Je baissai la tête, honteuse, en signe de réponse. Il enveloppa ma main dans la sienne et vint y déposer un délicat baiser avant de s'asseoir sur le rebord de la fenêtre qui donnait sur cette étendue champêtre.
— Donc je suppose que vous vous retrouvez souvent ? demandai-je, curieuse.
— Oui, presque chaque nuit. Ses décors à elle, sortis tout droit de son imagination, sont plus... enfantins. Le dernier en date : nous étions dans un immense château de pain d'épice avec des fontaines de chocolat.
J'éclatai d'un rire sincère, les yeux toujours fixés sur William. Ce dernier sourit avant de reprendre son sérieux :
— Elle mérite d'être heureuse, Zoé. Tu dois faire un effort pour jouer, rire et regarder avec elle ces photos avant qu'elles ne jaunissent dans les cartons de la maison.
Une boule se forma dans ma gorge. Je reculai d'un pas et balayai la pièce enchanteresse des yeux. Des milliers de plumes jonchaient le sol, le rendant encore plus éclatant. C'est alors que j'imaginais Georgia avec ses ailes d'anges se rouler dedans. J'étais certaine que ça lui aurait plu. Elle aurait ri, chose rare quand elle était avec moi.
— Zoé ?
La voix de William me ramena brusquement à une autre réalité.
— Elle mérite mieux qu'une maman cabossée comme moi.
— Tu as dansé aujourd'hui. Elle a beaucoup aimé.
— C'est elle qui te l'a... ?
Ma voix se fêla.
— Tu ressemblais à une Déesse. Ce sont ses mots à elle. Ta fille est si fière de toi. Tu vois, un petit rien peut tout changer dans sa journée. Un enfant pardonne plus vite qu'un adulte. N'attends pas qu'il soit trop tard.
— Je prendrai soin d'elle, je te le promets, chuchotai-je en plantant mon regard dans le sien.
Un petit sourire en coin apparut sur son visage. Mon cœur cessa pratiquement de battre. Je m'approchai de lui pour venir m'asseoir sur ses genoux.
— Le bourdon, après mon accident de voiture, c'était toi, n'est-ce pas ?
Blottie contre son corps, j'enfouis mon menton dans ses cheveux.
— Les Sylphes communiquent avec la nature. Tu le sais bien. J'ai toujours veillé sur toi.
Soudain, une colère remonta à la surface et je m'écartai brusquement de lui.
— C'est bien, on y arrive, déclara-t-il comme s'il devinait mes pensées. Ça doit sortir, Zoé. Laisse-toi aller.
Mon cuir chevelu me picotait. Je me mis à arpenter la pièce, les sourcils froncés, mourant d'envie d'avoir des réponses à mes questions, mais une partie de moi n'était pas certaine de vouloir les connaître. William devança la conversation :
— Je pensais pouvoir le vaincre seul. J'avais enquêté de longs mois sur Pavel. Je connaissais ses plans...
— NON ! Tu ne les connaissais pas, sinon tu ne serais pas mort, m'insurgeai-je, les yeux pleins de larmes. Comment as-tu pu te lancer là-dedans sans filet de sécurité ? Sans penser aux conséquences ? Tu nous as abandonnées.
William, toujours assis, me darda d'un regard intense, chauffé à blanc. Il pinça ses lèvres et secoua la tête avant d'ajouter :
— Je voulais essayer d'enrayer l'inévitable afin que plus personne ne paye de sa vie. Faïz ne serait alors plus obligé de...
Il s'arrêta net de parler comme s'il en avait trop dit. Mes yeux se plissèrent à l'écoute de ses derniers mots.
— Va jusqu'au bout William ! Je dois comprendre.
Une lueur douloureuse traversa brièvement l'expression de son visage.
— Bien que nous soyons réunis, ici, nos deux mondes restent cependant bien distincts. Dans le mien, je ne peux libérer ma parole comme je le voudrais. Tu dois trouver les réponses auprès des gens qui t'entourent dans la vie.
Je levai ma tête en direction du plafond pour retrouver mon calme et ma concentration.
— Comment comptes-tu t'y prendre pour révéler à Georgia la véritable nature des liens qui l'unissent à Faïz ?
— Elle est encore trop jeune pour comprendre, répondis-je en croisant les bras, le regard hostile.
William se leva brusquement du bord de la fenêtre et s'avança vers moi d'un pas hésitant. Les sourcils froncés, il paraissait en parfait désaccord avec mes propos.
— Tu plaisantes, Zoé ? déclara-t-il d'une voix douce, mais ferme. Elle se pose un millier de questions. Son père biologique est maintenant au courant de son existence, tu ne peux plus l'ignorer. Je sais que tu trouveras les bons mots pour lui expliquer.
Désormais, il n'était plus qu'à quelques centimètres de moi. Sa main me frôla la joue. L'anxiété défigurait son visage tandis que ses yeux viraient au gris glacé.
— Je dois te laisser partir aussi, murmura-t-il, sincère. Ta vie est auprès de lui. Ça a toujours été lui.
Ma main se referma sur la sienne, l'empêchant ainsi de se dérober de la surface de ma peau.
— En effet, peut-être qu'une partie de moi l'a toujours désiré, mais l'autre t'a choisi, et cela, depuis le premier jour où je t'ai rencontré.
Son bras se referma autour de ma taille pour m'attirer contre lui.
— Alors je pars en paix, affirma-t-il, soulagé. Tu n'as jamais appartenu à personne. La possession, c'est le contraire de l'amour. Laisse mon âme s'élever et je te promets que demain, le chagrin aura disparu de ton cœur.
La tête posée contre lui, j'essayai de lutter contre mes paupières lourdes. Je ne voulais pas repartir dans mon monde, non, pas tout de suite.
— Encore quelques minutes, suppliai-je la voix pleine d'émotions. Attends...
Mon esprit me désobéissait, préférant se laisser aller vers un réveil tout proche. Je sombrai, malgré moi, dans la nuit la plus totale.
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Dark Faïz -T 3
ParanormalLes cinq dernières années n'ont pas épargné Zoé. Noyée dans un profond vague à l'âme duquel elle éprouve des difficultés à sortir, le retour de Faïz dans sa vie n'arrange pas les choses. L'amertume et la rancœur vis-à-vis de cet homme qui l'a trahie...