Chapitre 71 - Près de Trost

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Les trois adultes se rendaient en voiture et non en calèche jusqu'au village de Jean. Ils avaient été invités pour le dîner du soir et n'avaient pu refuser.

Alors que le chauffeur restait silencieux, il jetait un coup d'œil dans le rétroviseur central. Il analysait sans aucune discrétion le visage de Livaï qui était assis sur la banquette arrière avec Licht. Reiner se trouvait à l'avant.

- Et dire que c'type de technologie n'existait pas avant. J'peux vous dire que ça nous a fait d'bien de ne plus nous occuper des ch'vaux. On les a tous vendus pour une de ces merveilles.

Il tapotait le volant comme s'il s'agissait de l'encolure d'un cheval.

Reiner qui observait le paysage défiler devant ses yeux se tournait enfin vers le chauffeur du taxi.

- C'est vrai que cette technologie aide énormément. Mais il ne faut peut-être pas tout miser dessus. Vous avez gardé au moins un cheval ?

L'homme secouait la tête sans quitter des yeux la route de terre.

- Non, j'tout vendu pour me payer la voiture et l'permis. Tu t'rends compte qu'en moins de dix heures j'ai eu le permis ? Je suis un champion né.

En entendant le nombre d'heures de conduite de l'homme, Licht se crispait sur sa place en tenant d'une main la portière. Dire qu'elle avait roulé de longues heures pour être sûre d'être assez bien formée. Et là, entendre que cet homme avait roulé moins de dix heures l'angoissait.

Après avoir évité de finir plus d'une douzaine de fois dans un arbre ou tomber d'un pont, les trois passagers et leur chauffeur arrivaient devant la maison des Kirstein.

À peine arrêtés, Licht sortait presque en courant de la voiture pour extirper du coffre le fauteuil de Livaï. Ce dernier s'apprêtait à quitter l'habitacle de la voiture alors que Reiner lui tendait sa main pour l'aider.

Tranquillement installé sur son fauteuil, Livaï se laissait pousser par la brune tandis que Reiner réglait au chauffeur cette course.

Alors qu'elle s'apprêtait à toquer, madame Kirstein ouvrait la porte. Elle portait un tablier rouge plein de farine. Plissant les yeux, elle ne regardait pas l'ancien Caporal en premier. Non, elle analysait Licht et y reconnaissait ses traits de visage.

- Tu as tellement changé tout en restant la même.

La femme aux joues rondes sautait presque dans les bras de la jeune femme. Elle la serrait dans ses bras en lui caressant les cheveux.

Puis s'éloignant de la brune, elle lui tenait les deux mains avant de sentir l'anneau froid au doigt.

- Tu es donc mariée ?

Elle jetait un coup d'œil à Reiner en lui souriant aimablement.

- Vous devez être Reiner, le Cuirassé et le mari.

Madame Kirstein avait baissé sa voix en disant « Cuirassé » pour ne pas révéler son ancienne identité au voisinage et avait tendu sa main au blond.

- C'est un plaisir de vous rencontrer.

La mère de Jean regardait enfin l'ancien Caporal et lui souriait sans prendre en compte ses changements physiques.

- J'ai refait de cette tarte aux prunes que vous aviez aimé Caporal Livaï. J'espère qu'elle vous plaira. Je viens de la mettre au four.

L'homme aux cheveux noirs laissait apparaître un fin sourire. La mère de Jean était si attentionnée avec les personnes qui l'entouraient.

Une fois installés à l'intérieur, la porte s'ouvrait laissant apparaître Jean des baguettes de pain sous la main.

- J'ai dû faire le tour de la ville pour trouver du pain frais.

Il semblait essoufflé et posait son fedora sur un crochet de l'entrée. Remarquant que les invités étaient arrivés, il leur souriait en arrangeant le col de sa chemise pleine de transpiration ; il faisait si chaud.

- Bienvenue chez les Kirstein.

Licht comme Livaï y étaient déjà venus, mais Reiner découvrait la maison d'enfance du châtain. C'était une modeste demeure en plein centre d'un village que l'on aurait pu qualifier de ville si le nombre d'habitants y était plus élevé.

Après s'être lavés les mains, les invités passaient à table.

- Je t'avoue que je pensais que tu finirais avec Jean il y a déjà quatre ans de cela. Mais, il faut croire que ce n'était que de l'amitié entre vous de toute façon. Vous êtes comme frère et sœur.

Jean était en quelque sorte gêné à propos du sujet de conversation choisi par sa mère.

- Tu sais maman, Licht n'était plus là durant quatre longues années.

Il souriait de toutes ses dents en prenant son air le plus séducteur possible. Poussant ses cheveux en arrière, il ancrait son regard dans celui de la brune.

- Mais si elle était restée, je l'aurai a coup sûr épousé.

Une mèche tombait sur le front du châtain.

- Mais madame préfère les blonds.

Licht rougissait alors que Livaï sirotait sa tasse de thé en faisant du bruit.

- Puis-je m'allonger un peu dans le salon madame Kirstein ? Le voyage m'a exténué.

Elle poussait son fils pour qu'il aide l'ex Caporal Livaï à s'installer dans la salle à côté et quand ils passaient la porte, la mère du châtain chuchotait en se penchant en avant.

- Sans le Caporal Livaï, Jean serait sûrement devenu fou. Il ne cessait de tourner en rond et est resté cloîtré dans sa chambre une longue semaine après leur retour de Shiganshina. Il avait les jointures en sang et le visage terne. C'est le Caporal qu'il l'avait sorti par la peau du cou de sa chambre. Il l'avait frappé devant mes yeux mon Jeanbo. Au début, je le haïssais pour lui avoir fait ça, mais quand j'avais vu qu'il reprenait du poil de la bête grâce à son supérieur, j'ai été si heureuse.

Elle baissait les yeux.

- Il ne l'avouera jamais, mais il a passé cette semaine à sangloter. Il murmurait les deux mêmes prénoms en continu.

Frissonnant, Licht ne savait quoi dire quand le châtain arrivait et que la mère de Jean changeait de sujet.

Ayant élégamment décliné l'invitation à rester dormir chez eux, le couple et Livaï se rendaient dans une auberge de la ville de Trost se trouvant juste à côté du village du châtain. Passant par des rues qu'elle reconnaissait, Licht souriait tristement.

Une fois dans leur chambre, le couple en profitait pour se débarbouiller de ce long voyage.

Dans le baquet d'eau fumant, Reiner soufflait de bonheur. Ses muscles du dos étaient douloureux alors que Licht passait une éponge sur ses épaules.

- Tu me traites comme un roi.

Elle souriait en repoussant d'un geste de la tête une mèche tombant devant ses yeux.

- Tu le mérites.

Il la tirait à lui et déposait ses lèvres sur celles de la jeune femme.

- Demain, nous y retournons ?

La jeune femme se détachait du blond en sentant des larmes monter à ses yeux.

- Oui, il nous faut leur rendre visite. Cela fait si longtemps.

Le Soleil à travers la Brume (Reiner Braun x OC) Partie 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant