Chapitre 8.7

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FAÏZ

Dans ce lieu lugubre et insalubre, Faïz prenait soin d'enjamber les corps comateux qui jonchaient le sol de ce squat à ciel ouvert, face à l'océan, non loin de Playa Del Rey. Au-dessus de sa tête, un bruit incessant de moteurs de voitures qui traversaient le pont humide semblait ne jamais diminuer.

Le jeune homme s'arrêta devant une épaisse traînée de liquide noir qui s'écoulait sur plusieurs mètres, tel un petit ruisseau, dégageant une forte odeur d'essence. Il observa le lieu d'un regard presque pétrifié face à tant de misères. Outre d'anciens combattants ou des adultes solitaires, il y avait aussi des familles entières avec des enfants en bas âges ainsi que des personnes âgées qui cohabitaient toutes ensemble, sur cette petite parcelle de terre.

C'est alors que Faïz l'aperçut au loin. Soulagé de l'avoir trouvé, le jeune homme prit le temps de l'observer quelques instants avant de le rejoindre. Elijah était assis sur un sceau en plastique, retourné à l'envers. Il tenait une conversation avec une femme, habillée d'un Sari indien et qui paraissait désemparée, un bébé dans les bras. De là où il se trouvait, Faïz ne pouvait rien entendre de ce qu'ils se disaient à l'exception des hurlements de l'enfant. Celui-ci pleurait sans arriver à se calmer, malgré les bras qui le berçaient. Soudain, Elijah tendit ses mains et la femme lui remit aussitôt son bébé. L'homme le porta face à lui et ce qui se passa ensuite dérouta complètement Faïz qui examinait la scène, concentré. Le bambin se calma aussitôt, comme hypnotisé par le regard de son interlocuteur. Ce moment, où le temps semblait suspendu, dura de longues secondes, puis Elijah confia de nouveau l'enfant à sa mère. Les pleurs avaient disparu. La femme se jeta alors sur les mains de celui qu'elle considérait, sans nul doute, comme son guérisseur. Elle les embrassa pour le remercier et lui signifier toute sa gratitude.

— Le bébé est guéri. Son avenir sera désormais meilleur.

Faïz tourna la tête en direction de la voix éraillée. Une femme d'un certain âge, au visage sale et à l'allure négligée, triait un caddie rempli de vêtements et de matériaux en tout genre, tout en gardant un œil sur le jeune homme. Celle-ci ne dissimulait pas sa réticence à son encontre. Ses longs cheveux mal entretenus, plus gris que blancs, accentuaient son apparence de vagabonde.

— Vous êtes venu pour le voir, vous aussi ? demanda-t-elle peu commode, en l'inspectant de haut en bas. Pourtant, vous semblez avoir les moyens de vous payer un bon médecin.

Faïz détourna les yeux de cette femme qu'il commençait à trouver trop curieuse. Il se doutait que son aspect devait détoner par ici. Quand il avait reçu le message de Zoé, dans la matinée, pour lui indiquer l'adresse du lieu où il pourrait trouver Elijah aujourd'hui, cette dernière avait omis de lui préciser sa caractéristique.

— Vient-il souvent ici ?

— Je dirais une matinée par semaine, répondit la vagabonde sans prendre la peine de regarder Faïz. Les gens sans le sou viennent d'un peu partout de la Californie pour le rencontrer. Nous régulons les visites avant pour lui, afin qu'il ne soit pas submergé par la foule. Notre guérisseur n'aime pas le monde.

— Votre guérisseur ?

— Oui, Elijah. L'homme qui parle aux anges.

Il fixait l'océan pour se vider l'esprit. C'était le moment qu'il préférait. Guérir les humains était pour lui un passage obligé pourtant, il n'appréciait pas forcément cette tâche, sauf quand il s'agissait de ces tous petits êtres qui n'avaient rien demandé à personne. Elijah leva la tête vers le ciel à peine visible à cause de la couleur du Dôme. Il savait qu'un malheur approchait.

— Pouvez-vous aussi sauver les âmes ?

La voix, qu'il reconnut aussitôt, le tira de sa torpeur. Il se retourna pour faire face à l'individu qui venait de l'interpeller.

— Pas la vôtre ! grogna Elijah. Je peux vous dire que le Diable vous considère déjà comme un de ses petits champions favoris.

Un sourire insolent fendit le visage du brun ténébreux.

— Je me serais ennuyé de toute façon au Paradis, répliqua-t-il, sûr de lui comme à son habitude.

Elijah secoua la tête, désapprobateur. Son aversion pour Faïz n'avait aucun égal. Il se pencha pour ramasser un de ses sacs avant d'ajouter sans enthousiasme dans la voix :

— Qu'êtes-vous venu faire par ici ? Je ne pense pas que vous vous soyez perdu.

Faïz ne sembla pas surpris par la froideur de son interlocuteur ni même déstabilisé par l'humeur détestable de ce dernier. L'atmosphère entre les deux hommes devint très vite électrique.

— Pourriez-vous récupérer Georgia à l'école tout à l'heure ?


Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant