Chapitre 7.1

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Assise sur le banc, dans la salle de danse avec Lexy et Asarys, j'avais l'impression que la journée avait repris un cours normal. Les élèves répétaient la dernière chorégraphie de hip-hop apprise avec Katerina, une professeure formidable que j'avais réussi à convaincre de venir donner des cours de danse, au sein de l'association. À ses côtés, Georgia tournoyait et bougeait au rythme de la musique. Je la contemplai avec le sourire aux lèvres, heureuse de l'avoir enfin retrouvée. Ça devait faire la deuxième ou troisième fois que je l'emmenais avec moi dans cette salle et à chaque fois c'était pareil : elle redevenait une petite fille joyeuse. C'était si rare de la voir ainsi, respirant le bonheur avec la joie de vivre qui se reflétait dans ses yeux rieurs, le temps de quelques heures.

— Je n'ai toujours pas de nouvelles d'Elijah, confiai-je à mes amies. Demain, j'irai faire un tour autour des Downtown. J'espère le trouver et m'assurer qu'il aille bien.

— À ta place, je chercherais Condor, ironisa Lexy qui finissait de limer ses ongles. Si tu le trouves, alors tu trouves Elijah.

— Veux-tu que je reste avec toi, ce soir ? me demanda Asarys. Ray passe la soirée avec David, toujours à la recherche de la moindre information qui pourrait les mener au tombeau du Maestro.

— Non, ne t'inquiète pas. J'ai envie de passer un moment avec ma fille. Je serai à Elora, il ne peut rien nous arriver là-bas. Où en sont les recherches ?

— Toujours rien ! me confia Lexy, l'air ennuyé. David et les autres ont dû passer des milliers d'heures à se plonger dans de vieux manuscrits, grimoires et autres bouquins qui relatent cette histoire de voyageur démonique, en vain.

— Il y a juste une phrase qui est ressortie de tout ça, continua Asarys. Mais elle n'est pas vraiment claire. Elle nous dit que la réponse est sous nos yeux et qu'elle nous sera donnée quand nous poserons la bonne question, à la bonne personne.

Les paroles de mon amie m'interpellèrent. C'était, encore une fois, les mêmes mots que Victoria m'avait confiés dans un de mes songes.

— Et le rubis ?

— Impossible de savoir où il se trouve, me répondit Lexy. Je pense qu'il est bien gardé afin que personne ne mette la main dessus. Cette pierre doit être sous haute surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Asarys se racla soudain la gorge.

— Sinon... Lexy et moi aimerions savoir la nature de ta relation avec Faïz en ce moment.

Nous y étions ! Mon acolyte avait enfin abordé ce sujet ardant en ayant bien pris soin de choisir chaque mot dans sa question.

— Pour tout vous dire, je suis perdue.

Mes yeux suivaient Katerina qui effectuait un enchaînement de pas sous les regards concentrés de ses élèves. Georgia en faisait autant.

— Il tourne la page sur le fait que tu lui aies caché l'existence de sa fille ? demanda Lexy, prudente.

Je laissai échapper un profond soupir puis tournai mes yeux vers mon amie.

— Je ne sais pas ! avouai-je à voix basse. Une partie de lui a envie d'avancer. Il est tellement complexe. C'est impossible de deviner ses réels sentiments.

— Et toi ? Le haïs-tu toujours autant ? demanda à son tour Asarys.

— Non. J'ai l'impression d'avoir une multitude de regrets qui viennent soudain sonner à ma porte. Il y a beaucoup de choses que j'aurais dû lui dire quand nous étions encore sur Éros. J'ai manqué de sincérité et, tandis que je me voilais la face, Faïz, lui, a toujours vu la réalité des choses. Je suis prête à lui laisser une place dans la vie de Georgia.

Asarys enroula son bras autour de mon épaule :

— C'est bien. Il faut avancer et laisser Will partir. Tu dois donner à ta fille le meilleur de toi. Je ne sais pas si Faïz fera un bon père, car au niveau des relations humaines il est juste épouvantable, mais les mensonges, ça ne peut que te ronger petit à petit. La vérité, elle, est libératrice.

Avant que je ne puisse répondre, Katerina me héla à l'autre bout de la salle :

— Zoé, je te laisse finir le cours ! Viens nous montrer ce que tu as dans le ventre.

Prise au dépourvu, j'essayai de me défiler en montrant mes deux amies, assises à côté de moi.

— Si, vas-y ! s'écria Lexy, accompagnée des exclamations d'Asarys.

Au loin, ma fille me faisait de grands signes avec ses bras pour m'encourager à venir. Elle ne devait avoir aucun souvenir de moi en train de danser. Depuis le décès de William, j'avais laissé les cours que je donnais, à d'autres personnes plus animées par cette passion que moi.

— Allez ! insistèrent les filles.

— Non, je ne sais plus danser. Je dois être complètement rouillée depuis le temps, répondis-je, paniquée à l'idée de relever ce défi.

— Regarde ta fille, Zoé ! s'exclama Asarys. Elle attend que ça. Fais-lui ce cadeau. Fais-le pour elle.

Les élèves paraissaient aussi attendre impatiemment que je me lance. Ils voulaient constater par eux-mêmes tout ce qui avait été dit à mon sujet sur ma façon de danser. Mes yeux se posèrent sur Georgia qui me suppliait du regard, inquiète que je me défile une fois de plus. Je rejetai ma tête en arrière et soupirai profondément.

— OK ! dis-je en me levant brusquement. Vous voulez du spectacle, vous allez en avoir.

Mes deux acolytes applaudirent, toutes excitées par mon regain d'énergie. Je retirai mon sweat-shirt pour être plus à l'aise. En dessous, je ne portais qu'une simple brassière noire et un legging. Motivée, je traversai la salle pour rejoindre le groupe, installé près des miroirs.

— Katerina, balance-moi un bon son avec un bit puissant, lui lançai-je en la défiant.

Cette dernière se précipita sur la chaîne hifi et fit activement défiler les titres avant de s'arrêter sur une chanson que je reconnus aux premières notes.

— Cardi B, I Like It. Pas mal Kate.

— Montre-nous ce que tu as dans le ventre, ma belle, s'impatienta-t-elle.

Ma fille, debout avec ses ailes toujours accrochées à son dos, me fixait comme si elle découvrait une nouvelle maman. Je commençai ma danse avec du Criss Cross en enchaînant entre Kick Ball et Typewriter puis j'alternai mes pas avec du dance hall et du hip-hop. Finalement, je me laissai complètement transporter par la musique et libérai mon corps pour offrir à mes spectateurs un moment de haute sensualité avec des mouvements d'isolation du bassin et des ondulations suaves. Le mélange avec des pas saccadés et complexes servait à mettre une certaine emphase dans cette chorégraphie entièrement improvisée.


Dark Faïz -T 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant