Chapitre 12.2

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Le monde s'effondra à ce moment sous mes pieds et je sentis un poids énorme s'abattre sur moi. Un bourdonnement intense remplit ma tête. J'entendis mon sang taper contre mes tempes. Une image vint alors à moi : la première fois où je l'avais tenue dans mes bras, à l'hôpital, le jour de sa naissance.

— Espèce de monstre ! Que lui as-tu fait ? entendis-je hurler.

Je revins au moment présent lorsque Faïz essaya de se jeter sur Pavel, mais, avant même qu'il ne réussisse à l'atteindre, il fut à son tour violemment projeté au sol par le brouillard malfaisant qui le protégeait.

— Garde ton énergie, le provoqua le Maestro. Ce sera moi ou ta fille. Il ne lui reste que quelques minutes avant qu'elle ne manque d'oxygène dans le tombeau que je lui ai spécialement confectionné.

Je sentis les mains de Lexy se poser sur mes épaules. Asarys, elle, s'était mise devant moi.

— Où l'as-tu enterrée, pauvre cinglé ? s'impatienta Masha.

Le rire tonitruant du Maestro résonna de nouveau.

— Dans le parc, avoua-t-il.

— Mais il est immense ! s'insurgea Elijah, le front en sueur.

Pavel reprit son souffle et déclara d'un ton victorieux :

— Il paraît que des miracles peuvent se produire dans votre monde. L'éternel sera peut-être clément cette nuit, avec vous. Montrez-moi ce que valent vos prières, je suis curieux de voir ça.

Faïz se releva doucement et posa son regard sur Elijah. Ses prunelles pleines de détermination le fixèrent avec calme et assurance.

— Il est temps de replonger à l'origine du mythe, déclara-t-il en s'adressant autant au Maestro qu'à mon ami.

Déboussolée, mes yeux firent des va-et-vient entre les deux hommes. Je ne comprenais pas ce que nous faisions encore ici, au lieu d'être à l'extérieur à chercher ma fille. J'étais en proie à un violent tumulte intérieur. Ma raison m'ordonnait de partir la sauver, mais mes jambes ne me répondaient plus.

— Il n'existe plus, protesta Elijah avec tout le mépris dont il était capable.

— Elle va mourir si tu ne pars pas la sauver tout de suite, répliqua Faïz d'une voix sévère.

— Et comment veux-tu que je m'y prenne ?

— Demande à Condor de te redonner tes ailes.

Ses dernières paroles m'ébranlèrent. Tout le monde, y compris Pavel, fixait Elijah afin de chercher des explications à l'inexplicable. Seuls les gémissements de l'agent Martinez brisaient ce silence de mort. Mes amies et moi échangeâmes, une fraction de seconde, des regards inquiets. L'image du chien monstrueux qui m'avait attaquée quelques minutes plus tôt devint floue. Elle se dissipa dans l'air pour redevenir un rideau d'effluves opaques.

— J'ai renié mes ailes il y a des dizaines d'années de cela, et même si je le voulais, je ne pourrais les retrouver.

— Elles ne sont pas perdues, crois-moi, insista Faïz. Condor te les a gardées. Il les a confiées à quelqu'un qui a toujours cru en toi. À quelqu'un qui t'a toujours vu comme l'ange le plus magnifique. Les yeux d'un enfant ne mentent pas. Ma fille a porté chaque jour sur son dos tes ailes afin de pouvoir te les redonner le jour où tu en aurais besoin.

Un cri de rage et de refus s'échappa de mon ami. Il se mit à arpenter la pièce tout en grommelant des paroles incompréhensibles avant d'ajouter :

— Je ne voulais plus de ça ! C'était ça, ton plan ? Pourquoi moi, Condor ? Pourquoi ne me laisses-tu donc pas tranquille ?

Une crainte épouvantable me saisit. Mon cerveau refusait d'enregistrer ces dernières informations. C'en était trop. Oui, avec le recul, j'avais toujours trouvé cet homme différent. Mais je ne me serais jamais douté qu'il faisait lui aussi partie de ces êtres de lumière. La vérité, c'était qu'il détestait sa vie passée. Il détestait la race humaine, peut-être autant que le Maestro. Que lui était-il donc arrivé ?

— Ce que tu racontes est impossible ! rugit Pavel, déstabilisé.

Un regard indéniablement dangereux gagna tout son visage, puis il continua :

— Tu ne vas pas mettre les dernières minutes de la vie de ta fille entre les mains d'un homme qui a été chassé du royaume des cieux. Les anges damnés ne peuvent s'élever de nouveau !

— Sauf si nous croyons en eux, déclara Faïz tout en considérant Pavel avec défiance.

— Elijah ! hurlai-je la voix presque en sanglots. Sauve ma fille ! Je t'en supplie. Ne la laisse pas mourir. Tu l'as vue naître, tu l'as soignée quand elle était malade. Tu l'aimes autant que nous tous, ici.

Le menton levé vers moi, je constatai que son émotion était à son comble.

— Allez, vole ! chuchota Asarys, suppliante.

— Le Eli avec qui je me disputais sans arrêt va me manquer, déclara Lexy, les yeux brillants.

— Ne le laissez pas s'échapper ! hurla Pavel en direction de la brume noire dont les chuchotements se manifestaient de plus en plus fort.

Le souffle coupé, je regardai Elijah s'accroupir au sol et fermer les yeux.

— Je veux mes ailes ! quémanda-t-il à voix haute.

Il secoua vigoureusement la tête avant d'ajouter :

— Je suis un Anhel du peuple des Queyum. Je donne mon allégeance à notre mère à tous. Reine de la terre et du ciel. Laissez-moi revenir à la source. Je crois...

Elijah inclina la tête. La mâchoire serrée, il serra les yeux le plus fort possible. Ses mots avaient du mal à sortir :

— Je crois... je crois en vous, à ce monde... en l'être humain. Laissez-moi redevenir un des protecteurs de cette humanité. Laissez-moi protéger cette enfant qui m'a redonné le goût à la vie, je vous en supplie.


Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant