Day 201

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A lire en écoutant : Grégoire Leprince-Ringuet - Comme la pluie / 5 seconds of summer - Want you back.

Vendredi 8 avril

En une putain de seconde, mon monde s'est écroulé.

Me lever aujourd'hui m'a fait prendre conscience de l'ampleur des dégâts. Ce ne fut pas un réveil rude car je n'avais pas fermé l'œil de la nuit, me torturant avec ces mêmes idées empoisonnées.

Ces dernières heures ont été si longues que quand mon réveil a retenti, je me suis sentie sortir d'une longue transe. J'avais les muscles endoloris, les yeux bouffis et l'âme meurtrie.

J'avais envie de rester au lit toute la journée et j'y comptais bien. Voir celui qui hantait mon esprit serait le coup fatal. Avais-je envie de me montrer forte, de l'affronter comme si de rien n'était ? Oui. En avais-je la force ? J'en doutais largement.

Remarquant mon retard, Sasha m'avait envoyé un message pour s'assurer de mon état. J'hésitais de longues minutes devant mon écran. Mon cerveau semblait en arrêt et refusait de réfléchir. Je finis alors par lui envoyer la réponse classique : Je ne me sens pas bien.

Quelques secondes plus tard -car le seul prof dont la présence dissuade Sasha d'utiliser son téléphone en classe est Shadis- mon cellulaire vibre.

Ouai c'est ça. Petite cachottière. Même Livaï n'est pas venu. Veinarde va. Je parie que vous séchez ensemble.

Il y'a des moments pendant lesquels on se dit qu'on est déjà au fond et que ça ne peut pas empirer, puis une petite phrase vient se foutre de notre gueule et nous pousser dans un gouffre sans fin.

Je fixe mon écran, mes yeux relisant sans arrêt son nom. Je ne sais pas pourquoi je m'inflige ceci, mais l'effet est dévastateur. À chaque fois, mon cœur se serre un peu plus et les souvenirs que j'ai tenté de bloquer depuis son aveu affluent, indifférents à l'enfer qu'ils me font vivre.

Un klaxon dehors me rappelle à l'ordre. Je ne fais aucun geste cependant. Je demeure là, assise sur mon lit, figée dans le temps. Je sens mon âme se dissocier de mon corps et d'un coup, comme un mécanisme de protection contre ma douleur, je me déconnecte à nouveau. Je suis dans un tel état second que quand mon corps se lève et enfile un manteau par-dessus mon jogging, je sens mon esprit revenir aux couvertures pour s'y emmitoufler.

La porte de mon appartement semble s'ouvrir d'elle même, et le paysage devant moi défile encore et encore pendant des heures sans qu'aucun de mes muscles ne s'en plaigne. Je ne sais pas où je vais, mais je continue d'avancer.

Le ciel se couvre d'une douce lueur orangée pour indiquer la fin de l'après-midi, mais aucune information ne me parvient réellement. La couleur rougeâtre s'accentue, les nuages la couvrant la rendant plus sanglante, plus menaçante, mais même quand le noir de la nuit s'abat sur moi, je ne le réalise que quand je décide de sortir mon téléphone de ma poche pour me rendre compte que je l'ai laissé chez moi. Je lève alors la tête, essayant de me repérer et remarque une station de tram tout près.

Sans le sou et loin d'être pressée de rentrer, je me mets à marcher près des rails après avoir vérifié le sens vers la station la plus près de chez moi.

Et d'un coup, une larme coule, puis deux, alors je porte une main à mon visage pour les essuyer dans un geste mécanique avant qu'un déluge ne commence à s'abattre sur ma tête et sur mes joues.

Je lève la tête vers le ciel et laisse les larmes se mêler aux gouttes de pluie pendant que les gens près de moi tentent désespérément de trouver un refuge, et le décor derrière eux m'interpelle. Un rapide coup d'œil dans la direction opposée m'indique que j'ai dépassé mon quartier de deux rues et je reviens sur mes pas tel l'automate que je suis devenue en l'ombre d'une journée. Je me demande sincèrement quand viendra la colère. J'ai hâte que la rage me retourne les entrailles et comble ce vide.

200 days 《Livaïxreader》Où les histoires vivent. Découvrez maintenant