Chapitre 4.7

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Depuis combien de temps étais-je postée là ? À quémander à mes muscles de bouger ? Je ne savais pas. Mes yeux se rouvrirent brusquement au moment où mes pieds répondirent à mes sollicitations. Encouragée par cette petite victoire, je me mis à redoubler d'efforts. Après encore de longues minutes, je réussis enfin à retrouver un peu de ma force et arrivai à me retourner sur le ventre. La douleur se réveilla quand je me mis à ramper lentement en direction de ma voiture. Mes côtes me faisaient atrocement souffrir et mon front ruisselait de sueur, sans doute à cause de la fièvre causée par le virus. Tu y es presque, encore un peu, m'encourageai-je, jusqu'à enfin arriver à la hauteur de ma berline. Je m'engouffrai à l'intérieur en écrasant les bouts de verre sur mon passage et finis par attraper mon sac dans un dernier effort. Une fois mon téléphone en main, je composai le dernier numéro qui était noté dans mon journal d'appel.

— Oui, j'écoute ? répondit presque aussitôt mon interlocuteur.

— Faïz, m'écroulai-je en larmes. Aide-moi !

« I really thought I could see this too. I guess I just pack now. Leave it... ». Je fredonnai pour la énième fois la chanson de Kimberose d'une voix toujours plus faible tandis que le temps s'égrainait. Il s'était suspendu au moment où j'avais laissé tomber mon téléphone à terre, à bout de forces. Mes membres ne répondaient plus, tout en moi me quittait peu à peu. La fièvre, accompagnée de fortes hallucinations, déformait la réalité. William, ma mère, mais aussi Victoria, semblaient veiller au-dessus de moi. Ils ne parlaient pas, mais leurs regards paraissaient me supplier de rester éveillée. Désormais, c'était avec beaucoup de difficultés que j'arrivais à articuler chaque parole de la chanson « I'm sorry ». Je perdais le fil, je perdais la vie.

Le bruit d'un moteur rutilant arrivant à pleine vitesse m'empêcha de fermer mes paupières. Je tournai ma tête dans sa direction. La vue toujours troublée, je perçus uniquement les phares de la voiture qui s'arrêta à une dizaine de mètres de moi. La silhouette de Lily sortit en trombes du côté passager, mais ce fut sa main à lui, que je sentis glisser sous mon coup afin de rapprocher mon visage à quelques centimètres du sien.

— Qui t'a fait ça ? grogna Faïz d'une voix douloureuse, les prunelles obscurcies par une fureur naissante.

— Pavel, murmurai-je. Le virus... il m'a contaminée...

— Vite ! Nous devons la conduire à l'hôpital, cria-t-il paniqué.

Bien que mon état fût au plus mal, Faïz paraissait souffrir mille morts à cet instant.

— Non, att... attends. Georgia... il faut aller la chercher avant que...

Lily geignit avant de supplier :

— Faïz, tu dois aller la sauver. Je vais m'occuper de Zoé.

— J'appellerai Barthey sur le chemin, répondit-il agacé. Il mettra quelqu'un de l'équipe sur le coup pour récupérer cette personne. Pour l'instant, la priorité c'est Zoé !

— Non, non, tu ne comprends pas ! déclarai-je en rassemblant mes dernières forces. Je dois te dire quelque chose de très important.

Perdu, le regard plein de questions, Faïz approcha son oreille de mes lèvres afin de bien entendre ce que je m'apprêtais à lui révéler.

— Quand tu es parti, il y a cinq ans, tu m'as laissée, moi et... ta fille. J'ai donné naissance à ton enfant quelques mois après ton départ. Faïz, cette nuit-là sur Éros, avec toi, je suis tombée enceinte.

Lorsque Faïz éloigna son visage du mien pour enfin croiser mon regard, un véritable raz de marée émotionnel le submergea. Pétrifié, il ferma les paupières et tenta de reprendre pied. Je connaissais cette souffrance qui l'habitait à ce moment précis. Celle où chaque respiration était un effort pour rester en vie. Plus difficiles les unes que les autres et plus douloureuses que la précédente.

— Je suis désolée, susurrai-je avant de sombrer dans le noir le plus total.


Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant