" à ma salle de sport ce qui me fait rire. Fati elle me dit qu'on ne m'a pas loupé et ne s'attarde pas sur le sujet. Elle rajoute:"Si faut rendre le coup, tu me dis hein..." et me fait un clin d'oeil discret. Nous nous sommes comprises...
Bon nombre de clients me demanderont ce qui m'est arrivé. Je répète ce mensonge de boxe en boucle et à un tel point que j'arriverais presque à me convaincre que c'est vrai. Mon mal de tête ne se calme pas et j'ai mal à l'oeil. J'ai beaucoup de mal à me concentrer. Je prends sur moi jusqu'à la fin de la journée. Fati me dit à plusieurs reprises de rentrer chez moi mais je refuse à chaque fois. Ma paupière est toujours autant gonflée et c'est plus cela qui me gêne que l'oeil au beurre noir mais je peux rester.
Alors que je vais en réserve, je surprends la stagiaire et une collègue, Sarah, en train de parler sur moi. "Peut-être que c'est un mec qui lui a fait ça! Attends t'as vu sa tête! Quasimodo la pauvre! Peut-être qu'il faudrait en parler à Fati" lance Sarah d'une voix inquiète. Sarah n'est pas méchante. Elle aime les commérages mais là elle semble juste s'inquiéter pour moi. Ce qui me vexe c'est ce qu'elle dit et qu'elle le dise à la stagiaire, stagiaire de 19 ans dont le seul souci dans la vie est que son brushing et son rouge à lèvres tiennent toute la journée. Je ne me démonte pas et apparaît devant elles en demandant de l'aide pour un médicament que je ne trouve pas. Les deux deviennent blanches comme un linge ne s'attendant pas à me voir arriver. Sarah s'empresse de chercher le médicament et le tend à la stagiaire qui me le donne. Je sors de la réserve en disant:"Je me suis juste pris un mauvais coup à la boxe. Merci pour le médicament les gargouilles". Et bim! J'aurais payé cher pour voir leur tête à ce moment là. Je souris de ma réplique mais à l'intérieur je me sens cassée. Ce qu'elles ne savent pas c'est qu'elles ont levé un sujet que j'avais consciemment décidé d'arracher à ma mémoire. Seule Fati sait...Et j'espère bien que la boxe leur suffira comme explication et qu'elles n'iront surtout pas lui parler de leurs suspicions. Bien sûr Nabil ne me frappe pas. Mais "l'autre" comme j'ai décidé de le renommer une fois qu'il est sorti de ma vie, oui. Seules Samia et Fati savent.
C'était il y a un an. Autant dire c'était hier. Tout me paraît encore tellement frais dans ma tête. Les larmes, les gifles, les mensonges pour les masquer. L'autre c'était 1m90 et 95 kilos de connerie. Le sourire gentil qui endormait tout le monde, toujours la main tendue pour aider les autres et moi me la cogner au visage quand il n'était pas d'accord. On s'était rencontré alors que je galérais à porter mes courses. Accepter cette fameuse main tendue me fera le regretter dès la première dispute. Un démarcheur pour une association m'interpellant pour me sensibiliser au réchauffement climatique et la planète sur laquelle vivait l'autre a surchauffé elle aussi. Il me tirera par le poignet et enverra balader agressivement le pauvre écologiste. Après un interrogatoire aussi stupide que surréaliste ("il t'a demandé ton numéro? Si t'es célibataire? Pourquoi tu lui souriais?"...), il s'excusera de ce "dérapage" qu'il mettra sous le coup de la fatigue. Puis mes collègues hommes deviendront des "fils de pute qui mattent mon cul" et il viendra me chercher (surveiller) au travail de plus en plus. Je ne décroche pas au téléphone et je suis en ligne avec un amant. Puis les vêtements: trop courts, trop moulants. Mais que lorsque je ne suis pas avec lui car quand on sortait monsieur aimait et m'encenssait de compliments.
La dégringolade a débuté un soir d'été à la sortie du travail. Un ancien collègue dont la voiture est garée à côté de la mienne, marche à côté de moi. Je ne savais pas que l'autre était là. On ne devait pas se voir. Mais l'autre déboule face à nous et attrape par le col mon collègue et tous les noms d'oiseaux fusent. Il ne faudra pas moins de quatre mecs pour le retenir. La honte, la colère, les larmes innondent mon visage. Il m'aboit dessus tel un chien enragé et me tire par le bras. Il me fait mal. Un des types intervient :"Eh eh mec doucement avec ta femme!". L'autre se retourne et manque de lui en coller une. Je me prends son coude dans le nez. Urgences, médecin:"Je me suis cognée contre une poignée". Médecin pas duppe. Il me redemande ce qu'il m'est arrivé: je réitère ma réponse, satanée poignée! Pareil pour mes parents.
Le lendemain au travail, Fati me voyant avec ce pansement sur le nez me demande ce que j'ai eu. J'en conclus que mon collègue n'a rien raconté et à nouveau je mens comme une arracheuse de dents. Les semaines s'enchaînent entre une semaine de gentillesse et une semaine où deux ou trois gifles viennent s'écraser sur mon faciès. Les excuses, pleurs, cadeaux et déclaration d'amour pleuvent après la foudre. Je mens à chaque fois qu'on m'interroge pour des hématomes ou des yeux rouges:"j'suis maladroite tu m'connais et j'marque vite", "oh c'est une allergie". On me croit.
Mais là sauce ne prends plus le jour où Fati assiste à une gifle de la part de l'autre qui me plaque après contre sa voiture. Une fois encore à la sortie du travail. Fati pratique un sport de combat depuis presque 20 ans. Elle est grande, belle, porte une coupe garçonne qui met en avant ses magnifiques traits et n'a pas sa langue dans sa poche. Elle l'a plaqué à son tour contre sa bagnole, menacé comme si elle faisait partie d'un gang et relâché. L'autre qui ne "touche pas à une femme" ne réagira pas face à Fati mais moi il m'arrache de ses bras pour m'entraîner dans sa voiture avec lui. Fati lui assène un coup au visage. Foule sur le parking. Cris. Police.
L'autre contre qui j'avais peur de porter plainte me lâchera au bout d'un mois. Un mois durant lequel il s'excusera puis me suivra pour finalement un matin me pousser violemment contre un grillage ce qui me causera la cicatrice que Nabil a vu à mon doigt. Je me suis évanouie quelques secondes. Lorsque que j'ouvre les yeux, l'autre pleure et des gens se sont regroupés autour de nous. Un homme aussi baraqué que lui a tout vu et accompagné de ce dernier, c'est ce jour là que je porterai plainte. L'autre disparaîtra de ma vie comme il y est entré, en quelques secondes.
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PNL: Je n'attendais rien sauf le destin
FanfictionMoi, Nessma, 27 ans et une envie grandissante de dévorer le monde. "Le monde ou rien"... Je n'attendais rien de lui mais le destin en a décidé autrement. Une rencontre inattendue un dimanche matin et mon cœur se balade d'imprévus en imprévus...avec...