Chapitre 58

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SWANN

Dire qu'il s'était enfui de la soirée serait un euphémisme. Il avait pratiquement couru sans prendre la peine de récupérer ses clés de voiture, pressé de s'aérer l'esprit. Il avait occupé les quarante minutes de marche à se maudire et à s'inquiéter. A défaut de se ronger les ongles, c'était son esprit qu'il mettait en pièces. Il avait succombé, impuissant. Il s'était écouté pour une fois. Et il le regrettait amèrement. Il guettait le moment où Alban chercherait à lui en parler. Le moment où il le dirait aux autres. Le moment où son monde s'effondrerait.

Alors, toujours aussi lâche, il s'était évertué à éviter tout le monde. Lola, sa sœur, Anton, Télior, Marcus, Alban, Ylan... il allait en cours en avance pour réserver les places, plaquait sa capuche sur ses cheveux pour passer inaperçue et attendait au premier rang. Il était ensuite le premier à sortir et disparaissait le reste du temps pour n'être confronté à personne. Il s'en voulait même d'avoir frappé son camarade, même si une part de lui disait qu'il l'avait mérité. Au moins un peu.

À la maison, il ne sortait de sa chambre que pour manger et se laver. Il ne décrochait un mot à personne et faisait râler sa jumelle qui le fixait toujours avec une étincelle d'agacement dans le regard. Il était tout simplement en train de couler.

Allongé sur son lit, il contemplait son portable en silence. Sa meilleure amie avait essayé de le contacter bien sûr, puis Marius en début de semaine par habitude. Il n'avait répondu à aucun des deux. Le plus étonnant, c'était qu'il n'avait reçu aucun sms d'Alban. Peut-être regrettait-il leur baiser ? Et même si c'était le cas, pourquoi s'en soucier ? Ce n'était pas comme s'il tenterait une seconde fois l'expérience. Même s'il en mourrait d'envie.

Des coups frappés à la porte le tirèrent de sa léthargie. Il se leva et se frotta les yeux, conscient d'y avoir des cernes. Tendant l'oreille, il écouta Summer annoncer :

— On y va.

Il soupira et quitta son lit avant d'enfiler une veste par-dessus sa chemise. Il ouvrit la porte et confronta le regard paisible de sa sœur dans lequel une flamme de détermination dansait. Il l'ignora et descendit les escaliers pour enfiler ses baskets.

— Vous êtes tous beaux, s'enthousiasma leur mère.

Viviane déposa un baiser sur le front de Summer qui avait opté pour un chemiser blanc à manches bouffantes rentré dans une jupe crayon rose pâle qui mettait en valeur ses jambes fines. Elle sourit, ravie du compliment, puis enfila ses talons. Leur mère se tourna ensuite vers Swann à qui elle caressa la joue, inquiète. Il paraissait fatigué. Le noiraud tenta un sourire et ouvrit la porte pour les inciter à sortir.

Ils ne mirent pas plus de cinq secondes à franchir la distance qui séparait leur maison de celle d'Anton. Ce fut Aliénor qui leur ouvrit la porte. Grande, le sourire accueillant et les yeux de la même couleur que son fils, elle leur déposa à tous un baiser sur le front. Rapidement rejoint par son mari, Fabien, un homme châtain à la carrure plutôt élancée, ils se firent un plaisir d'échanger des banalités.

Leurs deux familles se voyaient régulièrement autour d'un verre ou d'un barbecue, plutôt proche parce qu'ils étaient voisins et que leurs enfants se fréquentaient. Habitué à fêter son anniversaire en petit comité, Anton s'était contenté d'inviter la famille Moreau comme tous les ans.

— C'est mon meilleur ami le plus beau, s'exclama Summer en plaquant un baiser sur sa joue, tout sourire.

Le châtain sourit à son tour et la serra contre elle. Sur son trente-et-un également, il abordait une chemise bleue marine sur un pantalon plus sombre. Rapidement, ils s'installèrent autour d'une table et commencèrent le repas avec enthousiasme. Tout le monde avait quelque chose à dire.

My Heavy SecretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant