Chapitre 7.6

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FAÏZ

Le jeune homme se dirigeait à l'étage afin de souhaiter une bonne nuit à sa fille. Il ressassait les paroles de Zoé en ruminant ses sombres pensées. Personne n'avait encore jamais osé le gifler et il était étonné d'avoir réussi à garder son calme après que cette dernière eut levé la main sur lui. Faïz avait à peine senti sa paume s'écraser sur sa joue. Pourtant, ce geste l'avait blessé bien plus qu'elle ne pouvait le penser. La douleur dans sa poitrine ne s'estompait pas. Cette douleur présente depuis maintenant cinq années se peignait, la plupart du temps, sur son faciès, révélant des traits tristes, des traits imprégnés de colère et d'une profonde désolation. L'amour de Rachelle n'avait pas réussi à chasser son désespoir qui était devenu son meilleur compagnon, ce faux ami, qui l'avait jeté dans les bras de ses multiples conquêtes. Il aurait préféré que les ongles aiguisés de ces femmes, qui avaient griffé la peau de son dos à de nombreuses reprises, fussent venus lui crever les yeux à la place. Cette souffrance, plus violente, aurait remplacé celle trop présente et insupportable pour lui. Et encore, le jeune homme en doutait.

L'expression de son visage s'adoucit au moment même où il posa son regard sur la petite fille qui fredonnait une comptine, tout en se concentrant sur le dessin qu'elle était en train de réaliser. Posée sur son bureau, une lampe projetait sur les murs de sa chambre un éclairage chaud aux couleurs et formes différentes. Ses ailes étaient posées par terre, juste à côté de son lit. L'endroit était apaisant. La paix qui y régnait suffit à faire redescendre Faïz de son monde obscur pour rejoindre celui de sa fille qui était baigné de lumière. Le jeune homme parut rassuré de constater que celle-ci n'avait absolument rien entendu de la grosse altercation qui avait eu lieu, quelques minutes plus tôt, sur la terrasse. Soudain, Georgia releva la tête en direction de son père, toujours posté dans l'encart de l'entrée, et posa sur lui des yeux remplis de douceur. À cet instant, il sentit son cœur se serrer de tendresse et d'amour pour la petite fille.

— Il se fait tard, lui indiqua-t-il d'une voix teintée de délicatesse. Demain, il y a école.

Faïz, curieux, vint ensuite s'asseoir sur le bord de son lit et prit dans ses mains le dessin. Pendant qu'il examinait son travail, Georgia observait cet homme qu'elle trouvait aussi étrange que fascinant. Une question lui brûlait les lèvres.

— Tu es le seul que je dois appeler par son nom alors que tu es le frère de ma tante, Victoria. C'est un peu étrange. Pourquoi ne pas te trouver quelque chose de moins...

— Informel ? l'aida le jeune homme à terminer sa phrase, sans relever les yeux du dessin.

— Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais ça doit être ça. Je n'ai pas le droit de t'appeler oncle ou tonton, ni papi, mais on pourrait faire un mélange de ces trois noms ?

— Non !

Il détourna les yeux sur sa fille qui le fixait avec un regard plein de questions.

— Faïz, c'est très bien. Je préfère que tu m'appelles ainsi. Les petits diminutifs, ce n'est pas pour moi.

Il avait mis dans sa voix toute la persuasion dont il était capable, mais cela ne suffit pas à convaincre cette dernière qui l'examinait de ses yeux brillants d'une étrange détermination, comme si elle essayait de percer à jour les secrets enfouis au plus profond de lui.

— C'est... euh... un portrait de famille que tu as dessiné ? demanda Faïz, quelque peu déstabilisé par cette situation.

— Oui ! Il y a papi, Mamoune, maman, oncle Eli, tantes Lexy et Asarys, oncle Ray. Là, en haut dans le ciel, c'est mon papa et ma tante Victoria, qui veillent sur nous. Moi, je suis dans la maison, ici.

Faïz fronça les sourcils et regarda de nouveau attentivement le dessin.

— Et moi ? Où suis-je ?

Georgia souleva les épaules et afficha sur le visage un petit sourire gêné. Sa main vient se poser sur son cœur puis elle murmura :

— Toi, tu es ici et quand tu seras prêt à me dire ton secret, je te dessinerai aussi.

Faïz s'arrêta de respirer et essaya de rassembler tant bien que mal ses pensées au milieu du chambardement qui régnait dans son cerveau. Sa fille l'ébranlait totalement. Malgré son jeune âge, elle faisait preuve d'une extrême clairvoyance. Connaissait-elle la vérité ? Il réfréna son envie de la serrer dans les bras et se contenta de lui caresser délicatement sa joue.

— J'aurais aimé faire ta connaissance plus tôt, lui avoua-t-il, le regard sombre. Être présent à chacun de tes anniversaires, mais il aurait déjà fallu que je sache que tu existais. C'est ça, mon secret.

Georgia plongea ses yeux dans les siens avec circonspection.

— Moi aussi, j'ai un secret, déclara-t-elle à voix basse. J'aimerais des fois ne pas être obligée de porter ces ailes.

Le jeune homme, étonné par cette révélation, posa les yeux sur l'accessoire qu'il pensait être indispensable dans le quotidien de sa fille, puis revint sur elle. Il secoua doucement la tête, perplexe.

— Pour... pourquoi les portes-tu, alors ? Rien ne t'y oblige.

— Si, je suis obligée. En fait, ce ne sont pas les miennes. Je sais bien que je ne suis pas un ange.

Faïz ne savait pas quoi faire de ces informations. Il se rappela soudain qu'il parlait à une petite fille de cinq ans. Une petite fille avec beaucoup d'imagination, comme tous les enfants de son âge. Un petit soupir de soulagement s'échappa de lui.

— Il est temps de dormir, Georgia. On se voit demain. Je te préparerai ton petit déjeuner, puis je t'emmènerai à l'école.

Cette dernière acquiesça d'un signe de tête avant de s'allonger dans son lit, aux côtés de monsieur Joe, son ourson en peluche préféré. Faïz ramena correctement la couverture sur elle et l'embrassa avec la plus grande tendresse, l'âme en peine de devoir la quitter pour quelques heures.

Au moment de franchir le seuil de la porte, Georgia l'interpella :

— Tu sais, c'est juste là, sous tes yeux.

Le jeune homme se retourna vers elle, les sourcils rapprochés.

— De quoi parles-tu ?

— La nuit dernière, tu as posé une question à tante Victoria. Où pouvait-il bien se trouver ? La réponse à ce que tu recherches est : dans la perle des Caraïbes. La photo de cet endroit était, avant, accrochée au mur dans sa chambre.

À cet instant, tout se mit à vaciller autour du jeune homme. Il dut s'appuyer contre la porte pour ne pas s'écrouler. Sa poitrine menaçait d'exploser sous la pression violente qu'exerçaient soudain les battements de son cœur.

— Elle t'a ? Es-tu entrée en contact avec elle ?

— Non, je ne parle jamais à tante Victoria, répondit Georgia, étonnée pas la question.

— Alors, comment sais-tu que je lui ai demandé ça ? Comment connais-tu la réponse ?

— C'est Condor qui me l'a dit ! Les ailes que je porte, ce sont celles d'oncle Elijah, mais il ne doit pas le savoir. C'est un ange triste.

Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant