Surpris par cette demande à laquelle il ne s'y attendait pas, Elijah cligna des yeux à plusieurs reprises. Il ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt afin de prendre le temps de réfléchir quelques instants à sa réponse. L'homme se passa la main sur son visage et resta immobile, à fixer celui qu'il considérait depuis tellement de temps comme un être abject.
— Oui, bien sûr, finit par lâcher Elijah.
Il détourna le regard et continua de rassembler ses affaires sous l'œil sévère de Faïz.
— Vous lui manquez, ajouta le jeune homme sur un ton calme. Elle me parle tous les jours de vous.
Le cœur d'Elijah se serra en entendant cet aveu. Il releva la tête et se racla la gorge, mal à l'aise.
— Pas autant qu'à moi. J'ai tenu cette petite dans mes bras dès le premier jour de sa naissance. Vous ne pouvez pas comprendre.
— M'a-t-on au moins laissé le choix ? Ces instants précieux, j'aurais aimé les connaître, moi aussi, croyez-moi !
Une expression compatissante traversa le visage de son interlocuteur qui paraissait touché par ses paroles.
— Il me suffit de la regarder pour oublier ce que je suis. Près d'elle, je ne ressens plus la moindre colère, confia-t-il, les yeux dans le vague.
L'homme marqua une pause. Son regard vint se poser de nouveau sur Faïz, comme s'il attendait une réaction hostile de sa part, mais celle-ci n'arriva pas. Il reprit :
— Je pensais que vous n'étiez qu'un petit con égoïste et sans cœur. Zoé et Georgia sont ma famille. Je voulais juste les protéger.
Un rictus apparut au coin des lèvres du jeune homme. Il se rendait compte qu'il avait devant lui un homme plus grincheux que dangereux et comprenait mieux pourquoi sa fille aimait le comparer à un ours mal léché.
Soudain, les paroles de cette dernière résonnèrent dans sa tête. Son sourire s'évanouit et ses prunelles s'assombrirent.
— Qui êtes-vous vraiment ? demanda Faïz d'une voix plus dure.
Elijah déploya ses bras et haussa les épaules.
— Un simple vagabond.
Le jeune homme commença à arpenter lentement le sol mal goudronné en touchant son menton du bout des doigts. Il fixait Elijah avec une telle intensité que celui-ci préféra baisser les yeux. Un soupir s'échappa de lui et une lueur inquiétante traversa son regard ambre et noisette. Il comprit à cet instant que le Léviathan avait les cartes en mains. Attristé, Elijah se rendit à l'évidence : plus jamais il ne serait ce vagabond. Cette vie, qu'il avait choisie loin des Dieux, des êtres célestes et des Hommes, allait lui manquer.
— Je m'appelle Elijah Meleklerin Sahzadesi et j'appartiens au grand peuple des Queyum. Je suis un Anhel, mais les Hommes m'ont donné comme nom : ange gardien. Pour être franc, je trouve cette appellation ridicule.
— Personne ne peut voir les anges sous leur forme éthérée, déclara Faïz étonné. Pourquoi vous... enfin... comment vous... ?
— Un Anhel peut, s'il le souhaite, se montrer aux yeux de l'Homme, mais aucun d'entre nous ne l'avait encore fait. Nous savons tous que tout ce que l'Homme touche, il le détruit. Pour ma part, j'ai renié mon allégeance envers mon peuple ainsi que mes ailes, révolté par le comportement de la race humaine sur Terre.
— Vous êtes donc comme nous ? Enfin, je veux dire : un simple mortel.
— Pas tout à fait. Je peux toujours récupérer mes ailes et décider de reprendre ma mission initiale, qui est celle de protéger ce monde ainsi que les êtres qui me sont confiés. Pour ça, il faudrait déjà que je sache où elles sont passées. Je ne vais pas vous mentir, au fond, je suis heureux de les avoir perdues.
J'aimerais, des fois, ne pas être obligée de porter ces ailes. Je les garde jusqu'au jour où il en aura de nouveau besoin. Il les déteste et ignore que c'est moi qui les ai.
Faïz se rappela des paroles de sa fille.
— Condor, est-ce un ami ?
— Non ! s'exclama Elijah, furibond, en balayant cette question d'un geste de la main. C'est un Anhel qu'ils m'ont collé aux basques pour me surveiller. Un sale chaperon qui parle beaucoup trop à mon goût. Je suis le seul à pouvoir le voir.
— Et Georgia ?
— Elle l'entend. Ils s'entendent très bien tous les deux, à mon grand désespoir.
— Mais vous avez gardé quand même un de vos dons. Le bébé, j'ai vu ce que vous avez fait.
L'homme secoua la tête vigoureusement pour contredire ses paroles.
— La technique du Reiki n'est pas un pouvoir divin. De nombreux mortels l'utilisent. C'est un soin qui mélange magnétisme, sensibilité et énergie. Il soulage les douleurs physiques, mais aussi celles de l'esprit. C'est un maître Reiki qui m'a formé lorsque j'étais encore au Japon. Après ça, je me suis installé à Los Angeles et, à ma grande surprise, j'y suis resté. J'aide la population à ma façon.
À la fois intrigué et surpris par toutes ces révélations, Faïz essaya tant bien que mal de regrouper toutes les informations. Elijah attrapa ses sacs et les jeta en arrière, sur son dos. Avant de s'en aller de ce squat, il regarda une dernière fois le ciel et ajouta d'une voix inquiète :
— Le vent ne va pas tarder à se lever. Les spectres arrivent sur la ville et le Dôme ne pourra rien faire contre cette invasion. Pour Georgia, vous pouvez compter sur moi, ce soir. Après l'école, je la ramènerai chez Zoé.
Elijah dépassa Faïz qui lui faisait toujours face sans lui adresser un seul regard, mais le jeune homme l'interpella avant qu'il ne soit trop loin.
— Et les Anhel ? Comment s'y prennent-ils pour protéger les humains ? Que faites-vous de si utile ?
— Nous mangeons les spectres ! cria Elijah au loin, en continuant de marcher. Nous nous nourrissons de ces simulacres et adorons ça.
Faïz fronça les sourcils, dubitatif, en se demandant s'il avait bien compris les propos de cet homme.
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Dark Faïz -T 3
ParanormalLes cinq dernières années n'ont pas épargné Zoé. Noyée dans un profond vague à l'âme duquel elle éprouve des difficultés à sortir, le retour de Faïz dans sa vie n'arrange pas les choses. L'amertume et la rancœur vis-à-vis de cet homme qui l'a trahie...