Chapitre 10 - Culpabilité

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Licht avait été attachée le temps restant à Pieck qui évitait son regard. La jeune femme aux cheveux noirs n'osait même plus lui adresser la parole et s'en voulait de la brutalité à laquelle l'homme aux lunettes avait eu recours pour empêcher les deux tourtereaux de s'enfuir. Il avait clairement fait du chantage pour protéger au passage sa propre personne.
Même si Reiner comptait juste déposer Licht et revenir discrètement auprès de ses camarades, c'était quand même de la traîtrise.

Le possesseur du Titan Cuirassé s'était affaissé comme une loque et avait dormi tout le temps restant. D'après Sieg, il s'agissait d'une régénération nécessaire ; Reiner était à bout.

Les deux femmes passaient donc tout leur temps ensemble et ce temps était bien trop long. Comme elles étaient attachées ensemble, elles dormaient dans la même tente, mangeaient ensemble, ou partaient au petit coin ensemble. C'était un petit train de vie nécessaire pendant moins de quarante-huit heures.

Licht n'avait envie de rien faire si ce n'est que d'observer ces étendus d'eau à perte de vue qu'elle avait enfin remarqué à la lumière du jour. Elle était assise en laissant pendre ses jambes blessées dans le vide et observait sans dire un mot le soleil se reflétant sur la mer. Pieck était la plupart du temps allongée sur le ventre, les mains sous le menton et somnolait. Souvent, elle jetait un coup d'œil sur la jeune femme aux cheveux bruns et remarquait ses yeux briller grâce aux reflets du soleil.

- Promets-moi que tu ajouteras au moins un petit mot s'ils le condamnent à mort, interpose-toi. Protège-le à ma place. Je t'en supplie.

Pieck fermait les yeux pour feinter dormir. Sauf qu'elle était bien une piètre actrice de théâtre car des plis s'étaient formés aux coins de ses yeux.

- Je sais que tu ne dors pas. Mais je ne peux pas compter sur l'autre velu. Je n'ai tellement pas confiance en lui.

Elle regardait au loin en jouant avec sa main blessée.

- Je pense qu'ils se débarrasseront de moi avant même d'avoir mis un pied à terre sur votre « continent ». Je ne sers pas à grand chose. Mais je veux que Reiner vive. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir.

Elle lançait un regard vers la tente où dormait profondément Reiner.

- Il a tellement eu l'air de souffrir.

Pieck se redressait enfin.

- Il a toujours eu cette expression au visage. La fatigue, la crainte et la tristesse gagnaient toujours les traits de son visage à Mahr. C'est sûrement parce qu'il est peu souriant.

Licht secouait la tête.

- Non, il n'était pas comme ça avec nous. Il riait aux éclats, semblait tellement heureux et n'ayant aucun poids pesant sur ses épaules. Il était tellement heureux.

Elle ancrait ses yeux dans ceux de Pieck.

- Je pense qu'il avait oublié votre monde et profitait d'un peu de bonheur. Maintenant, il semble n'être que l'ombre de lui-même à angoisser pour tout. Il n'est plus naturel. Il joue un rôle très loin de sa personnalité. Loin du Reiner que j'ai toujours connu.

Pieck tirait soudainement un peu sur la corde les reliant pour que Licht se taise. Derrière elles, Sieg arrivait pour prendre place à côté de la jeune femme aux cheveux bruns.

- La nuit ne va pas tarder à tomber. Ils seront là dans quelques heures. Tu vas pouvoir tester les trajets en bateau sur la mer.

Elle hochait la tête de haut en bas alors qu'il lui tendait une tasse fumante.

- Tu veux un peu de café ?

Elle refusait poliment en justifiant par le goût qu'elle trouvait bien trop amer. Sieg souriait en apportant la tasse fumante à ses propres lèvres.

- Et une cigarette ? Tu en veux une ?

Elle refusait toujours.

- L'odeur est immonde et je suis sûre qu'elle colle à la peau pendant très longtemps.

Pieck ne pouvait empêcher un rictus en coin et finissait par se lever de sa place, elle avait senti le malaise et voulait l'esquiver au plus vite.

- Licht, j'ai envie d'aller au petit coin. Tu viens ?

La jeune femme se levait et s'apprêtait à s'appuyer sur l'épaule de Pieck comme elle le faisait depuis qu'elles étaient liées ; sa jambe droite était trop douloureuse par rapport à l'autre.

Sieg faisait un geste de la main :

- Détache-là de toi. Licht reste avec moi, on va profiter du calme pour un peu parler.

Piégée, Licht se rasseyait une fois déliée de Pieck.

Quand la jeune femme aux cheveux noirs était descendue du mur, Sieg avait retiré les lunettes de son visage en croisant le regard de Licht.

- Comment est mon frère ? Comment est Eren ?

- Eren Jäger ?

C'est vrai, elle ne savait pas encore pour le lien les unissant.

- Oui, Eren Jäger, mon petit frère.

Licht bloquait sa respiration en ouvrant grand les yeux.

- Frère ? Comme dans une fratrie ? Ou amicalement ?

- Comme frère du même père.

Elle faisait un O avec sa bouche avant d'analyser le visage de Sieg. Il est vrai que si l'on regardait mieux, il y avait un air de famille bien minime sans ces grosses lunettes que le blond reposait sur son nez.

- Reiner et Bertolt m'en ont déjà beaucoup parlé, mais j'aimerais avoir ton point de vue et ton opinion.

Après quelques minutes de discussion qui semblait être une éternité, Pieck revenait en tirant Licht à sa suite pour l'éloigner du blond. Elle rattachait leurs poignets.

- Il faut profiter que la nuit ne soit pas encore totalement tombée pour un peu dormir. Nous avons une longue traversée épuisante qui nous attend. Et si tu ne veux rien louper de cette longue première traversée Licht, il nous faut nous reposer.

Elle regardait le blond en souriant.

- Tu devrais en faire de même Sieg. Le soleil n'est pas encore couché, et je pense que comme d'habitude, ils arriveront vers minuit.

Attendre, toujours attendre. L'attente était angoissante, mais l'arrivée allait l'être davantage.

Pieck aidait Licht à la rejoindre dans sa tente et tirait sur elles la couverture. La jeune femme aux cheveux sombres chuchotait pour ne pas être entendue par des oreilles indiscrètes.

- Quand nous serons sur le bateau, essaye d'être docile même si tu ne supportes pas certaines remarques, questions ou paroles. Dis-toi que les personnes qui vont venir nous chercher sont d'une autre race qu'ils jugent plus supérieure à la nôtre. Et avec notre Histoire, je comprends amplement. Ne leur fait aucune résistance et souris s'il le faut. N'oublies pas que ta vie repose entre leurs mains.

Les yeux brillants dans l'obscurité de la tente, Licht acquiesçait alors que Pieck tentait de fermer les yeux sans culpabiliser ; elle avait l'impression d'être le bourreau l'emmenant à l'échafaud.

Le Soleil à travers la Brume (Reiner Braun x OC) Partie 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant