Chapitre 66

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VIVIANE

Son fils se tenait devant elle, assis en bout de table, la tête baissée en guise de soumission. Il triturait ses doigts au-dessus de la table et se mordait la lèvre inférieure, conscient de subir son courroux. Même si elle était furieuse qu'il soit parti comme ça, injoignable, elle ne pouvait que se sentir soulagée de le voir sain et sauf à la maison. Swann n'avait jamais été du genre à faire des bêtises. Comme tout enfants, il en avait fait, mais rien de cette envergure. Prendre la voiture pour aller elle-ne-savait-où tout en coupant son téléphone avait été une décision irréfléchie de sa part. Que se serait-il passé s'il avait eu un accident sur la route ? Comment aurait-elle pu savoir qu'il allait bien ?

Elle était prête à lui remonter les bretelles, mais peinait à garder sa mauvaise humeur quand elle le voyait aussi coupable. Il ressemblait à un petit garçon fragile ce qui l'empêchait de faire exploser sa colère. Poussant un soupir qui venait du cœur, elle tira une chaise à côté de lui et s'y laissa choir.

— Bon, annonça-t-elle. Tu as conscience d'être privé de sortir pendant un mois ?

Swann hocha la tête en gardant les yeux rivés sur la table, penaud. Elle aurait aimé lui crier dessus, lui répéter ô combien elle avait été inquiète de le voir disparaître, mais son attitude l'empêchait d'être aussi virulente. Son enfant avait peut-être pris la mauvaise décision, il n'empêchait que ce n'était pas dans ses habitudes. Quelque chose l'y avait poussé et elle comptait bien découvrir ce que c'était.

— Je peux savoir où tu étais ?

Le noiraud lui lança un regard craintif et répondit :

— Tu te souviens des vacances de deux mois que j'ai passé sur la côte ?

— Là où tu as travaillé en tant que serveur dans un hôtel ?

— Oui. J'y suis retourné.

Elle fronça les sourcils et détailla le visage de son fils à la recherche d'une réponse. Pourquoi était-il parti aussi loin ? Son instinct maternel lui disait que ce n'était pas qu'un coup de tête pris à la hâte. Elle soupira et se passa une main sur le visage avant de prendre un air sévère.

— Tu as conscience de nous avoir tous inquiétés ?

— Oui... je suis désolé...

— Ne recommence plus jamais ça, c'est clair ?

Il hocha la tête en se mordant la lippe, pris de remords.

— Pourquoi es-tu parti comme ça ? C'est... à cause de ton père ?

L'expression surprise qui passa sur le visage de sa progéniture lui apprit qu'elle faisait fausse route. Pourtant, cela ne l'aurait pas étonné que Swann ait besoin de voyager pour se vider la tête. Il était son enfant le plus calme. Elle ne l'avait que très rarement vu se plaindre. À contrario de Jude qui criait à tort et à travers que Jérôme avait été un mauvais père, ou de Summer qui râlait toute une journée avant de passer à autre chose, Swann intériorisait. Peut-être un peu trop. Il n'avait rien dit pour le départ de leur géniteur. Il ne partageait jamais ce qu'il avait sur le cœur. À cet instant précis, elle se demanda si elle n'avait pas échoué dans son rôle de mère. Pourquoi son garçon adoré ne se confiait-il pas ? Elle était pourtant sûre de lui offrir tout l'amour qu'elle possédait.

— Non. Ça n'a rien à voir, répondit-il en secouant la tête.

— Alors pourquoi ? Tu as quand même fait des kilomètres pour partir d'ici. Est-ce que... vous avez rompu avec Lola ?

Il grimaça et ouvrit plusieurs fois la bouche, le regard ailleurs. Était-ce cela ? Comment avait-elle pu louper une telle chose ? Elle les avait toujours vus très proche. Ça ne l'étonnait que très peu que leur rupture ait pu bouleverser son fils. Il était très attaché à Lola.

— Euh... oui... oui on n'est plus ensemble, avoua-t-il en se mordillant la lippe, fuyant son regard. Mais ça n'a rien à voir.

— Tu en es sûr mon cœur ? demanda-t-elle en posant sa main sur celle du noiraud.

— Oui, tout va bien avec Lola.

— Tu peux essayer de t'en convaincre, mais ça peut aussi être douloureux, dit-elle d'une voix douce.

— Non maman, je te jure que tout va bien !

Cette fois-ci, il planta son regard dans celui de sa mère dans l'optique de lui montrer que ça ne l'affectait pas.

— On n'était plus amoureux, c'est tout. Tout va bien avec Lola. Tu peux même demander à Summer.

Elle esquissa un petit sourire et caressa la joue de son fils avant de sonder son regard. Si ce n'était pas ça, pourquoi avait-il prit le volant ?

— Je voudrais que tu m'expliques Swann, afin que je comprenne ton geste.

Il se mordit la lippe et détourna le regard une fois de plus. Viviane connaissait assez son enfant pour savoir qu'il ne dirait rien. Elle était persuadée qu'il cherchait une réponse satisfaisante à lui donner afin qu'elle lâche l'affaire. Comprenant qu'elle n'en tirerait rien pour le moment, elle soupira. Les jeunes devaient faire leur propre expérience de la vie, mais elle aurait aimé ne pas être tenue à l'écart de celles de ses enfants.

— Tu vas réfléchir à tout ça comme un grand, mais je veux que tu te sentes à l'aise de me dire ce qu'il s'est passé. Quoi que tu aies fais ou non, je serais toujours là pour t'écouter. Maintenant, file dans ta chambre ! Tu es puni pendant un mois. Tu rentreras directement des cours.

— Ok..., souffla-t-il en se levant.

— Ah ! Et avant que tu ne files, dit-elle en lui souriant doucement. Il me semble que vous n'êtes pas allés camper cette année. Anton était vraiment déçu.

Swann lui lança un regard incertain, muet. Elle se leva pour se préparer une infusion et déclara :

— Puisque tu es privé de sortie, vous ferait ça dans le jardin. Tu dois bien ça à Anton.

— Oui... merci maman.

Il se retourna et monta lentement les escaliers sans rien ajouter de plus. Elle soupira bruyamment tout en versant l'eau bouillante dans sa tasse. Élever Jude n'avait pas été très compliqué : débrouillard, il s'était toujours assuré de ramener des bonnes notes à la maison même s'il lui arrivait parfois de sécher. Lorsque Jérôme était parti, son premier s'était donné comme devoir d'aider sa chère maman avec les deux derniers. Parfois, elle se demandait si elle aurait pu retirer cette responsabilité du dos de l'enfant qu'il avait été. Mais elle se souvenait aussi que Jude était têtu. Parfois plus que Summer. La petite était d'ailleurs la pire des trois. Enfant énergique, casse-cou, rebelle et bruyante, elle lui avait donné du fil à retordre. Dans tout cela, Swann avait été le plus sage. Calme, il se faisait discret la plupart du temps. Elle se souvenait de ces fois où, occupée à réprimander l'un, son garçon venait pour lui donner un bonbon avec ce petit air qu'elle affectionnait tant. Il apaisait les tensions puis repartait l'air de rien. Swann avait toujours été le plus calme des trois, mais parfois, elle aurait aimé qu'il se laisse un peu aller. Qu'il crie comme sa sœur, qu'il fasse des caprices, qu'il tienne des discours enflammés comme Jude, qu'il soit un peu moins sage... juste pour être certaine qu'il ne se sente pas compressé par la vie. Mais le noiraud était comme ça. Protecteur, secret, calme, aimant...

Cependant, Summer avait raison : son petit avait changé. Il n'avait jamais été aussi bruyant que sa jumelle, mais elle se souvenait de ses éclats de rire fréquent, des farces qu'il faisait avec Anton pour faire enrager la jeune fille, de ses trépignements quand Jude arrivait, prêt à le suivre n'importe où, de ses sourires gorgés d'amour qu'il leur donnait régulièrement. Peut-être s'était-elle trop concentrée sur elle pour ne pas remarquer que l'étincelle chez Swann s'était éteinte. Il n'en restait qu'une petite braise, qui se battait pour survivre malgré le vent qui soufflait dessus. Quelque chose avait bouleversé la vie de son fils et elle ne s'en était même pas aperçue. Quel genre de mère était-elle ?

À cet instant, elle se promit de remédier à la situation. Il était temps de sortir Swann de la coquille dans laquelle il s'était réfugié.











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Ah les parents... Toujours en train de se demander s'ils n'ont pas fait une erreur... 😔

Voilà pour aujourd'hui !!

My Heavy SecretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant