D'après ce qui était mentionné dans le dossier, William avait entrepris de commencer une enquête suite à des disparitions inquiétantes qui concernaient des personnes situées au plus bas de l'échelle sociale. Sur une dizaine de feuilles, une liste de noms avait été établie. Je m'attardai sur la mention « les invisibles », écrite et soulignée en feutre rouge, à la fin de celle-ci.
— Le nom de Pavel revient systématiquement dans le rapport. Toutes ces personnes ont eu, à un moment donné de leur vie, un lien avec lui, murmurai-je à moi-même tout en continuant ma lecture.
— Laisse-moi deviner, intervint Elijah.
Je relevai brusquement ma tête, étonnée de voir que mon ami se trouvait toujours là. Ce dernier scrutait d'un air attentionné les notes devant lui :
— Tu songes à un tueur en série ?
— Les corps de toutes ces personnes n'ont jamais été retrouvés, répondis-je. Cette piste n'est pas à exclure, mais d'après William, elle n'était pas non plus privilégiée.
Soudain, Elijah ramassa une feuille sur laquelle des croquis avaient été dessinés. Ils représentaient un cheval difforme et un effluve, ou plutôt, des silhouettes aux contours abstraites. Mon ami esquissa une moue.
— J'ai déjà vu ça, déclara-t-il à voix basse, l'air sévère.
— Tu sais ce que c'est ?
— Ces choses sillonnent les rues, la nuit. Jusqu'à aujourd'hui, je pensais que ma raison me jouait des tours tellement ces ombres sont abominables. Je les appelle les cavaliers des ténèbres, car on jurerait qu'ils arrivent tout droit de l'enfer. Ils se faufilent, silencieux, à la recherche d'une proie et quand ils l'ont trouvée, une discussion muette débute entre eux et la victime.
Elijah tressaillit. Il marqua une pause puis continua en prenant soin de retourner le dessin afin de ne plus le voir :
— C'est comme si ces ombres s'immisçaient dans l'esprit de la personne et prenaient possession de tout son être. Elles gagnent toujours.
— Les soirs de pleine lune ? C'est noté ici.
Ce dernier, le regard absent, hocha la tête, mais sa raison était ailleurs.
— Et ces ombres ou entités, elles ne t'ont jamais approché ?
— Non, les cavaliers des ténèbres ne peuvent pas m'atteindre, car contrairement à ces « invisibles », moi, j'ai toujours mon âme et je ne signerai jamais. Ils savent que je suis différent. Les ombres se contentent de me regarder et de passer leur chemin.
Mon ami, toujours la mine grave, prit une autre feuille :
— Si c'est bien ce que je pense, une armée souterraine est en train de se former. Tous ces disparus doivent servir de cobaye, car dans cette note, il est indiqué que des virus variés à taux de mutation élevé, très dangereux pour l'homme, sont en train d'être fabriqués. Si les maîtres occultes relâchent tous ses pauvres gens infectés dans la nature, imagine un peu les dégâts que cela pourrait causer.
Pendant une fraction de seconde, j'imaginai L.A à feu et à sang, en proie à de violentes émeutes, dirigées par des démons à l'esprit machiavélique. Je tentai de refouler ces images apocalyptiques et interrogeai de nouveau Elijah :
— Le nom de Pavel te dit-il quelque chose ?
Il fronça les sourcils et vrilla son regard qui s'était obscurci dans le mien :
— Non. Peut-être que si je voyais un portrait ou une photo de cet homme...
Je feuilletai rapidement le dossier, mais ne trouvai rien d'autre sur lui, juste son nom couché sur le papier. Le bâillement d'Elijah me rappela à quel point il était tard.
— Tu devrais aller te coucher, tu dois être épuisé, lui signifiai-je. Merci pour ton aide.
— Veux-tu que j'emmène ma princesse à l'école, demain ? me demanda celui-ci tout en s'éloignant vers l'escalier.
— Ça ira, ne t'inquiète pas. Repose-toi. Eli ? Une dernière chose...
Mon ami se retourna.
— Je préfèrerais que tu restes vivre ici, au moins jusqu'à ce que le danger soit écarté. Après je te laisserai faire ce que tu veux.
— Mais Zoé, je... je ne peux pas... ce n'est pas ma vie ça ! s'offusqua Elijah en déployant ses bras. Et puis, Condor est très envahissant, tu m'en demandes trop.
Il se gratta le haut du crâne, embêté.
— Pense à Georgia. Tu veilles sur elle depuis sa naissance et elle a encore tellement besoin de toi. Accepte de rester pour elle.
Ce dernier leva son doigt menaçant à mon encontre.
— Tu tires sur la corde sensible, Zoé. Ce n'est pas bien. Tu... tu... Bon sang ! OK, je resterai ici.
Elijah, vaincu, leva les bras au ciel en me maudissant intérieurement, mais ça m'était égal. Le protégé de ces ombres et de Pavel était à cet instant ma principale préoccupation.
— Quel merdier ! grommela mon ami tout en montant les marches. Tu entends ça Condor ? Et le pire, c'est qu'on va devoir cohabiter avec l'autre cinglée de Lexy. Un cauchemar ! Non, ne me dis pas de me calmer...
Tandis que je l'entendais rejoindre sa chambre en râlant, je me remis aussitôt dans les notes de William. Je retrouvai les passages qui parlaient de Nostradamus et fus stupéfaite de la précision avec laquelle cet homme, ayant vécu il y a plusieurs siècles de ça, relatait les évènements importants d'une époque qu'il n'avait pas connue. En effet, il avait annoncé la mort d'Henri II, mais aussi la naissance de Napoléon. Ce prophète avait écrit sur la Seconde Guerre mondiale et sur la bombe nucléaire à Hiroshima. Il décrivait également l'assassinat de John Kennedy à Dallas. Quatre-vingts pour cent de ses prédictions s'étaient réalisées. Les vingt pour cent qui restaient étaient à venir. Cet astrologue annonçait un conflit majeur à venir entre le bien et le mal. Une troisième guerre mondiale qui entraînerait de nombreuses pertes et des dégâts considérables. Je m'attardai sur la phrase que William avait surlignée « la paix naît des cendres de la destruction, mais peu l'apprécieront ». Un autre passage assurait que les glaciers fonderaient pour libérer un des pires virus. Pour finir, Nostradamus mentionnait l'arrivée d'un troisième antéchrist, encore plus hideux que les deux précédents et qu'il serait capable de cracher du feu. Il s'agissait forcément du Maestro !
Mon regard s'attarda alors sur un plan de Los Angeles. Je soulevai celui-ci au-dessus de moi afin de mieux l'analyser sous les lumières de la cuisine. La carte révélait des sites sensibles comme des usines qui synthétisaient et stockaient des produits chimiques ou encore des puits pétroliers. En bas de la feuille, un prénom avait été maladroitement griffonné : Masha. Demain, je devrais contacter David afin que nous trouvions un moment pour tous nous réunir. Un mauvais pressentiment s'installa au fond de moi. Elijah avait raison, quelque chose s'élevait depuis les bas-fonds de la ville, quelque chose qui se préparait visiblement depuis déjà un bon moment.
VOUS LISEZ
Dark Faïz -T 3
ParanormalLes cinq dernières années n'ont pas épargné Zoé. Noyée dans un profond vague à l'âme duquel elle éprouve des difficultés à sortir, le retour de Faïz dans sa vie n'arrange pas les choses. L'amertume et la rancœur vis-à-vis de cet homme qui l'a trahie...