Day 160

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Dimanche 23 février

Assis sur les marches qui mènent à la porte de la librairie, Livaï et moi fixons le ciel depuis au moins une demi-heure.

-"C'est sûr que t'es doué pour sortir des phrases de tombeur, mais t'as été un peu con sur le coup."

-"La ferme."siffle Livaï entre ses dents.

-"Avoue quand même que me dire que tu es venu me kidnapper alors que tu n'as pas la moindre idée d'où m'emmener et que tout est fermé, c'est pas le sommet de l'intelligence."répliquais-je en référence à la disquette qu'il m'avait sorti après avoir fait irruption dans la librairie plus tard que d'habitude.

J'étais trop fatiguée pour conduire et monsieur n'avait pas pensé à autre chose qu'on pourrait faire. Même si être avec lui me suffit amplement, c'est si amusant de le mener en bateau.

Il souffle et je retiens un rire devant son air légèrement gêné.

Livaï s'est débarrassé de sa veste pour pouvoir s'asseoir près de moi comme l'odeur de la cigarette y avait un peu trop collé. Je ne peux pas prétendre qu'il sent la rose maintenant, mais de toute façon, la rue est un nid à dealers, donc j'ai l'habitude à force -n'en déplaise à mes poumons-.

-"C'est chiant quand même, on ne peut même pas voir les étoiles ce soir."avais-je laissé échapper en regardant le ciel nuageux.

Il se passa une main dans les cheveux, et je vis dans son regard fuyant qu'il était mal à l'aise. J'imagine qu'il a agi sur impulsion et qu'il regrette maintenant. Un sourire attendri aux lèvres, je le fixe sortir d'un geste machinal son briquet et une cigarette. Je fronce les sourcils et ses yeux viennent à la rencontre des miens.

-"Tu n'abuses pas là ?"

Devant son mutisme, ma mine se ferme encore plus. Il esquisse un geste pour se lever mais je l'attrape par la manche de son pull et le force à se rasseoir. J'attrape le petit bâtonnet meurtrier et l'écrase avant de le balancer dans une poubelle proche.

-"Je ne sais pas combien coûte cette merde, mais certainement pas plus que ta santé. Je te rembourserai plus tard, mais tu n'en prendras pas deux d'affilé comme si de rien n'était !"

-"Tu me défies là ?"

-"Qu'est-ce qu-..."

D'un geste felin, il attrape mes deux poignets d'une main et de l'autre sort une autre cigarette qu'il place entre ses lèvres.

-"Tu en es toujours aussi sûre ?"

Est-ce qu'il réalise la proximité à laquelle on se trouve ? Et surtout, est-ce qu'il réalise à quel point ce jeu auquel il joue est dangereux ?

Je commence à sentir graduellement le poids de Livaï me tomber dessus alors que je me retrouve coincée entre le mur et lui. Il se rapproche, et l'odeur de la cigarette bien qu'éteinte me parvient tout de même, pourtant, c'est le cadet de mes soucis.

Le téléphone de Livaï sonne soudain, nous sortant de notre bulle, et il pousse un râle rauque avant d'attraper l'appareil.

-"Quoi ?"grogne t-il en décrochant sans même voir le nom de l'appelant.

Malgré le calme de la nuit, je n'entends qu'un mélange incompréhensible de voix. La main de Livaï qui a lâché mes poignets se ferme et je le vois serrer les dents. Au moment où il se lève brusquement, la clameur semble quitter son cellulaire pour se matérialiser près de nous.

-"Qu'est-ce qui se passe ?"demandais-je en tentant de ne pas m'affoler. Les bruits se faisaient de plus en plus assourdissants, les cris plus forts.

-"Merde ! Merde !"grogne Livaï entre ses dents. Il se passe une main sur le visage et son regard tombe sur moi. Il semble en proie à un dilemme intérieur et plus les secondes passent, plus l'angoisse monte en moi.

-"Livaï, qu'est-ce qui se passe au juste ?" Demandais-je avec appréhension. Je commençais à vraiment paniquer, surtout en voyant Livaï perdre son sang froid.

-"Puta*n de merde !"cria t-il en enfonçant son téléphone dans la poche de son jean et en attrapant mon bras. Je n'avais toujours pas fermé la librairie, donc il l'ouvrit d'un geste brusque et me poussa à l'intérieur.

Mais c'est quoi ce foutoir ?!

Il m'entraîne au fond de la boutique, dans les vestiaires, ignorant les questions dont je le bombardais et grommelant des insultes. Il poussa la porte qui se dressait devant lui et atterrit dans la pièce qui ne sembla pas lui convenir vu qu'il en sortit dans la foulée. J'essayais de l'arrêter dans sa course folle pour le forcer à me répondre, mais le bruit d'un tir déchira la nuit et je sentis mes jambes se dérober sous mon poids, soudain consciente du moindre cri, du moindre pleur qui secouait la rue, à quelques mètres de nous.

Je ne savais pas d'où venait ce bruit, mais je le sentais dans chacun dans mes os. J'étais soudain paralysée, si effrayée que je ne pouvais plus l'exprimer. 

Le brun sentit ma résistance faillir et mon corps vaciller. Il me soutint pour m'aider à reprendre pied, me secoua bien pour me ramener à la réalité puis me traîna jusqu'à l'entrepôt. Je n'aimais pas l'entrepôt, encore moins la nuit. Il était sombre, lugubre, étroit. Tout ce qu'il fallait pour rendre la situation plus terrifiante. 

Il me fit m'accroupir dans un coin reclus, entre une pile de carton remplis de livres et un ancien meuble qui avait servi de comptoir des décennies plus tôt à en juger par son état. Quand il se releva pour partir je ne sais où, je m'accrochais désespérément à son pull, refusant de le laisser s'en aller, tel un enfant effrayé la nuit qui s'accroche à sa mère. 

-"Ne t'en vas pas. S'il te plai-"Parvins-je à murmurer avec tout le mal du monde, mais je ne pus finir ma phrase, interrompue par de nouveaux tirs et la clameur n'en devint que plus assourdissante. Je laissais échapper un cri à l'entente de la détonation et me couvris les oreilles. Livaï en profita pour s'extirper à ma poigne et posa ses mains par dessus les miennes.

-"je dois partir, mais je te promets de revenir aussi vite que possible. Reste cachée ici et ne bouge surtout pas. Je vais verrouiller la porte. Si quoi que ce soit arrive, échappe toi par celle arrière et appelle moi, j'arriverais sur le champ."

C'est supposé me rassurer ?!

Il prit le trousseau que je tenais fermement dans mon poing et en détacha la clé de la librairie avant de me le redonner. Il en profia pour vérifier que j'avais la clé de la seconde issue et scanna les environs des yeux jusqu'à ce que son regard ne tombe sur un coupe -papier que le propriétaire avait laissé trainer. Sans sembler réellement convaincu, il me le tendit et devant mon manque de réactivité referma mon autre poing dessus.

-"Juste au cas où."souffla t-il avant de sembler à nouveau sur le point de me laisser seule.

Je murmurais un "non" dans lequel je lui conviais tout mon désespoir, et même si cela sembla ébranler ses certitudes un instant, il se pencha vers moi, un air désolé sur le visage.

-"Je t'aime."chuchota t-il en m'embrassant le front.

Et il s'en alla, me laissant avec ma peur et ma terreur.

L'horloge afficha minuit, et au même moment, une nouvelle déferlante de balles plut sur le quartier, me forçant à me ratatiner encore plus.

Techniquement, ce chapitre et celui qui suit devait former un seul, mais je me suis rendue compte que je n'arrivais pas à me plonger dans l'atmosphère assez "différent" de la suite, so j'ai préféré mettre une petite séparation. Mieux valait faire ceci que vous laissez attendre à nouveau une éternité X).

On entre dans un nouvel arc de l'histoire, j'espère qu'il vous plaira 😋.

Kiss et à bientôt pour la suite !

~Caporal Neko

200 days 《Livaïxreader》Où les histoires vivent. Découvrez maintenant