Chapitre 6.1

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En cette fin de matinée, nous étions tous les trois, Cait, Jul et moi, installés autour de la petite table ronde, dans ma chambre d'hôpital.

— Tu ne peux pas sortir cette Une, demain ! m'exclamai-je. Jul, avec celle-ci, tu risques de mettre à mal toute la sécurité nationale, mais aussi internationale.

Mon collègue mit sa tête entre ses mains, indécis sur le choix qu'il devait prendre. Il se ressaisit vite en pointant du doigt les documents que j'avais entre les mains :

— J'ai beaucoup avancé sur ce sujet ces trois dernières semaines, pendant que tu étais à l'hôpital. Le dossier top secret que je me suis procuré par un proche du gouvernement montre bien l'état d'urgence du pays. Ça va frapper fort ! Quand ? Je ne sais pas encore.

Paniquée à l'idée que Jul découvre la vérité sur la menace qui pesait sur notre monde et qu'il mette ainsi sa vie en danger, je décidai de gagner du temps :

— Laisse-moi tout ça, soupirai-je en espérant dissiper le malaise entre nous. Je vais me plonger dans tous ces documents puis relire ton article. Je donnerai ensuite mon aval pour l'impression.

Jul me jeta un regard suspicieux. Il se pinça les lèvres et secoua la tête en me retirant le dossier des mains. Cait, gênée par cette situation et notre désaccord, préférait garder le silence.

— Je ne peux pas ! C'est confidentiel.

— Quoi ? m'insurgeai-je. Tu vas balancer une bombe au monde entier avec ton foutu article. Pourquoi ne me laisses-tu pas consulter les notes de ton enquête afin que je te donne mon avis ? Nous avons toujours travaillé comme ça jusqu'à présent.

— Impossible de t'en dire davantage. C'est mon enquête, c'est mon sujet.

— Jul, intervint notre collègue qui décidait de sortir de son mutisme. Nous sommes une équipe. Vous ne pouvez pas nous mettre sur la touche. Je ne vous reconnais pas, là.

Ce dernier soupira profondément et commença à ranger les documents dans sa mallette en cuir noir, devant mon regard désespéré.

— Pas cette fois ! trancha-t-il. Je suis désolé. Je suis, au même titre que Zoé, rédacteur en chef. Je n'ai pas besoin de votre consentement pour publier ou non un article dans le Los Angeles Times.

Il se leva de sa chaise, le visage grave, et ajouta avant de nous quitter :

— Zoé, tu aurais dû accepter d'enquêter sur cette affaire avec moi dès le début au lieu d'être trop installée dans ton confort. C'est hors de question qu'un autre journal s'approprie cette Une. J'ai bossé trop dur pour faire marche arrière.

En voyant ma détresse, Cait essaya de me rassurer :

— Laissez-moi lui parler. Jul est comme ça. Il fonce tête baissée, mais nos avis comptent pour lui.

Je hochai la tête, toujours déboussolée par cet entretien qui avait viré dans la mauvaise direction. Au moment où elle rassemblait ses affaires pour me laisser elle aussi, la porte de ma chambre s'ouvrit. J'espérai alors voir mon ami réapparaître pour me dire qu'il avait retrouvé la raison, mais ce fut Faïz qui entra dans la pièce.

— Oh, mon Dieu ! murmura ma collègue qui, sous l'effet de surprise, laissa tomber des dossiers à terre.

Sans perdre de temps, je me baissai pour l'aider à les ramasser.

— C'est Faïz... Ma... Mattew, chuchota Cait, les joues brûlantes. Il est là, dans votre chambre.

— Oui. Il est venu me chercher pour me ramener à la maison, déclarai-je d'une voix neutre et sans enthousiasme avant de me relever.

Déstabilisée, Cait le salua d'un signe de tête, mais Faïz le lui rendit à peine. Elle quitta la pièce, complètement subjuguée par le physique de l'homme. Je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel puis lui offris à mon tour un maigre sourire avant de revenir vers mon lit où était posé mon sac. Je sentais son regard et sa concentration maniaque peser sur moi. Il était venu me voir tous les jours durant mon hospitalisation, mais il décidait toujours de repartir avant que mes paupières ne s'ouvrent. Seuls les fragments de son parfum dans l'air, attestaient de sa venue. Sa réaction était légitime après ce qu'il avait appris.

— Faïz, l'appelai-je d'une voix calme. Assieds-toi un instant, s'il te plaît.

Ma main était posée sur le lit afin de l'inviter à s'y asseoir. Ce dernier, l'expression froide, garda le silence un petit instant puis se rapprocha en préférant rester debout, face à moi. Sans me dérober, je décidai d'affronter la réalité :

— Je suis vraiment désolée, exprimai-je d'une voix sincère.

— Pour ?

Sa mâchoire se crispa et ses yeux, aussi intraitables que la nuit, me fusillèrent sur place.

— Jamais je n'aurais voulu que quelqu'un d'autre meure à la place de William, pas même toi. Je n'aurais jamais dû prononcer ces paroles, l'autre fois, chez toi.

Je baissai la tête, tant son regard était dur à soutenir, puis ajoutai à voix basse :

— Et je suis désolée de t'avoir caché l'existence de Georgia. J'imagine à quel point tu dois me haïr. Quand tu m'as quittée, cette période a été... tu ne peux même pas imaginer.

Je relevai mon visage en constatant que Faïz me toisait sans dire un mot. J'étais prête à subir les flots de reproches qui ne vinrent pas, à ma plus grande surprise. Celui-ci plongea sa main dans la poche intérieure de sa veste où il attrapa un papier soigneusement plié. Il hésita un instant à le sortir, puis se ravisa finalement.

— Qu'est-ce que c'est ? demandai-je, soupçonneuse.

— Rien ! rétorqua-t-il froidement. Finis de rassembler tes affaires, nous devons aller au Temple de la Septième Terre.

Je me pressai de faire mon sac pour quitter cette chambre dans laquelle j'avais dû me battre contre la fièvre, la première semaine de mon hospitalisation, mais aussi contre mes cauchemars, car le visage de Pavel hantait, depuis, toutes mes nuits. N'étant plus contagieuse depuis plusieurs jours maintenant, j'avais hâte de retrouver le monde extérieur et Georgia.

Après avoir refermé mon sac, Faïz posa sur le lit le collier avec le joyau et les perles de Éros. Étonnée, je le pris délicatement dans ma main.

— Il s'est brisé pendant ton altercation avec Pavel. Les perles étaient éparpillées un peu partout sur la route. Je l'ai fait réparer.

— Merci, murmurai-je, touchée par cette attention.


Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant