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La nuit avait enveloppé le palais de son manteau obscur, et seules quelques torches flambaient le long des murs de pierre, projetant des ombres dansantes. Le murmure du vent s'insinuait à travers les fenêtres entrouvertes, apportant avec lui l'odeur salée de la mer lointaine et le froid piquant des montagnes. Dans ses appartements, Shearazad se tenait devant une grande fenêtre à meneaux, le regard perdu dans les ténèbres au-delà des murailles. Les étoiles luisaient faiblement au-dessus d'elle, comme des promesses lointaines.

Elle avait retiré sa lourde cape et ses bottes, mais elle se sentait toujours alourdie par le poids de ses pensées. Chaque mot échangé avec Ser Criston résonnait encore en elle, comme des coups de marteau sur l'enclume. Sa main, encore tiède du contact avec la joue du chevalier, trembla légèrement. Elle avait ressenti quelque chose dans ce geste, quelque chose qu'elle ne voulait pas encore nommer. Était-ce de la tendresse ? De la pitié ? Ou une simple tentative de se raccrocher à une réalité qu'elle comprenait de moins en moins ?

Elle ferma les yeux un instant, inspirant profondément pour calmer le tourbillon de ses pensées. Mais à chaque inspiration, le sel de la mer remplissait ses poumons, tandis que le feu semblait couver dans ses veines. Elle était vraiment partagée entre ces deux forces, et elle ne savait pas comment trouver un équilibre entre elles.

Un bruit discret, à peine un froissement, la fit sortir de sa rêverie. Elle se tourna vers l'obscurité de ses appartements, ses sens en alerte. Un éclat d'acier se refléta dans la faible lumière de la lune qui traversait la fenêtre, et elle comprit qu'elle n'était pas seule. Une silhouette se dessina lentement à travers les ombres, avançant avec une prudence silencieuse, presque féline.

« Qui va là ? » demanda-t-elle d'une voix ferme, mais basse, prête à se défendre.

Tyana jaillit dans l'ombre, son souffle court ses mouvement rapides. Elle semblait pressée, ses mains tremblantes alors qu'elle tendait un caban à capuche a Shearazad. « Sheara, il faut partir, » souffla-t-elle, le ton urgent.

« Partir ? Mais où ça ? » Shearazad fronça les sourcils, perturbée par l'agitation de son amie. Elle ne comprenait pas pourquoi, à une heure si tardive, elle devait quitter le palais. Son esprit cherchait des réponses, mais tout ce qu'elle trouvait c'était le regard inquiet de Tyana.

« Enfile tes chaussures, Shearazad, et prend quelques affaires sentimentales, rien de plus, » insista Tyana en fouillant dans un sac de toile. Elle sortie les rations de nourriture et les posa sur la table, son expression tendue.

« Tyana, dis-moi ce qui se passe, » demanda Shearazad, sa voix trahissait son impatience. Mais Tyana resta silencieuse, les mains occupées à trier quelque provisions. Le coeur de Shearazad battait de plus en plus vite face à l'urgence muette de son amie. « Tyana ! » sa voix s'éleva légèrement un peu plus forte que prévu, faisant écho dans le calme de la nuit. « Où veux-tu qu'on aille ? » reprit-elle plus calmement, presque en chuchotant, craignant d'être entendu.

Tyana s'arrêta enfin, levant les yeux pour croiser le regard de Shearazad. « Un navire pour Essos part dans une heure, » expliqua-t-elle une voix hachée par l'urgence. « Le capitaine a accepté de faire un détour, » elle marqua une pause pour s'assurer que Shearazad mesurait la gravité de ses mots, « pour Peyredragon. »

Shearazad sentit le sol se dérober sous ses jambes. Peyredragon. Ce nom résonna en elle comme un écho lointain, ramenant des souvenirs de chaleur et de cendres, de couloirs sombres et de tours battues par les vents marins. Peyredragon, l'ancien fief des Targaryen, là où tout avait commencé pour sa famille. Et, pour elle, là où tout pourrait recommencer.

C'était le fief de sa mère, Rhaenyra, une terre de dragons et de flammes, de secrets cachés sous la roche volcanique. Une terre où elle pourrait enfin retrouver sa famille, où elle pourrait se battre à leurs côtés, les sentir à nouveau proches. Cette pensée, aussi réconfortante qu'angoissante, fit bondir son cœur dans sa poitrine.

Elle inspira profondément pour contenir l'émotion qui la traversait. « Revoir ma mère... Mes frères,...Corlys... » Ses mots étaient à peine un souffle, mais l'idée la réchauffait de l'intérieur. Cela faisait si longtemps qu'elle ne les avait pas vus, que l'idée même de se tenir à leurs côtés semblait irréelle, presque un rêve.

Tyana, voyant l'émotion passer sur le visage de son amie, posa une main rassurante sur son bras. « Nous devons faire vite. Ce navire est notre seule chance de quitter la ville sans être remarquées. Une fois que nous serons en mer, ils ne pourront plus rien contre toi. »

Shearazad hocha la tête, les pensées tourbillonnant encore dans son esprit. Une question restait cependant suspendue à ses lèvres, une question qui pesait sur son cœur. « Et toi, Tyana ? Viendras-tu avec moi ? » Elle savait que Tyana avait tout risqué en venant la prévenir, mais partir pour Peyredragon signifiait abandonner tout ce qu'elle connaissait ici.

Tyana lui offrit un sourire doux, malgré l'urgence. « Je t'ai servi pendant deux lune, les deux meilleurs lune de ma vie, Shearazad. Je ne vais pas m'arrêter maintenant. » Il y avait une lumière résolue dans ses yeux, un éclat de détermination qui disait qu'elle avait déjà pris sa décision. « Nous sommes ensemble dans cette aventure. Et si cela signifie Peyredragon, alors qu'il en soit ainsi. »

Shearazad sentit une vague de gratitude déferler en elle. « Merci, » murmura-t-elle simplement. Elle finit de rassembler ses affaires essentielles, glissant quelques objets personnels dans un petit sac de voyage. Le pendentif de sa mère, la bague d'argent de son père graver d'un hippocampe, bague qu'elle porter le jour de sa captivité. Puis son regard se posa sur le collier de saphir et d'émeraudes offert par son bourreau, elle hésita quelque secondes, le collier étais magnifique et quelque peu significatif. « Prend-le, » lui dit son amie, « tu l'a toujours voulu. » elle hésita encore une fraction de seconde puis se saisit du bijoux.

Tyana lui tendit la capuche du caban, et Shearazad la rabattit sur sa tête, cachant ses traits dans l'ombre. « Allons-y, » dit-elle enfin, le regard déterminé.

Elles se faufilèrent hors de la chambre, empruntant des passages étroits que Tyana connaissait comme sa poche. Chaque ombre était un refuge, chaque détour un piège potentiel. Les bruits de leurs pas étaient étouffés par les murs épais, et leurs respirations, tenues, résonnaient à peine dans l'obscurité.

Le palais semblait dormir paisiblement, mais Shearazad savait que derrière chaque porte, chaque fenêtre fermée, des yeux et des oreilles pouvaient être à l'affût. Elles progressaient rapidement, Tyana menant la marche, sa silhouette mince se fondant presque dans les murs de pierre. Shearazad sentit la tension se resserrer autour de ses épaules, mais elle continuait de marcher, poussée par un mélange d'adrénaline et d'espoir.

Après un temps qui lui sembla une éternité, elles atteignirent une petite porte dérobée menant aux jardins extérieurs. Tyana l'ouvrit doucement, vérifiant qu'il n'y avait personne en vue. Le port était encore loin, mais à cette heure de la nuit, les jardins offraient un passage moins surveillé que les couloirs du palais.

« Encore un peu de patience, » murmura Tyana. « Le port est juste derrière ces murs. »

Shearazad hocha la tête, son cœur battant à tout rompre. Chaque pas les rapprochait de leur liberté, de cette promesse de retrouver enfin sa famille. Elles s'engagèrent dans les jardins, leurs pieds foulant l'herbe humide de rosée, et avancèrent vers le petit mur qui séparait le palais de la ville en contrebas.

Alors qu'elles atteignaient le mur et commençaient à se hisser par-dessus, un bruit lointain retentit, suivi de plusieurs cris étouffés. Elles échangèrent un regard inquiet.

« Dépêchons-nous, » souffla Tyana, alors que des bruits de pas pressés s'approchaient. « Ils ne vont pas tarder à remarqué ton absence. »

Shearazad sauta de l'autre côté du mur, se réceptionnant agilement, et tendit la main à Tyana pour l'aider à descendre. Elles se glissèrent rapidement dans les rues sombres, se fondant dans l'obscurité, leur destination en tête : le port et la liberté.

Le chemin vers Peyredragon ne serait pas aisé. Mais Shearazad savait, au fond d'elle-même, qu'il était nécessaire. Elle était prête à affronter tous les dangers pour retrouver sa famille, pour découvrir la vérité et pour se battre pour son héritage. Le feu et le sel en elle bouillonnaient, prêts à embraser le monde si nécessaire.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant