En entrant dans le Hill Street Bar, je regardai tout autour de moi. Le lieu était plus sombre que d'ordinaire. Il était midi, mais on se croyait presque en pleine nuit avec ce manque de lumière hors du commun. Malgré l'atmosphère apocalyptique qui régnait dehors, les gens mangeaient, buvaient et riaient, peu préoccupés par la couleur du Dôme.
— Gaston ! appela la patronne du bar depuis l'entrée qui regardait le ciel, à côté de moi.
Un monsieur d'une soixantaine d'années, trapu, au crâne bien dégarni et au nez rond la rejoignit précipitamment.
— Gaston, reprit-elle. Tout ceci ne me dit rien de bon !
— Mais non, Margarèthe. Ce n'est rien d'autre qu'un sacré orage qui se prépare, déclara le mari à sa femme afin de la rassurer.
Celle-ci grommela quelques mots puis repartit à son travail, les sourcils froncés. Mon Dieu, vous ignorez de quel orage il s'agit, pensai-je au fond de moi.
L'odeur du poulet grillé flottait dans la salle, ce qui me rappela que je n'avais rien avalé depuis ce matin. Mes yeux parcoururent le bar, à la recherche de mes trois amis, mais la célébration de la seconde mi-temps des Dodgers qui jouaient contre les Yankees rendait la tâche difficile. Soudain, je vis Asarys me faire de grands signes à une table, au fond de la salle. Je me frayai un chemin au milieu de ce public bruyant et hystérique, en jouant des coudes.
J'arrivai à la table de mes trois compères comme si j'avais parcouru un marathon.
— Tu as raté le début de la rencontre, déclara David en haussant la voix pour se faire entendre. Nous t'avons attendue pour commander.
Je faillis sourire malgré toute la colère qui me submergeait, mais mon humeur du moment prit le dessus. Je jetai le Los Angeles Times sur la table avec sa Une du jour avant de m'asseoir, assassinant Lexy du regard. À cet instant, je ne compris pas pourquoi Asarys prit la parole, peut-être avait-elle l'impression que son amie avait besoin d'un peu d'aide.
— Zoé, écoute. Je suis aussi étonnée que toi de l'article dans le journal, mais il ne faut pas en vouloir à Lexy. Elle a fait ce qu'elle a pu avec Jul, hier soir. De toute façon, ce n'était qu'une question de temps avant que le gouvernement ne soit obligé de s'expliquer sur la situation actuelle.
Ses intonations douces étaient destinées à m'apaiser, mais ce fut le contraire qui se produisit. En effet, des trémulations me secouèrent de la tête aux pieds. Je me demandai comment ma chère amie, celle à qui j'avais confié une importante mission, allait encore me surprendre et à quelles explications fallacieuses j'allais avoir droit cette fois-ci.
— Alexia Terranova, sifflai-je en étrécissant mes yeux. J'attends ta putain d'explication sur cet article.
Mon index pointa la Une du journal. David et Asarys portèrent leur cocktail à la bouche et parurent supplier cette dernière de s'en sortir vivante. C'est alors que Lexy plaqua un grand sourire sur son visage en écartant les bras de son corps.
— Je crois que je suis amoureuse ! Sois heureuse pour moi, Zoé.
Oui, elle arriva à me surprendre, mais pas dans le bon sens. Je pianotai la table du bout des doigts, attendant qu'elle poursuive. En comprenant qu'elle ne s'en sortirait pas comme ça, Lexy leva les yeux au ciel et poursuivit :
— Jul m'a invitée chez lui et j'y suis allée. Je ne me suis pas défilée et figure-toi que j'ai même mis ma colère de côté.
— Que s'est-il passé pour qu'il ne change pas d'avis sur la publication de son article ? la coupai-je, préférant aller directement au but.
Elle soupira, le regard dans le vide, puis un sourire rêveur se peignit sur ses lèvres.
— Un ami à lui possède un restaurant Végan qui a très bonne presse à L. A. Jul lui a parlé de moi et hier, cet ami m'a proposé de partager la réalisation des futurs menus avec lui. Je deviendrai alors son associée.
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Dark Faïz -T 3
ParanormalLes cinq dernières années n'ont pas épargné Zoé. Noyée dans un profond vague à l'âme duquel elle éprouve des difficultés à sortir, le retour de Faïz dans sa vie n'arrange pas les choses. L'amertume et la rancœur vis-à-vis de cet homme qui l'a trahie...