Chapitre 37

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S'adossant à un arbre, son seul réconfort du moment fut de s'allumer une cigarette. Tout était plus simple avec une cigarette, il suffisait de la regarder se consumer petit à petit, sans pouvoir rien faire. Il suffisait de regarder la fumée s'échapper doucement, sans pouvoir la rattraper, sans vraiment pouvoir la sentir contre ses doigts. Ce petit bout de goudron, ce petit poison si innocent pouvait faire tellement de merveille comme autant de malheur, elle était une épée de Damoclès sceller dans la chair de celui qui la consommé.

Sans s'en rendre compte, Mikami observa, encore et encore, jusqu'à en rallumer une deuxième à la suite de sa jumelle déjà consumé. Il y eu une différence cependant, la différence fut que la nouvelle fumée prit plus d'ampleur, devint plus opaque, jusqu'à devenir un épais brouillard, chassant le soleil, chassant les arbres qui commençaient à annoncer l'hiver, chassant le bruit, l'activité. La fumée passa au travers de Mikami, comme un mur invisible, une entrée vers un lieu où personne à par elle ne pouvait y aller, un lieu qu'elle savait par avance que ce ne serait pas pour se reposer.

Assise face à son pupitre, la petite fille regardait le tableau, le dos droit, les mains sur la table, les genoux serrés, un cahier et un stylo posé à leurs place respective. Ce tableau noir, devint lumineux, tellement lumineux face à cette pièce sombre qu'il éblouit la petite fille, toujours bien assise face à son pupitre. La lumière, d'abord éblouissante, se tintait de plusieurs couleurs, de plusieurs formes, bougeant à un rythme mesuré, sortant des syllabes, des mots, des phrases, des cris, des rires, des discussions.


"Une vidéo" pensa la petite fille


Une vidéo, une seule. Des filles, des garçons, des femmes, des hommes, des couples, des animaux, des familles; simple inconnus à connaissance, tous souriaient, tous les enfants jouaient. Certains dans le petit parc en arrière plan, d'autres entre les jambes de leurs parents, parents qui discutaient avec des adultes et qui ordonnaient aux enfants de jouer plus loin. Encore d'autre jouaient sur le trottoir, près de la route, près des voitures, alors que les parents, eux, ne voyaient pas.


"C'est beau n'est-ce pas ? Voici ce que le monde doit être" lança une voix derrière la petite fille


Ils ne voyaient pas. Personne ne voyaient. Non personne ne semblait voir, ne semblait entendre. Personne ne vit ce petit garçon courant après son ballon sur la route. Personne ne semblait entendre le rugissement, celui bien précis d'une voiture. Personne ne semblait voir ce petit garçon tout souriant sur la route.

Mais tous se retournèrent en entendant le crissement de pneu, en entendant ce bruit sourd d'un corps heurtant, se brisant sur le pare-brise. Tous regardèrent la voiture partir, le petit garçon inerte, au sol.

Et elle, cette petite fille qui regardait la vidéo, voyait tous cela; elle aurait voulu crier au petit garçon de faire attention, mais elle savait que ce n'était qu'une vidéo. Elle ne voulait pas regarder, mais sa tête ne pouvait pas bouger.


"Regarde bien " continua la voix "regarde bien ce qu'ils font"


La vidéo commençait à être envahit de bruit, certains de pleurs, d'autres de surprise, de dégoûts, de peur.

"Que s'est-il passé ? " demanda un passant

"Je ne sais pas" répondit une autre passante

"Où sont les héros ?" demanda un autre

Dark lightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant