Je parcourus sans presque toucher terre les derniers mètres qui me séparaient de la grande salle de réunion où se réunissaient chaque matin journalistes et rédacteurs en chef pour échanger sur l'organisation des différentes tribunes du journal. Je savais que je n'étais pas attendue, car arrêtée suite à mon séjour à l'hôpital.
Lorsque j'ouvris les portes en grand, je fus aussitôt confrontée aux visages de stupéfaction de mes collègues. Durant un bref instant, je sentis la confusion régner dans la pièce.
— Nous ne pensions pas vous voir aujourd'hui, déclara Cait, surprise par mon apparition inopinée.
Elle s'élança vers moi pour me débarrasser de ma veste que je tenais repliée sur mon avant-bras. J'esquissai un petit sourire de remerciement et cherchai immédiatement Jul au milieu de la dizaine de personnes présentes à ce moment-là. Il ne fut pas difficile à trouver. Mon collègue était penché au-dessus de la grande table, visiblement occupé à lire des notes. Le seul qui ne paraissait pas étonné de me voir débarquer à cette réunion.
— Ça sera tout, messieurs, dames, déclara-t-il sans me prêter aucune attention. Raymond, merci de me faire parvenir la maquette du numéro de la semaine prochaine dans la journée.
Je me décalai de l'entrée de la pièce afin de laisser sortir tout ce monde. Jul jeta alors un coup d'œil par-dessus mon épaule. Après s'être assuré que personne ne rôdait dans les parages, il tira une des chaises devant lui et s'assit tout en exhalant un long soupir.
— Désolé, Zoé. J'espère que tu ne vas pas avoir trop d'ennuis avec le gouvernement et ton petit ami. Maintenant que je sais que tu travailles en partie pour eux, je comprends mieux toutes les branches que tu m'as mises dans les roues.
— Les bâtons, c'est des bâtons dans les roues ! le repris-je d'une voix peu commode.
Les bras croisés, je sentis ma colère monter en flèche.
— Je ne travaille pas pour le gouvernement. Je ne reçois aucune rémunération de sa part et je suis libre de l'aider ou non dans ses missions.
— Et Faïz ?
— Lui, c'est encore autre chose. Et pourquoi me demandes-tu cela ? Mon AMIE a déjà dû te briefer à ce sujet ! Non ?
En le voyant s'esclaffer, je fronçai les sourcils et grinçai des dents.
— Je tiens à elle, tu le sais. Je ne joue pas avec Lexy pour arriver à mes fins si c'est ce que tu crois.
— Permets-moi d'en douter ! pestiférai-je. Si jamais tu lui fais du mal, je t'assure que je t'arrache les yeux.
Jul leva les mains devant lui comme pour se protéger de mon attaque verbale. Son visage s'affaissa, comme en proie à un relâchement musculaire. Il me tendit alors une épaisse pochette cartonnée qu'il avait pris soin de poser à côté de lui avant même mon arrivée. Je m'avançai lentement, l'air suspicieux.
— Je n'ai pas révélé la totalité des informations qui résulte de mon enquête. L'identité de Faïz n'a pas été divulguée, ainsi que ses crimes.
Une sensation de crainte inexplicable m'envahit à ce moment-là. Je continuai de soutenir le regard de mon ami sans rien laisser paraître, même si ses derniers mots me saisirent d'effroi.
— Bien sûr, ces personnes étaient loin d'être des anges, continua-t-il. Mais ça reste des crimes. C'est la première chose qui m'a frappé dans les dossiers sur lesquels j'ai réussi à mettre la main. Le nom de Faïz Mattew revenait systématiquement. Donc, de nature curieuse, j'ai voulu savoir qui il était vraiment. J'ai creusé, encore, et petit à petit, je suis remonté à d'autres noms, comme le tien par exemple.
Je fermai les yeux. Tout à coup, j'avais beaucoup de mal à respirer. Je m'obligeai à rouvrir mes paupières pour découvrir les documents qui se trouvaient dans la pochette que je tenais dans mes mains. Je sortis des photos d'une façade de maison vétuste qui paraissait abandonnée avec un plan détaillé de la demeure. Il y avait aussi une multitude de noms couchés sur une feuille ainsi que de nombreux témoignages.
— Pourquoi tous ces clichés sur cette maison ? demandai-je, perplexe.
— Elle appartient à un certain Pavel. Ce nom te dit forcément quelque chose.
Je lui adressai un regard hostile en guise de réponse, mais entraîné par ce sujet qu'il trouvait si excitant, il poursuivit avec une certaine exaltation :
— Tu as toujours eu ce don de garder le silence, Zoé, tout en disant mille choses avec tes yeux. Aide-moi juste à comprendre la vérité.
— La vérité, c'est que le mal existe sous sa forme la plus abjecte sur Terre, répondis-je presque détachée. Ainsi que les démons et les imbéciles de ton genre.
— C'est réellement comme ça que tu me vois ? s'insurgea Jul, visiblement blessé par mes propos.
— Oui, tranchai-je, inflexible.
Je levai les documents au-dessus de ma tête et repris, furieuse :
— Ce que tu as fait est complètement inconscient. Tu ne te rends pas compte du danger dans lequel tu te mets. Cet homme, Pavel, est tout sauf humain. Tu risques ta vie pour quoi ? Faire la Une d'un journal ? Prouver que tu es le meilleur journaliste ? Tu es en train de mettre en péril une des missions les plus importantes au monde.
À cet instant, je sentis que de nombreuses questions se bousculaient dans la tête de mon collègue.
— Mon but est vraiment d'aider, s'emporta Jul. Oui, je mets le gouvernement en défaut dans l'article. J'avertis la population d'une réelle menace qui plane sur la ville. J'explique la véritable nature du Dôme ainsi que sa fonction. Il n'y a rien sur Pavel, ni sur les Léviathan et encore moins sur le rubis. J'ai préservé toutes vos identités. Tu es une journaliste de terrain toi aussi, tu devrais comprendre ce métier plus que n'importe qui. Je ne te reconnais pas ! Pavel peut venir me faire la peau, je ne renoncerai jamais à mon boulot à cause de lui.
Toujours debout, je me baissai légèrement en appuyant mes mains sur la table. Mes yeux vinrent se planter dans ceux de mon ami, assis en face de moi.
— Ce n'est pas de Pavel que tu devrais avoir peur, Jul, articulai-je soigneusement avant de tourner les talons et de m'en aller.
Il ne répondit pas, se contentant de me scruter jusqu'à ce que je franchisse les portes de la pièce.
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Dark Faïz -T 3
ParanormalLes cinq dernières années n'ont pas épargné Zoé. Noyée dans un profond vague à l'âme duquel elle éprouve des difficultés à sortir, le retour de Faïz dans sa vie n'arrange pas les choses. L'amertume et la rancœur vis-à-vis de cet homme qui l'a trahie...