Chapitre 17.5

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Quatre mois plus tard...

À Paris.

Peu avant le lever du soleil, on pouvait entendre les oiseaux chanter aux heures encore fraîches de cette matinée de fin d'été, tandis qu'une symphonie de couleurs prenait place dans le ciel. J'observai, à l'extérieur de la maison, les dernières étoiles s'éteindre. Ce spectacle m'apaisait un peu plus chaque matin. Les réveils étaient moins compliqués depuis quelques semaines. La souffrance au fond de mon être s'était calmée, mais ma colère, elle, était intacte. Je passai de longues heures à réfléchir, le regard dans le vide, à refaire l'histoire, à essayer de trouver un autre scénario pour changer la fin.

Je serrai fortement ma tasse de café pour me réchauffer les mains. Le jardin, qui entourait la maison de mon père, était séparé de ses autres voisins par un petit grillage et quelques arbres. J'étais heureuse qu'il se soit installé ici, loin de la banlieue parisienne.

Je regardai en direction de la maison et le vis venir vers moi, un sourire timide sur les lèvres. Sa coupe de cheveux en dégradé se terminant à mi-chemin entre l'oreille et le cou, allait parfaitement avec son allure toujours nette, propre et impeccable. Il prit une chaise et s'installa à côté de moi.

— Il est encore tôt, Zoé.

— J'aime ce moment de la journée où il ne fait pas encore trop chaud. J'avais oublié à quel point l'été à Paris pouvait être difficile.

Pendant que je lui parlais, j'observai son visage. Des petites rides s'étaient creusées au fil des années au coin de ses yeux, sur sa peau tannée par le soleil.

— Repars-tu bientôt en mission ? demandai-je avec une certaine appréhension dans la voix.

— C'est ce qui est prévu, ma fille. Je sais que tu t'inquiètes et c'est pour cette raison que je ne veux pas que tu restes en France. Tu dois être entourée. Lily, Charles et celui dont il est interdit de prononcer le nom, vous attendent, Georgia et toi.

— Ce n'est pas comme si ma fille était coupée de sa famille. Elle les appelle chaque soir en visio.

Un large sourire se dessina sur sa mâchoire carrée. Ses dents blanches formaient un contraste saisissant avec la couleur de son épiderme.

— C'est son anniversaire dans quelques jours. Pose-toi la question, Zoé. Quel serait le plus beau cadeau que tu pourrais lui faire pour ses six ans ?

Je détournai mes yeux des siens pour regarder ailleurs.

— J'ai peur de ne pas être prête pour ça, murmurai-je.

— C'est pour ça que je viens avec toi !

Ma tête se tourna subitement vers mon père. Je l'interrogeai du regard, de peur d'avoir mal compris. Il sortit alors de la poche arrière de son pantalon, trois billets d'avion.

— Je sais que la perte de tes amies dans cet accident de voiture a été terrible pour toi. Je ne te laisserai pas affronter ça toute seule. Pas cette fois, déclara-t-il en me prenant par les épaules. Tu vas reprendre ta vie en main.

— Le deal me convient, déclarai-je en me blottissant dans ses bras.

— Tu dois aussi retrouver ton job. Le télétravail, avec ton collègue Jul, ne peut pas être une solution sur le long terme. Tu l'adores en plus, ce boulot.

Après quelques secondes d'étreintes, mon père s'écarta de moi, l'air grave.

— J'ai ouvert ta boîte de photos, avoua-t-il, gêné, en mettant ses mains devant lui comme pour se défendre. Je t'assure que je suis tombé dessus par hasard. Il y a cette lettre que tu n'as pas encore ouverte, à l'intérieur. Je pense que c'est le bon moment pour le faire.

Avant que je n'aie eu le temps de répondre quoi que ce soit, mon père me la tendit. Une douleur aigüe oppressa soudain mon thorax. La plaie, à peine fermée dans ma poitrine, menaça de se rouvrir de nouveau. Je pris, d'un geste hésitant, ce papier encore intact.

— Je vais préparer le petit déjeuner de Georgia. Si tu as besoin de moi, je serais à l'intérieur.

Avant de s'éloigner, mon père ajouta :

— Rien n'est plus vivant qu'un souvenir. Ce sont les mots de Frederico García Lorca. Rien ne meurt vraiment.


Zoé,

Je ne t'ai pas dit au revoir et j'en suis désolé. Tu sais à quel point je ne suis pas doué pour ces choses-là. Ne m'en veux pas. J'ai pris le temps, avant de partir, de briser mon cœur en deux pour te donner la moitié. Je laisse sur Terre une grande partie de moi et crois-moi, c'est plus difficile que je ne l'aurais pensé. J'ai changé mon regard sur les êtres humains que je trouvais jadis, égoïstes et démunis de tous sentiments. C'était la raison pour laquelle j'avais abandonné mon peuple. Et puis, je t'ai rencontrée, toi... et les autres.

Le ciel est si pâle maintenant que je te connais et, à côté de toi, le soleil est une ombre mourante. Tu as attendri mon cœur de ta véritable bonté. Je n'ai jamais autant aimé que ces dernières années et je n'ai jamais autant eu peur d'un jour devoir vous quitter. Je compte sur toi pour rappeler chaque jour à Georgia tout l'amour que j'ai pour elle. Le jour de sa naissance, lorsque je l'ai prise dans mes bras pour la première fois, ce jour-là, elle a sauvé mon âme. Je suis heureux de savoir que l'homme dragon ne viendra plus jamais hanter ses doux rêves.

Zoé, j'ai une faveur à te demander. Lorsque tu prononceras de nouveau mon nom, donne-lui toute la lumière et la gaieté qu'il mérite. Il est synonyme de bonheur, ne lui donne pas celui de la tristesse. Il faut que tu saches que les larmes nous brûlent les ailes, c'est une des raisons pour laquelle les Anhels ne se montrent pas aux yeux de votre espèce.

Asarys, Lexy et moi, repartons auprès des nôtres. Nous emportons cette immense aventure vécue avec vous ici-bas, pour la raconter dans nos mondes. Elle traversera les siècles pour devenir, au fil du temps, une véritable légende. Et moi, Elijah, je serais l'ange qui aura marché autrefois, aux côtés des géants.

Avec tout mon amour, Eli.



Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant