Chapitre 5.3-FAÏZ

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L'espace d'un instant, le jeune homme oublia le temps, ses obligations et son terrible mal-être. Il profitait de cette infime parenthèse pour se dégager de ces chaînes invisibles qui l'entravaient dans cette existence faite d'ennui et de morosité. Il buvait les paroles de la petite fille, assise en face de lui qui racontait des bouts de sa vie, la bouche barbouillée de chocolat. Faïz ne s'en lassait pas et essayait de capturer tout ce qu'il pouvait. Du son de sa voix au battement de ses cils. Il observait ses yeux d'un noir encre, ses fossettes fragiles lorsqu'elle riait ou encore son trait qui apparaissait sur son front quand elle fronçait les sourcils. Il voulait tout savoir : de sa couleur préférée à ses rêves les plus sombres. Malheureusement, la sonnerie de son téléphone vint troubler ce moment de paix. En voyant le numéro, le jeune homme ne put renvoyer l'appel. D'un air désolé, il regarda Georgia et s'empressa de décrocher :

— Bonsoir, Ray.

Ce dernier ignorait si son ton trahissait son étonnement. En effet, depuis Éros, il n'avait plus eu le moindre contact avec cet ami dont les liens du cœur avaient été aussi importants que les liens du sang, il y avait bien longtemps de cela.

— Bonsoir, Faïz, répondit son interlocuteur d'une voix distante. Je suis à Elora. Georgia rentre-t-elle bientôt ?

Cette question n'en était en réalité pas une. Son ancien ami voulait juste s'assurer que le jeune homme ne s'évanouisse pas dans la nature avec cette dernière. Faïz se frotta le visage avec une main et sa jambe se mit à s'agiter nerveusement. La sensation de plénitude qui l'habitait à ce moment, disparue brutalement, laissant alors remonter sa nature profonde.

— Ne l'attends pas. Je m'occupe de tout à présent ! Je pense avoir beaucoup de temps à rattraper avec elle, non ?

Son ton menaçant ne déstabilisa pas Ray qui paraissait s'attendre à cette réponse.

— Toujours aussi égoïste à ce que je vois. Il est question de Georgia. Où trouveras-tu son livre préféré pour le lui lire ce soir quand elle te le demandera ? Quel petit déjeuner vas-tu lui préparer demain matin ? Celui-ci est en fonction de son humeur du jour.

Faïz, agacé, se leva de table en faisant signe à Georgia de rester à sa place. Il s'éloigna sur la terrasse du restaurant en gardant un œil sur la petite fille qui se mit à parler toute seule, visiblement pour passer le temps.

— Tes insinuations de merde, tu les gardes pour toi ! rugit le brun ténébreux, fou de rage. J'aurais pu avoir les réponses à tes putains de questions si vous n'aviez pas volé ces cinq années de ma vie avec ma fille.

— Volé ? C'est toi qui es parti sans te retourner ! Ces années, tu te les es enlevées tout seul, rétorqua Ray sur le même ton. Si tu avais affronté la réalité en face au lieu de t'enfuir comme un sale lâche, tu n'en serais pas là. C'est trop facile de tout mettre sur le compte des autres. Assume !

— J'ai fui pour les sauver, elles ! Pour que tu puisses vivre ta vie avec Asarys. Pour que Zoé puisse avoir une vie heureuse, mais je n'aurais jamais, au grand JAMAIS tourné le dos à ma propre fille. Non, mec ! Je ne serais parti nulle part sans elle.

Après un instant de silence, Faïz entendit son ami lâcher un grand soupir avant d'ajouter d'une voix plus calme :

— L'état de Zoé reste inquiétant, mais elle va s'en tirer. Dépose Georgia à la villa et va la retrouver. Quand elle se réveillera, c'est toi qu'elle aura envie de voir à son chevet.

Faïz leva les yeux vers le ciel. Malgré ce Dôme de plus en plus en sombre, le scintillement des étoiles arrivait encore à vriller à travers. Son regard revint ensuite sur sa fille qui l'observait depuis sa table. Sa moue mélancolique l'obligea à donner une réponse rapide à Ray afin de partir la retrouver.

— Très bien ! Nous serons là d'ici une heure.

C'était la première fois que le jeune homme éprouvait une certaine difficulté à accomplir un effort. Rien encore, ne l'avait mis à l'épreuve comme ce soir où, dans le creux de ses bras, se trouvait sa fille, endormie. Il marchait en direction de la villa avec la peur de trop la serrer ou au contraire pas assez. Avec la peur de trébucher et de la réveiller. Il fut soulagé quand Asarys ouvrit la porte sans qu'il soit obligé de sonner. Anxieuse, cette dernière devait surveiller son arrivée depuis un bon moment. Elle le salua rapidement avec un signe de tête avant qu'un large sourire ne vienne illuminer son visage quand elle posa ses yeux sur Georgia.

— Donne-la-moi, chuchota-t-elle. Je vais aller la coucher.

Asarys sentit l'appréhension de Faïz au moment où elle tendit ses bras. Elle choisit alors de faire preuve de diplomatie afin d'éviter tout conflit avec lui.

— Ray est dans le salon, il t'attend. Je vais retirer les ailes de Georgia et la mettre dans son lit. Ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude. Tu pourras la rejoindre après.

Le regard du jeune homme sonnait comme un avertissement. Il scrutait intensément l'amie de Zoé puis la pression dans sa poitrine s'amoindrit. Il finit par lui confier à contrecœur la petite fille. Faïz les regarda s'éloigner et quand elles eurent disparu, en haut des escaliers, il se dirigea vers le salon pour affronter son ancien ami qu'il n'avait pas vu depuis des années.


Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant