Petite bulle

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Les lèvres de Nabil sont chaudes. Mes mains sont froides et je sens que mon nez va couler. Mais comment c'est possible de toujours gâcher des moments comme celui-ci de manière aussi pourrie? Ce mec va me prendre pour un clown. Toujours un truc nul qui me fait passer pour une gogole. Pas de mystère ni de sensualité, non, moi c'est microbes et autres incommodités.

Je tente tant bien que mal de ne pas penser au robinet qui me sert de nez et d'une main je fouille discrètement dans ma poche alors que nous nous embrassons toujours. Bingo! Je trouve un mouchoir. Je me lance dans un cinéma bidon. Je détache ma bouche de celle de Nabil et j'entraîne sa tête dans mon cou. Je me mouche discrètement. Il n'y voit absolument rien. Un jour, je lui raconterai cette scène et à défaut de pouvoir en rire là tout de suite, on en rira plus tard. Mon téléphone sonne, Samia est à 15 minutes. Je serre Nabil contre moi, il m'embrasse la tête: « On se voit la semaine prochaine alors? Ou avant si tu peux ».

- La semaine prochaine plutôt, dis-je en enfonçant mes yeux dans les siens comme pour en capter toute la profondeur.

- Ok. Couvre toi bien, t'as le nez tout rouge, t'as froid?

Foutu nez. Oui j'ai froid et oui je veux un autre pull avec ton odeur Nabil. « Oui j'pense que c'est la fatigue, avec le mariage... ». Ni une, ni deux il se dirige vers sa chambre. Je jette mon regard sur le salon comme si cet endroit allait me manquer. Je me sens bien chez lui, comme dans un cocon, loin de tout et pourtant si proche de chez moi. Le silence pour habitude m'angoisse mais ici il m'apaise.
Nabil revient. Il me tend une veste à capuche que je mets directement. S'il savait que ce soir je vais dormir avec. Elle est confortable à souhait, j'ai hâte de la poser sous ma joue. Je grelotte toujours autant. Il faut dire que le temps s'est rafraîchi d'un coup après le mariage de Noria avec dans l'ordre: la pluie, la pluie, la pluie. J'enfile la veste et aussitôt je sens son parfum qui vient me réchauffer tout le corps. Le téléphone de Nabil sonne alors que je me dirige vers la porte. Il décroche tout en me suivant et je sens sa main retenir la mienne. « Oui, ok, ok. J'te rappelle demain matin, ok, pas de souci. Salut ». Il raccroche et m'attire vers lui. Ses mains viennent enrouler ma taille qui, comme une plume sur laquelle on viendrait souffler, se déplace sans que je ne m'en rende compte. « Reste » me dit-il avec un sourire malicieux. « Comme si je pouvais » je pense. Je souris comme une fille qui souris à l'amour et lui réponds: « C'est pas possible ».

- Je sais, je sais, soupire-t-il.

Je ne sais pas si c'est le fait qu'il parte demain ou le fait qu'il est terriblement attirant ce soir dans son pull couleur marine (ou bien les deux) mais j'attrape son visage avec mes mains et l'attire doucement contre moi. Il ne s'y attendait pas. Je n'ai plus envie d'avoir honte. Je l'embrasse lentement puis fougueusement. Comme si nous n'allions pas nous voir pendant des mois et des mois. Nabil n'attend pas une seconde de plus pour me pousser jusqu'au canapé où il m'allonge et vient s'allonger contre moi. Je suis à la fois emportée par ce câlin et à la fois gênée. Nous les filles, avons cette faculté à faire et penser des choses diamétralement opposées les unes avec les autres : dans ce moment d'emballement, dans mon esprit, il y a une bulle et dans cette bulle il y a Samia. Samia qui est peut-être arrivée en bas et qui doit m'attendre. Je m'imagine alors Samia en train de m'envoyer des textos alors que Nabil, pris par la flamme de cette étreinte, passe sa main sous mon haut jusqu'à toucher le haut de mon ventre. Il la passe sur mes côtes et redescends légèrement pour empoigner ma taille avec autant de ferveur qu'il m'embrasse. L'ardeur du moment vient exploser la petite bulle dans laquelle Samia commence à froncer les sourcils car je ne lui réponds pas. Ma main droite glisse sous le pull de Nabil, ce qui le fait bouger légèrement tant elle est froide. Je retire ma main mais Nabil me lance: « Nan arrête pas » et il la replace au bas de son dos. Il m'embrasse alors le cou ce qui a le don de me faire oublier momentanément toutes les petites bulles dans mon esprit. Sa deuxième main avec laquelle il essaye de remonter mon haut se bute à la mienne. Il me chuchote dans un souffle: « T'inquiètes pas » tout en me fixant du regard comme pour obtenir mon accord. Je hoche de la tête. Je lui fais confiance. Sa main remonte sous mon pull jusqu'à ma poitrine, par dessus mon débardeur. Il n'ira pas en dessous. J'entends mon téléphone qui vibre rauque sur le meuble de l'entrée. Samia va me tuer. Il passe et repasse sa main tellement lentement qu'on dirait du ralenti. Il l'arrête sur mon ventre. S'il savait tous les papillons qui y volent dans tous les sens! S'il tends un peu l'oreille, je suis sure qu'il peut les entendre!

À ce moment là, je repense à un truc d'enfance. Le bisou papillon. On l'a tous fait. Alors que Nabil m'embrasse dans le cou et que j'entends à nouveau mon portable m'embrouiller, je ramène son visage vers moi et lui demande de se redresser. « Quoi? Qu'est-ce qu'il y a? » m'interroge-il.

- Je vais devoir y aller mais avant j'veux te montrer un truc, dis-je tout en attachant mes cheveux.

- Ok, vas-y....

- Ferme les yeux, dis-je amusée par la situation.

Nabil ferme ses yeux. J'approche mon visage de sa joue jusqu'à la frôler et je me mets à battre des cils. Il  rit doucement et rouvre les yeux tout en disant: « C'est quoi ça? ».

- Un bisou papillon! répliquais-je toute fière de moi. Tu connais pas?

- Nan mais j'aime bien, dit-il en souriant. Tu m'en fais un autre?

- Ok...

Il ferme les yeux et attends comme un enfant qui attendrait une surprise. Sur son visage, il dessine un beau sourire. Innocent et rayonnant. Lorsqu'il sent mon souffle contre sa peau, ses traits se détendent et alors mes cils sur ses pommettes dansent. Nabil esquisse un sourire. Je sens les mouvements de son visage. Il redresse alors son menton et dépose un baiser sur mon front. Là où j'ai souvent trouvé cela ringard comme geste, ce soir je le trouve très rassurant, très apaisant. Je me sens tellement bien mais je vais devoir sortir de ce nuage de tendresse malgré moi, Samia doit m'attendre. 

Nabil me demande de lui confirmer demain mes dates pour Londres. J'ai déjà hâte d'y être. On se lève du canapé, je prends directement mon portable. Le premier  messages de Samia me dit qu'elle arrive dans dix minutes et le second qu'elle est presque là. Je suis ravie qu'elle ne m'ait pas attendu. Dans mon esprit, dans ma petite bulle, il n'y a alors que Nabil, moi et des papillons qui déambulent. Juste là, sous mon pull.

PNL: Je n'attendais rien sauf le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant