Chapitre 14.1

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Agenouillée au sol, les yeux fermés, j'attendais, résolue, que Pavel m'assène son dernier coup qui m'obligerait alors à garder mes paupières fermées à tout jamais. Le bijou en toc n'avait pas servi de leurre très longtemps. Soudain, un courant d'air vint secouer mes cheveux, alourdis par la quantité de sang que je perdais au niveau du crâne. Je pensai à ce moment que tout était fini pour moi. La peur de ne pas savoir ce qui se passait dans la pièce m'obligea à rouvrir les yeux tout doucement. Émue, je collai une main sur ma bouche pour m'empêcher de crier.

— Tu es revenu, balbutiai-je, la voix tremblante. Georgia ?

Elijah, le dos tourné et les ailes déployées, était placé entre Pavel et moi, telle une forteresse infranchissable.

— En sécurité ! répondit mon ami sans se retourner.

Un grondement puissant s'échappa de la gorge du monstre devant lui. Le Maestro venait de perdre une bataille. Cette première défaite le mit dans une colère noire. Sa fureur montait en lui, aussi fulgurante que la foudre. L'air qui me manquait revint peu à peu dans mes poumons. Soulagée, je tâtai mon crâne qui me faisait terriblement souffrir et me redressai lentement afin de me tenir droite. Mon regard se posa aussitôt sur Faïz qui était gravement blessé, à moitié enseveli sous des gravats de pierres et de briques. Le mur n'avait pas résisté au choc quand son corps avait été propulsé contre lui.

— Remets Faïz sur pied. Je vais avoir besoin de lui ! m'ordonna Elijah tandis qu'il faisait toujours barrage entre Pavel et moi.

L'exclamation du Maestro résonna comme un coup de tonnerre dans la pièce.

Sans perdre une minute, j'essayai de dégager Faïz des décombres. Son regard perçant se tourna vers Elijah. Il détailla la scène avec incrédulité avant de revenir planter ses yeux dans les miens, inquiets.

— Elle est sauvée, lui soufflai-je avec un demi-sourire, les yeux brillants. Georgia va bien.

Cette nouvelle lui donna le regain d'énergie nécessaire pour finir de s'extirper des gravats, tout seul. Affaibli, il attrapa mon visage entre ses mains et m'embrassa le sommet de la tête comme s'il pouvait me guérir.

— Tant que ma fille et toi êtes saines et sauves, alors rien ne peut empêcher mon monde de tourner.

Le regard que je lui renvoyais répondit à ma place, lui criant à quel point je l'aimais.

— Il est temps de terminer ce combat, déclara-t-il.

Après nous être relevés, il ouvrit sa main. Au creux de celle-ci, le rubis s'illuminait, prêt à expédier le Maestro en enfer. À ma plus grande surprise, il me tendit la pierre.

— Viens uniquement lorsque je t'appellerais. Ne bouge pas d'ici tant que je ne te l'aie pas dit. Nous devons absolument la lui faire avaler.

J'acquiesçai devant son regard si sévère et pénétrant. Une détermination féroce remplissait ses prunelles ardentes. Faïz s'avança en direction de son rival tout en souriant froidement.

— Athanase ? rugit-il en prononçant ce nom avec dégoût. N'oublie pas de passer le bonjour au maître des ténèbres pour moi.

Pavel fit apparaître sur ses lèvres le simulacre d'un sourire bestial, méprisant cet homme de toute sa hauteur.

— Je pense que tu le rencontreras avant moi, répondit-il de sa voix caverneuse et glaciale.

Je vis alors ce monstre se jeter sur Faïz, les traits déformés par la rage. Je ne pus m'empêcher de trembler de tout mon corps, cherchant un pavé, le plus gros qui soit, au milieu des gravats. Le bruit sourd des battements d'ailes de mon ami me fit abandonner mon idée et je décidai de rester à ma place comme Faïz me l'avait demandé. Elijah se déplaçait avec une vivacité démentielle. Son énergie, son essence, remplissait tout l'espace. Il s'interposa entre les deux hommes. De son aile, il fracassa la mâchoire de Pavel et, pour la première fois, notre rival recula, blessé. Son regard défiait toujours Faïz et l'Anhel, mais avec moins d'assurance. Mon ami déploya ses élytres et s'éleva doucement dans les airs. La seconde d'après, Elijah était auprès du Maestro. Il le percuta avec son coude. Nous entendîmes les os du visage du monstre craquer, arrachant à celui-ci un cri abominable. Faïz accourut à son tour et frappa Pavel en plein ventre, lui coupant ainsi la respiration. Athanase avait perdu de sa grandeur, à genoux, tête baissée. Faïz, hors de lui, continua de lui asséner des coups, affaiblissant un peu plus cet être démoniaque qui ressemblait maintenant à un homme presque ordinaire.

— La pierre ! cria Elijah.

Pavel laissa échapper un petit rire diabolique.

— Et comment comptes-tu t'y prendre, guerrier du ciel ? demanda-t-il essoufflé. Je quitterai ce corps avant même d'avoir avalé votre satané caillou.

— Tu n'as plus les cartes en main, Athanase. Laissons les Hommes, ces mortels, décider de ton sort. Je ne suis que leur messager après tout, et devine quoi ? Ils ont un message pour toi.

Elijah, toujours dans les airs, leva ses bras vers le ciel et se mit à parler une langue que je ne reconnaissais pas. Les yeux fermés, il se concentra. Son halo au-dessus de sa tête, aux contours abstraits jusqu'à présent, se transforma en une auréole bien distincte qui renvoyait une lumière blanche éclatante.

— Que m'arrive-t-il ? rugit Pavel qui essayait soudain de bouger sans y arriver.

C'était comme si l'Anel exerçait sur lui une énorme pression pour l'immobiliser. Les traits du monstre se décomposèrent sur son visage abominable quand il comprit que sa défaite était proche. Il se recroquevilla sur lui-même en murmurant des incantations. L'anneau d'Elijah changea de couleur et propagea autour de Pavel un voile doré.

— Non ! hurla Pavel de douleur. Non !

— Tu entends les chants, Athanase ? Les premiers chants du monde. Ces prières viennent d'âmes qui avaient encore la foi. Tant que les hommes croiront au bien, aucun démon, aucun Dieu, ne pourra régner à leur place, sur Terre. Ils ont en eux un pouvoir qui surpasse les nôtres et nous les envions pour ça. Au fond, nous jalousons ces mortels d'être plus puissants que nous.

Pavel s'écroula au sol, se tenant la tête avec ses mains pour s'empêcher de discerner l'imperceptible. Ni Faïz ni moi n'entendîmes autre chose que les gémissements épouvantables qui s'échappaient du corps de ce dernier. Allongé à terre, il paraissait souffrir le martyre. De petites lumières, semblables à des braises ardentes, se mirent à rougeoyer autour de lui. Elles vinrent se déposer un peu partout sur son corps et son visage. L'auréole de mon ami continuait de briller. Son halo captait une énergie qui se diffusait dans ses ailes d'une beauté prodigieuse.

— Zoé ? m'appela Faïz.

L'adrénaline se mit à circuler partout dans mes veines. J'oubliai la douleur dans mon crâne et me mis à courir en direction d'Elijah.


Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant