Chapitre 87

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ALBAN

La façade beige de cette petite maison de quartier était parcourue de traînées noires faites par la pluie et le temps. Les volets rouges s'écaillaient par endroits et mériteraient un bon coup de pinceau. Les rideaux tirés empêchaient de voir à l'intérieur de cette demeure close. La porte, carmin, était pourvue d'un heurtoir noir juste en dessous du judas. La pelouse était parfaitement entretenue, sans une once de fleur. Alban se tenait devant cette maison depuis une heure, incapable d'avancer. Il se sentait stupide à fixer la porte comme s'il attendait un signe d'en haut, lui confirmant que tout se passerait bien. La main agrippée aux feuilles légèrement froissées, il hésitait encore à rebrousser chemin. Il ne perdrait rien à rentrer chez Ylan, ranger les documents de l'adoption dans un tiroir et ne plus y repenser. Sauf qu'il savait que ça ne marcherait pas comme ça. Tant qu'il n'aurait pas mis au clair certaines choses, il resterait bloqué dans le temps, incapable d'avancer. Et il détestait ça.

Il prit une nouvelle inspiration pour se donner du courage, mais n'avança pas d'un pouce. C'était trop dur. Pourquoi devait-il réclamer des réponses ? Pourquoi devait-il se compliquer la vie ? Il râla dans son coin, observant la Fiat 500 X blanche et noir qui était garée devant la demeure, preuve qu'au moins un de ses concepteurs se trouvait sur les lieux. Il savait qu'il devait quitter sa paralysie pour les affronter. Le soleil commençait déjà à descendre dans le ciel, il n'avait aucunement l'intention de passer sa nuit devant son ancien chez lui tel un psychopathe qui attendrait sa proie.

Faire un pas en avant semblait insurmontable. Parce qu'au fond, il savait déjà ce qu'y l'attendait : deux parents prêts à sacrifier leur progéniture pour obtenir la vie rêvée. Sans lui. Il craignait de pleurer devant eux. Il ne voulait pas leur donner la satisfaction d'avoir ruiné sa vie jusqu'à la fin. Il se devait d'être fort. Pour lui-même. Mais c'était tellement dur... Il savait qu'il craquerait. À un moment ou à un autre, il céderait.

La sonnerie de son téléphone l'arracha de sa contemplation presque maladive. Il consulta le message et se décida à bouger. Il était temps d'obtenir une véritable conversation avec ses parents.

« De Ylan :
T'es où ? »

Il s'avança jusqu'à la porte, écouta son cœur tambouriner dans sa poitrine, puis cogna deux petites fois avant de se mordre la lèvre inférieure, nerveux. Ils ne les avaient pas revus depuis le vingt-six décembre. Contrairement à ce qu'il avait dit à Swann, il passait noël avec les Langlois. Tous les ans. Et ne venait rendre visite à sa famille que le lendemain. Famille qui était tout aussi aimante que ses propres parents.

La porte s'ouvrit sur une grande blonde aux yeux verts et au teint parfait qui resta immobile plusieurs secondes, emmagasinant difficilement ce qui se trouvait sous ses yeux. De ce qu'il avait pu constater, Alban était un parfait mélange des deux. Il avait obtenu la chevelure de sa génitrice, les yeux de son père, le nez de sa mère, la bouche et la taille du paternel. Sa mère était une girafe comparée à son mari. Alban était fier de ses un mètre soixante-dix-neuf qu'il arrondissait toujours au-dessus pour frimer. D'ailleurs, il était un peu plus grand que Swann bien que ce dernier le rattrapait amplement.

— Alban..., chuchota Sophie. Entre.

Elle se décala et il pénétra dans la pièce principale, un salon aux couleurs plutôt sombres. Les murs marron étaient décorés de petites guirlandes lumineuses. Un feu synthétique brûlait sous une télé à écran plat, un canapé à angle chocolat disposé juste en face. Une table de salon boisée trônait au milieu, délimitant l'espace entre l'écran et le sofa. Rien n'avait vraiment changé. C'était chaleureux malgré l'absence d'affection qu'il y avait reçu.

My Heavy SecretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant