Chapitre 3.2

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Alors que je parcourais à pied les derniers mètres dans le sous-sol qui me séparaient de la sortie, plongée dans mes réflexions, j'aperçus un homme tout vêtu de noir qui était adossé contre le mur, juste à côté des portes de l'ascenseur. Lorsqu'il me vit, il se redressa brusquement, comme si c'était moi qu'il attendait. Par réflexe, je plongeai ma main dans mon sac pour agripper ma bombe lacrymogène, prête à m'en servir en cas de besoin. En arrivant à sa hauteur, l'homme se racla la gorge et sortit ses mains de ses poches.

— Madame Reyes ?

— Vous êtes ? demandai-je sur la défensive.

— Oui, désolé, se confondit-il en excuse. Stephen Martinez, du FBI.

Je fronçai les sourcils, suspicieuse. L'homme me regardait, visiblement troublé. Je décidai de l'ignorer, guère désireuse de communiquer avec un agent du gouvernement. Ce dernier secoua vigoureusement la tête, mal à l'aise devant mon attitude à son égard. Il me sortit alors sa carte pour se présenter de nouveau.

— J'ai travaillé sur la dernière affaire avec William, me confia-t-il avant que les portes de l'ascenseur ne s'ouvrent.

Mon souffle se bloqua et je laissai repartir la cabine, vide. Je me retournai vers l'agent qui avait désormais toute mon attention.

— Je lui ai promis de vous protéger, vous et votre fille, quand l'heure serait venue, déclara l'agent, l'air grave.

Un chagrin diffus s'installa en moi et je plongeai mon regard dans celui de mon interlocuteur pour me rattacher désespérément à quelque chose, de peur de sombrer à cet instant dans le néant avec l'impression que le sol pouvait s'ouvrir à tout moment sous mes pieds et m'emporter dans les entrailles de la Terre. L'agent hésita une seconde puis se rapprocha de moi. Ce fut à cet instant que je remarquais ses prunelles aux pigments gris, presque argentés et ses yeux cernés d'un petit trait violacé.

— Il vient me chercher, c'est ça ? demandai-je à voix basse tout en continuant à le fixer.

— Vous, votre entourage et... Georgia.

— Non ! soufflai-je en portant une main devant ma bouche. Elle n'a rien à voir avec cette guerre. Elle ne possède rien qui peut l'intéresser.

— C'est la fille d'un Léviathan et d'une femme pas ordinaire. Georgia est votre point faible à vous tous. Les maîtres occultes en sont conscients.

— Quelles étaient les dernières volontés de William ?

L'homme me dévisagea à travers ses longs cils noirs. Il semblait chercher ses mots :

— Il avait demandé à ce que le père biologique de Georgia apprenne l'existence de sa fille. D'après lui, c'est le seul qui peut la protéger.

— Hors de question ! tranchai-je froidement en rappelant l'ascenseur. Ma fille a déjà une vie assez difficile comme ça. Faïz serait incapable de lui donner ce dont elle a besoin. Je vous assure, monsieur Martinez, vous ne ferez qu'aggraver les choses.

Lorsque la cabine s'ouvrit, je m'engouffrai à l'intérieur avec hâte. L'agent se contenta de me fixer, les traits empreints de sévérité comme s'il regrettait d'en savoir trop. Soudain, dans un réflexe, il bloqua les portes avec son pied et me tendit une carte avec ses coordonnées marquées dessus.

— Appelez-moi à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

Ses paroles ne suffirent pas à calmer mon anxiété grandissante.

Jul m'attendait dans mon bureau. Celui-ci, trop occupé à feuilleter les notes de mon prochain article, ne m'entendit pas arriver. Je me raclai alors la gorge pour lui signaler ma présence. Surpris, il referma aussitôt mon carnet et le replaça à sa place. Il regarda sa montre et adopta une moue intriguée.

— C'est bien la première fois que tu es aussi en retard, me fit remarquer Jul.

— J'ai été retenue en bas, dans le parking, par un visiteur.

— Es-tu au courant du dispositif mis en place ce matin par le gouvernement ?

— Non, répondis-je en fronçant les sourcils.

— L'État et les collectivités territoriales prennent un nombre de mesures importantes pour contrer une menace susceptible de toucher bientôt notre nation. Il est question notamment d'un futur plan de confinement de tous les citoyens.

Je fis mine de ne pas comprendre de quoi il parlait.

— Ce ne serait pas la première fois, déclarai-je en haussant les épaules. La Californie détient le record de ce type de prévention.

— Oui, tu as raison, admit Jul en se retournant pour regarder la ville, à travers les grandes fenêtres. Je te propose de travailler tous les deux dessus. Nous pourrions enquêter sur cette affaire et sortir un article d'ici quelques jours ou quelques semaines.

Mon regard balaya la pièce à la recherche d'une issue de secours qui n'existait pas.

— Jul... nous avons beaucoup de travail. D'autres personnes pourraient s'en charger.

Mon ton hasardeux avec une octave en dessous me trahissait lamentablement. Mon collègue, stupéfait par mon manque d'initiative, m'observait avec insistance, comme s'il cherchait une explication à mon comportement.

— Très bien ! lâcha ce dernier en se dirigeant vers la sortie de mon bureau.

Un soupir de soulagement s'échappa discrètement de moi.

— J'enquêterai tout seul sur cette affaire, déclara Jul avec assurance. Je sens que le gouvernement nous cache quelque chose de grave et je le découvrirai.

Avant que je ne puisse prononcer une seule parole, il disparut de la pièce. Son soudain intérêt sur la politique interne de notre pays me dépassait. J'aurais sans doute dû accepter de faire cet article sur Faïz et ses nombreuses conquêtes. Jul aurait eu quelque chose d'autre à se mettre sous la dent, car la plus grande qualité de cet homme, c'était de toujours aller jusqu'au bout des choses et de ne jamais lâcher le sujet qu'il tenait. Je me précipitai sur le téléphone de mon bureau et composai le numéro de Lexy.

— Ça ne va pas ! s'écria cette dernière sur un ton rageur. Ce n'est pas encore l'heure pour moi de me réveiller.

— Tais-toi ! C'est urgent. Écoute, je t'ai trouvé une distraction pour les prochaines semaines, en plus de ton boulot. Tu vas passer un peu de temps avec mon collègue, Jul. L'homme que tu détestes le plus au monde. Et surtout, je compte sur toi pour lui faire tourner la tête jusqu'à ce qu'il en oublie comment il s'appelle.


Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant