Tandis que je me dirigeais vers mon bureau, je regonflai mes poumons d'oxygène. Dans les couloirs du Los Angeles Times, je croisai beaucoup de sourires bridés et serrai les mains plus énergiquement que d'habitude. Il était évidant pour tout le monde qu'un différend nous opposait, Jul et moi, mais les gens étaient loin de se douter de la gravité et des conséquences de celui-ci.
Mon assistante m'interpella vivement au moment où j'allais entrer dans mon bureau :
— Mademoiselle Reyes, il y a...
— Pas maintenant Cait. Je vous laisse prendre tous mes appels de l'après-midi. Faites comme si je n'étais pas venue au journal. Merci.
Cette dernière ouvrit la bouche, sûrement pour contester mes dires, mais je ne lui laissai pas le temps de commencer sa phrase. Je m'engouffrai dans la pièce en refermant en vitesse la porte derrière moi. Mon front se posa sur la paroi en verre et je fermai les yeux de toutes mes forces, essayant de faire redescendre cette pression accumulée en moi. Je m'efforçai de balayer mes craintes avant qu'elles ne m'étouffent.
— Laisse-moi porter ça, murmura quelqu'un au fond de la pièce.
Paniquée, je me retournai brutalement en direction de cette voix dont je connaissais par cœur le timbre. Faïz était là, à demi assis sur mon bureau, les mains dans les poches. Sa présence me fut à cet instant à la fois bénéfique et déplaisante. Pauvre Cait... elle qui essayait juste de me prévenir. Je m'en voulais soudain de l'avoir traitée ainsi. Je m'appliquai à respirer de façon régulière pendant qu'il m'observait de son expression la plus neutre.
— Tu n'as pas à porter le poids du monde sur tes épaules, reprit Faïz sur un ton plus dur.
— Que fais-tu ici ? demandai-je inquiète, bien que je connusse déjà la réponse.
Un sourire arrogant fendit son visage et la bile me remonta aussitôt dans la gorge. Sa main attrapa le journal qui était posé à côté de lui et il le brandit.
— Le Los Angeles Times a de très bons indics ! déclara Faïz d'une voix bien trop calme, indiquant que sa colère menaçait d'éclater à tout moment.
Je m'avançai jusqu'à mon bureau d'un pas rapide pour venir me planter juste en face de lui.
— Je viens de voir ça à l'instant avec Jul. Laisse-le tranquille, dis-je sèchement. Je t'assure qu'il n'est en aucun cas notre souci numéro un.
Faïz continua de me fixer sans répondre.
— Ne lui fais rien, repris-je d'une voix plus douce. Ce n'est pas un mauvais bougre. Il fait juste son boulot comme moi j'aurais pu le faire.
Une troublante expression traversa alors ses traits et il laissa échapper un long soupir en passant ses longues phalanges dans ses cheveux. Son regard me transperça, faisant légèrement osciller la Terre sur son axe. Je voulus détourner mes yeux de lui, mais j'étais comme ensorcelée. Il s'empara de mes mains avec douceur et d'un geste naturel, m'attira plus près de lui.
— J'aimerais tordre le cou à ce petit enfoiré, murmura Faïz, l'air frustré et furieux. Mais il ne vaut pas la peine d'être l'objet d'une nouvelle dispute entre nous. Si j'avais voulu le voir, penses-tu vraiment que je serais venu à ton bureau avant, pour te prévenir ? Est-ce mon genre ?
Peu à peu, les muscles de mon dos se détendirent et je m'autorisai à respirer une grande bouffée d'air. J'étais heureuse qu'il épargne mon collègue de travail, même si ce dernier restait sur un terrain glissant. En effet, Faïz n'hésiterait pas à s'en prendre à lui à la moindre incartade qu'il pourrait faire à nouveau.
— Tu es souvent... imprévisible, rétorquai-je d'une voix étouffée, comme si je ne voulais pas qu'il m'entende.
Ses doigts vinrent relever mon visage. Sa beauté ravageuse n'avait d'égal que sa sensualité dévastatrice. Ses lèvres déposèrent un délicat baiser sur les miennes, puis effleurèrent ensuite mon front avec une douceur si délicate que mon cerveau libéra aussitôt un flot d'endorphine. Ma tête bourdonnait pendant que mes émotions organiques explosaient en moi. Je fermai les yeux pour savourer ce moment.
— Embrasse-moi, susurrai-je.
D'une main, il repoussa doucement mes cheveux en arrière tandis qu'il pressait avec la paume de son autre main, le creux de mes reins. Faïz m'embrassa doucement avant de coller ses lèvres plus fort contre les miennes. J'entendis son souffle s'accélérer peu à peu et sentis sa bouche s'abîmer dans notre baiser passionné. J'ajustai ma respiration sur la sienne et fis courir mes doigts dans ses épais cheveux déjà décoiffés.
Au bout de longues secondes, je me détachai de lui. Il me regarda alors d'une manière qui me fit regretter de devoir mettre fin à cet instant charnel.
— Je pense qu'il faudrait mieux que tu y ailles, déclarai-je mal à l'aise.
Je touchai mes joues avec mes deux mains et constatai qu'elles étaient bouillantes. Un aimable égarement passa dans les prunelles de Faïz, encore ardentes de désir. Il leva son visage pour fixer le plafond. Quand son regard revint sur moi, il était plein d'interrogations. Je m'écartai encore de deux pas.
— Je ne suis pas venu pour la Une du journal de ce matin. En fait, j'avais juste besoin de te voir, m'avoua Faïz à mi-voix. Une journée sans... c'est trop long.
Un rire narquois s'échappa de moi.
— Pourtant, tu as bien passé cinq ans sans prendre aucune de mes nouvelles !
Il cilla comme si je l'avais giflé. Je me mordis la lèvre, regrettant aussitôt mes paroles tranchantes. Ce dernier baissa son regard, la mâchoire serrée.
— Ne fais pas ça, Zoé !
— Laisse-moi un peu de temps. Tout oublier du jour au lendemain, ça m'est impossible, déclarai-je d'une voix plus douce. La dernière fois que tu m'as dit que tu m'aimais, je ne t'ai pas revu. Laisse-moi le temps, s'il te plaît.
Pour la première fois, je sentis cet homme si fort, se briser, en face de moi. Son regard, tellement intense, me força à détourner les yeux. Je me forçai à me concentrer sur les détails infimes de la pièce.
— Très bien ! Je te laisse tout le temps, lâcha Faïz sans enthousiasme.
Il s'approcha de moi et embrassa le dessus de ma tête avant de s'éloigner vers l'entrée. Une douleur immense oppressa à cet instant ma poitrine.
— Je t'aime, m'adressa-t-il alors que j'étais de dos. Je t'aime plus que je te désire, pourtant, c'est vrai, tu as raison. J'ai tout fait pour t'oublier.
Les larmes coulaient sur mes joues, mais il ne le vit pas. J'entendis à peine la porte se refermer derrière lui, emportant tout sur son passage.
— Je t'aime, murmurai-je au milieu du silence.
VOUS LISEZ
Dark Faïz -T 3
ParanormalLes cinq dernières années n'ont pas épargné Zoé. Noyée dans un profond vague à l'âme duquel elle éprouve des difficultés à sortir, le retour de Faïz dans sa vie n'arrange pas les choses. L'amertume et la rancœur vis-à-vis de cet homme qui l'a trahie...