Chapitre 12.1

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Masha, qui connaissait les lieux mieux que personne, franchit la porte la première, suivie d'Elijah. À l'intérieur de la pièce régnait une chaleur suffocante. Déstabilisée par la forte lumière des spots, je mis quelques secondes à retrouver la vue avant de balayer l'endroit du regard. Je sentis brusquement mon cœur se soulever devant l'horrible spectacle qui se déroulait sous mes yeux. Je posai une main sur ma bouche pour m'obliger à retenir un cri. Pavel, le visage monstrueux, au milieu de la salle, était dans une position de toute-puissance. La scène de cruauté qui se jouait devant moi me paraissait irréelle. J'étais au bord du malaise, prête à m'évanouir. Faïz avait le regard tourné dans ma direction et me dévisageait avec un désespoir écrasant.

— Sortez-moi de là ! hurlait Stephen, les yeux rouges, révulsés par la terreur.

Les pieds et les mains jointes par de grosses chaînes, il se débattait comme un possédé, le visage relevé à l'extrême. Masha et mes amis, figés sur place par cette vision d'épouvante, étaient incapables de faire le moindre mouvement. Soudain, une forte déflagration fit bouger le sol sous nos pieds. Une onde d'énergie ébranla les murs dans un grondement sourd.

— Oh non ! gémit Masha. Le Dôme !

— Désormais, Los Angeles n'est plus invincible, déclara le Maestro en écartant ses bras. La cité des anges croulera bientôt sous les attaques des démons.

— Pourquoi ne jouez-vous donc pas les maîtres de guerre dans votre royaume, avec ce sacré Lucifer ? demanda Elijah sur un ton menaçant.

— Mais je suis là pour ça ! Il faut rendre au Diable ce qui appartient au Diable. L'homme a fait de cette Terre un enfer. Il est tout à fait légitime que mes compagnons et moi voulions nous y installer, mais... sans vous.

Le rire du Maestro me glaça le sang. Il était le même que dans mes souvenirs. Le sol sous nos pieds s'arrêta de bouger. Dans un éclair de lucidité, je m'élançai à toute vitesse en direction de Stephen, mais avant que je n'arrive à l'atteindre, un effluve obscur se dressa devant moi pour me projeter avec violence sur le sol. Une forme de chien, de taille immense, se dessina dans ce brouillard opaque. Ses yeux rouges et les babines retroussées sur des dents acérées affichaient une expression féroce et m'immobilisèrent de peur. Faïz accourut vers moi, prêt à me protéger en donnant de sa vie. Il se mit en face de cette ombre menaçante et se retourna vers moi :

— Ça va ? s'empressa-t-il de me demander d'une voix inquiète.

Je hochai la tête tout en me relevant.

— Pavel ? appela Masha. Libère cet homme ! Il n'a rien à voir dans tout ça.

L'homme tourna le regard vers cette dernière et s'avança d'un pas lent vers elle :

— Ma chérie, cette vermine est entrée par effraction chez moi. Il a enfreint la loi !

— Nous n'en sommes plus à ça.

— Il a cru qu'il pouvait, à lui seul, se mesurer à moi. À MOI !

Pavel semblait maintenant fou de rage.

— Les ténèbres elles-mêmes ont peur de mon ombre. Les portes de l'enfer ne se sont pas ouvertes quand on m'a présenté à elles. Je suis sans nul doute, l'âme la plus noire, celle qui ne trouvera jamais aucun repos. Aucune chance pour moi de me défaire de cette écorce malfaisante.

Son attention se posa subitement sur mes deux amies, Lexy et Asarys, postées à côté de Masha. Son assurance parut, l'espace d'un instant, ébranlée. Il recula, désarçonné, et vint planter son regard abject dans celui de Faïz avant de lever son visage vers le ciel :

— Alors finalement, tu as un plan ! cria Pavel. Bien joué ! Je ne les aurais jamais reconnues comme ça.

— De quoi parle-t-il ? balbutiai-je en essayant de garder mon calme.

Faïz détourna ses yeux de moi. La douleur et le désespoir traversèrent un instant ses traits, mais avant qu'il ne réponde quoi que ce soit, la voix du Maestro l'interpella :

— À l'extérieur de ces murs, une guerre contre tout un peuple est en train de se dérouler. Mon armée de fidèles est en train d'anéantir tes semblables. Demain, il ne restera aucun Léviathan ni Sylphe sur la planète. Mais je propose de t'épargner, toi, ainsi que la vie de ta fille.

Ma poitrine se serra à l'écoute de ces derniers mots. Je cherchai mon souffle. La voix du Maestro enflait et se répercutait sur les murs.

— Je peux faire de toi quelqu'un de bien plus grand et de bien plus fort. Je vois en toi une force aussi éclatante que ténébreuse. Rejoins-moi, soldat ! L'humanité ne te mérite pas. Elle te promettra mille choses, mais l'aube a cette fâcheuse habitude de ne jamais tenir ses promesses. Elles s'en iront avec les premières lueurs, emportant avec elles les paroles de la veille.

Je perçus une certaine tension émaner de Faïz. Une fureur subite s'empara alors de lui.

— Jamais ! Je n'obéis à aucun roi de ce monde ni dans un autre. Tant que les gens que j'aime vivront ici-bas, je leur assurerais une vie paisible sans aucune ombre de menace au-dessus d'eux.

— Tu n'es qu'un pauvre fou ! s'écria Pavel, les traits déformés de colère. Tu t'obstines à vouloir sauver un monde qui s'est déjà fourvoyé et condamné lui-même à l'enfer. Penses-tu qu'il l'aurait fait pour toi ? Aucun humain à l'extérieur de ces murs ne se serait sacrifié un instant pour ce que tu es, au contraire. Ils préfèrent s'apitoyer sur leur sort. Tu te bats pour des lâches ! Des lâches qui se retourneront contre toi à la première occasion. Contrairement à ce que tu crois, l'être humain te jettera au bûcher à la moindre incartade, oubliant tout ce que tu as fait pour lui. La société est ingrate et aveugle. Penses-tu un seul instant que je serais ici, parmi vous, si je n'avais pas été invité ? C'est VOUS qui nourrissez les Dieux et les Démons. Te battre contre moi revient à te battre contre une partie de ce monde. Un héros ne peut exister sans un ennemi, le bien ne peut régner sans le mal, ces deux choses sont indissociables de leur contraire. Avant moi ou après moi, qu'importe, quelqu'un prendra toujours ta place ou la mienne.

— La petite, où est-elle ? demanda Elijah avec une virulence aiguë.

Je tournai mes yeux en direction d'Asarys et de Lexy. Ces dernières essayaient de se rapprocher de moi à petits pas afin d'éviter d'attirer l'attention de Pavel. Les gémissements de l'agent Martinez en fond donnaient à cette scène une atmosphère anxiogène.

— Dis-nous où est la fille ! insista Masha en élevant la voix vers l'homme qui fût autrefois son paternel.

— Je ne lui ai rien fait, ma chérie, se défendit ce dernier en mettant ses mains devant lui. Voyons, je suis un père moi aussi. Je l'ai endormie afin qu'elle ne se rende compte de rien. L'avenir de cette enfant dépendra donc du temps que vous mettrez à la sortir de terre.


Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant