Day 169

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Mardi 3 mars

Ma dernière conversation avec Armin et Sasha m'avait beaucoup touchée. Au fond, je fuyais constamment la réalité indéniable que le temps ne jouait pas en notre faveur. Malgré nos querelles et nos prises de tête, la vie ne m'avait jamais semblé plus belle que quand Livaï est devenue une part de la mienne. Je ne pouvais plus m'imaginer avancer sans lui à mes côtés, encore moins avec un autre.

Ces moments volés entre deux cours, nos virées nocturnes, les cafés froids et imbuvables dont on oubliait le goût, perdus dans nos conversations à la librairie. J'avais connu grâce à lui des moments de bonheur sans pareil. Il me donnait l'impression d'être enfin là où je devais être. Émotionnellement du moins, car je n'y voyais toujours pas clair en ce qui concernait l'orientation.

En quittant mon appartement, je rejoignis la voiture d'Eren, ou plutôt de sa mère, et fut acceuilli par les grognements mécontents des Springles et de Jean qui ne voyaient pas trop comment on pouvait tenir à quatre à l'intérieur d'une petite voiture. Mais une fois la portière fermée, et malgré nos positions inconfortables, le trajet se poursuivit dans la joie et la bonne humeur.

Quand le gps nous indiqua d'être arrivés à la bonne destination, nous descendimes sans la moindre grace. Au moment même où Eren avait déverrouillé les portes, nous nous étions retrouvés projetés sur le trottoir tellement nous étions serrés. Car mine de rien, nous étions également passés chercher Armin. Comment nous avions réussi à survivre restera un mystère irrésolu.

Furlan et Isabel partageaient un appartement dans un quartier au centre ville. Ce n'était pas le plus chic qui existe, mais il était loin d'être en mauvais état, ce qui me donna un peu de réconfort. Enfin des gens de notre bande d'amis qui n'étaient pas plein aux as. Je commençais à me poser des questions. Mais je suppose que me donner un tas d'amis riches doit aider l'auteur pour réaliser ses idées saugrenues, et puis ce n'était pas si terrible.

Même les Springles et Jean -les plus fêtards de la bande- eurent un mouvement de recul en arrivant à l'étage de la fête. Les portes de deux des appartements étaient grandes ouvertes et laissaient facilement deviner le nombre ahurissant d'invités qui circulaient entre les deux logements. Pour être bondé, ça l'était. Ils n'ont pas d'autres voisins ou quoi ?

Isabel répondit à toutes mes questions quelques secondes plus tard en venant nous accueillir. Son immeuble était uniquement habité par des étudiants avec deux étages encore vides, alors elle s'était contenté d'inviter tous les habitants pour ne pas avoir à se retenir. Quand au second appartement, il appartenait à un de leurs amis qui avait accepté de le leur laissé comme lui aussi comptait organiser une soirée. Ainsi, les deux ont été combinés pour accueillir les connaissances d'Isabel et du dénommé Davy. Il fallait dire que la liste ne se terminait pas.

Je reconnus quelques visages de la salle de danse et quelques uns m'adressèrent même un geste de la main ou un sourire -au grand étonnement de mes amis-. Il fallait dire que j'étais très rarement celle qui les présentait à des inconnus, mais au final je ne connaissais même pas les noms de ces gens. J'avais juste dansé près d'eux suffisamment pendant mes deux visites pour retenir leur visage.

Harold était aussi présent avec Sam, ce qui me mit instantanément de bonne humeur. L'avant veille, nous avions échangé nos contacts avant la crise de jalousie de Livaï. Une fois la querelle finit et mes nerfs calmés, je lui avais envoyé un message pour m'excuser et nous avions longuement échangé pendant ces deux jours. C'était vraiment un mec bien.

Quand mes compagnons s'éparpillèrent un peu partout, les deux amis vinrent même me tenir compagnie. Et je leur étais reconnaissante. Je commençais déjà à regretter ma venue ce soir.

Fidèle à eux même, ils proposèrent d'aller se déhancher sur la piste improvisée dans ce qui semblait être le salon. La plupart s'occupait autrement et donc nous avions tout le loisir de danser comme nous le voulions.

Sauf que je m'étais rapidement fatiguée et que j'avais décidé de partir chercher un coin calme pour me réfugier. La musique me montait à la tête et la cohue des conversations me crevait les tympans. Puis plusieurs regards d'inconnus qui s'attardaient un peu trop sur moi me mettaient mal à l'aise. Je m'étais faite belle ce soir car, de un, je ne pouvais pas nier qu'il y'avait une petite arrière pensée de 'regarde ce que tu perds' qui m'avait traversé l'esprit plus d'une fois pendant que je m'imaginais les cent milles scénarios possibles de la soirée. Et de deux, j'avais besoin de regagner un peu confiance en moi. Avec tout ce qui se passait et ma relation avec Livaï qui tanguait dangereusement, je me sentais étranglée par l'idée que c'était tout simplement le cas car je n'étais pas assez bien.

C'est fou ce que notre esprit peut être toxique parfois. Surtout quand on en a conscience mais qu'on ne peut rien faire pour y remédier.

Le couloir, premier lieu auquel j'avais pensé pour m'isoler s'avéra être une terrible idée. Il me rappela pourquoi je ne me rendais en soirée que quand c'était l'anniversaire d'un ami proche. Aucune autre raison ne me convainquait de bouger mon derrière et de le trainer à une agglomération d'adolescents puants et suants qui usent des moyens les plus stupides pour se foutre la honte. Je ne comprendrais jamais ce qu'il y'avait d'amusant à ceci, mais je n'étais pas pour autant en droit de juger. Chacun s'amuse comme il le souhaite tant qu'il ne nuit à personne. J'étais remontée maintenant car justement, ça me touchait. Mais je ne pouvais pas blâmer les autres invités insensibles à mon existence.

Ma deuxième tentative fit légèrement plus concluante, mais je ne réussis à rester cachée que quelques minutes. Ou moins. Les coups à la porte étaient une façon très sympathique de m'indiquer que d'autres avaient une envie pressante.

Il y avait un petit balcon, mais il était minuscule. Et il y'avait quelques fumeurs entassés là bas. Mon coeur s'accélèra en croyant que Livaï serait parmi eux, mais je m'étais trompée.

Il ne me restait qu'une unique possibilité : les escaliers. Peut-être que j'allais devoir confronter les nouveaux arrivants ou les déserteurs, mais au moins l'échange allait duré des secondes à peine.

Pourquoi est-ce que je me force à sortir de ma zone de confort et à sociabiliser quand je sais pertinemment que ma batterie sociale tient vingt minutes a tout casser ?

Ah, car j'ai un imbécile de petit ami qui prend un malin plaisir à me tourmenter le cœur avec ses gestes incompréhensibles.

-"Je croyais que tu étais partie."

Et ben c'est pas trop tôt.

Je ne dis rien. Ce n'était pas ce que je voulais entendre.

-"Tu m'as manquée."avoua Livaï si bas que je crus rêver en s'asseyant sur une marche près de moi.

Devant mon silence, il soupira.

-"On peut se tirer de ce trou et aller dans un endroit plus... propice à la conversation ?"

-"C'est l'anniversaire de ta meilleure amie je te rappelle."dis-je d'un ton froid.

-"Et elle me connaît assez bien pour savoir que je suis restée beaucoup trop longtemps. De toute façon chaque année on fête l'occasion à trois après ces soirées merdiques."

-"N'empêche."

-"Ça aussi ça m'a manqué."

Sa remarque faillit m'arracher un sourire mais je tins bon.

-"Alors ? Ça te dit de foutre le camp comme on a l'habitude de faire à chaque fois."

-"Ce qui me tente surtout, c'est d'avoir des explications."

J'aurais pu jurer avoir vu l'ombre d'un sourire passer sur son visage avant qu'il ne m'attrape par la main pour me tirer vers la liberté et ce que j'espérais être des excuses convaincantes.

~Caporal Neko

200 days 《Livaïxreader》Où les histoires vivent. Découvrez maintenant