Chapitre 46 - Nous

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Reiner avait passé sa journée seul à broyer du noir. Malgré un réveil en douceur, il n'avait cessé de repenser à ces quatre années de guerre. Quand il fermait les yeux, sous ses paupières défilaient les images des corps déchiquetés, brûlés, malades. Toute cette horreur il l'avait provoquée lui-même avec le pouvoir de son Titan. Combien de vies avait-il volé pour la Nation ? Beaucoup trop. Il savait que toutes ces âmes l'attendaient de l'autre côté souhaitant tous le châtier pour ses crimes à tour de rôle.

Assis sur une chaise en bois, il observait ses larges mains, il avait l'impression qu'elles étaient pleines de sang.

Bizarrement, c'est à ce moment-là qu'il songeait à Eren et les paroles de ce dernier quand ils s'entraînaient avec leur équipement tridimensionnel. Le brun était essoufflé à genoux au sol sans relever la tête et ne cessait de murmurer à Reiner qui l'avait rejoint soucieux de son état « Comment devenir comme toi ? ». Eren voulait être comme Reiner et le voyait comme un exemple, un grand frère. Mais aujourd'hui, le blond avait l'impression d'être un pur déchet, une pourriture qui ne méritait pas de vivre et qui n'était présent sur cette terre que pour faire le mal. Il était une machine de guerre à la botte de la Nation.

Eren avait pleuré toujours à genoux au sol alors que le blond l'avait toisé de haut en se reconnaissant en son jeune camarade. Lui aussi n'était pas le meilleur et loin d'être bien classé quand il s'entraînait pour devenir un aspirant guerrier. Beaucoup de similitudes reliaient le blond au brun.

Attrapant son arme de service, Reiner y insérait une cartouche par automatisme. Combien de fois avait-il démonté, entretenu et remonté cette arme ? Il pouvait le faire les yeux bandés sans se tromper ou hésiter.

La charge qui l'incombait depuis tant d'années commençait à peser lourd sur ses épaules. Les choix qu'il avait fait jusqu'à présent n'étaient jamais les bons et il se sentait égoïste de chacun des misérables pas qu'il avait fait.

Pour une fois, il avait l'impression de penser aux autres, car se supprimer voulait dire empêcher la succession du pouvoir du Cuirassé et peut-être sauver la vie de Gaby ou des trois autres enfants. Même si le Cuirassé allait réapparaître tôt ou tard en un nourrisson d'origine eldienne, l'île de Paradis était protégé un certain temps avec l'absence d'un titan de Mahr. Reiner ne voulait pas contribuer à détruire cette île où il avait vécu quelques années de pur bonheur.

Posant l'arme au sol et entre ses jambes, Reiner pointait le canon vers sa face et ouvrait grand la bouche. Il allait appuyer puisqu'il était si déterminé. Ses yeux s'humidifiaient alors qu'un sourire naissait sur ses lèvres.

Il faut dire que ces cinq années sur l'île où il se sentait enfin à sa place et ces quatre années de guerre en ayant chaque soir dans ses bras sa belle épouse faisait quand même de lui un homme comblé. Il avait vécu heureux sur les vingt-et-une années de sa vie.

En pensant à Licht, sa gorge se nouait alors que de la bave commençait à couler hors de sa bouche. Il savait qu'elle allait pleurer toutes les larmes de son corps et par après, le maudire. Mais malgré le choix du blond, il supposait qu'elle allait avoir une belle vie de veuve et savait d'avance que les hommes allaient lui tourner autour. Une si belle femme ne pouvait rester seule sans être courtisée. À cette réflexion, il serrait le poing sentant déjà les vautours guetter leur proie.
Enfin, il se forçait à croire malgré le déshonneur qu'avait fait son époux en se suicidant qu'elle ne serait pas châtiée à son tour. Après tout, elle n'y était pour rien.

Licht était le rayon de soleil de sa vie et Reiner était heureux de ne pas l'avoir vu le matin même avant de partir au travail. Là encore, il aurait perdu cette détermination qui disparaissait à chacun de ses réveils aux côtés de la brune. Chaque matin, il songeait à ce qu'il devait faire pour bloquer la machination actuelle quelque temps.
Mais aujourd'hui, Licht n'avait pas été présente au réveil ce qui fait qu'il ne culpabilisait pas et arrivait enfin à mettre ce plan trop longtemps repoussé à exécution.

Le Soleil à travers la Brume (Reiner Braun x OC) Partie 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant