44

123 5 0
                                    

Rhaenyra n'avait pas abandonné tout espoir de revoir sa fille. Chaque instant qui passait, chaque jour qui déclinait, s'étirait en une éternité d'angoisse et de tourments. Cela faisait maintenant presque quatre mois que Shearazad avait disparu, et malgré toutes les prières et tous les efforts, elle ne lui était toujours pas revenue. Les nuits de la princesse héritière étaient hantées par des cauchemars où elle voyait sa fille prise dans les griffes de ses ennemis, dépossédée de son innocence et de sa joie. Elle s'efforçait de rester stoïque, de conserver son masque de souveraine inébranlable, mais derrière ses yeux fatigués se cachait une douleur profonde.

Elle savait pourtant que Shearazad était en sécurité, du moins physiquement, auprès d'Alicent Hightower. Cette pensée la rassurait quelque peu, car Alicent, malgré leur rivalité féroce, avait été une mère aimante. Cependant, sa méfiance envers Aemond, le fils cadet d'Alicent, persistait comme une plaie ouverte. Elle savait que le jeune prince était capable de cruauté, alimentée par des années de ressentiment et de haine accumulées. Le lien fort qu'ils avaient partagé autrefois lui laissait un mince espoir qu'Aemond ne se montrerait pas aussi impitoyable que de coutume. Mais Rhaenyra ne pouvait s'empêcher de s'interroger : les années les avaient-elles transformés au point de les rendre étrangers l'un à l'autre, ou subsistait-il encore un fragment de la complicité qu'ils avaient connue ?

De son côté, Jacaerys, son fils aîné, lui en voulait d'avoir baissé les bras si facilement à ses yeux. Il semblait en permanence « bouder », comme aimait à le dire sa cousine Baela, mais ce n'était pas là une simple manifestation d'enfantillage. Sa colère était plus profonde, plus amère. Il s'était muré dans un silence froid et distant, n'adressant à sa mère que les mots strictement nécessaires. Son regard, autrefois lumineux et rempli de promesses, était désormais obscurci par une ombre tenace.

Depuis l'ascension des enfants illégitimes Targaryen, une fureur bouillonnait en lui, comme une braise prête à s'enflammer. La capture de sa sœur n'avait été que la goutte de trop qui avait fait déborder le vase de sa rage grandissante contre Rhaenyra. Il se sentait trahi, non seulement par la tournure des événements, mais par ce qu'il percevait comme une faiblesse inexcusable de la part de sa mère, sa génitrice, celle qui devait les défendre contre vents et marées. Il avait donc choisi de l'ignorer, de lui infliger le châtiment silencieux de son mépris.

Chaque repas, chaque rencontre dans les couloirs du château, était une épreuve tacite où le poids du non-dit devenait presque insupportable. Rhaenyra sentait le regard perçant de Jace sur elle, lourd de reproches, mais elle ne trouvait pas les mots pour désamorcer cette tension. Entre eux, s'étendait désormais un fossé profond, creusé par la douleur, la colère, et peut-être, plus que tout, par l'amour déçu d'un fils pour sa mère. Un amour qui se transformait peu à peu en une rancune amère, un silence lourd qui en disait long sur la distance qui les séparait désormais.

Elle avait perdu trois de ses enfants, et elle était sur le point d'en perdre un autre. Jace était le seul enfant qui lui restait en présentiel, et pourtant, même lui semblait se dérober à elle, son esprit se détachant peu à peu, comme un bateau s'éloignant de la rive. Il était là physiquement, mais son cœur et son esprit semblaient déjà ailleurs, emportés par un courant de colère et de ressentiment. Rhaenyra voyait son fils s'éloigner chaque jour un peu plus, et elle se sentait impuissante face à cette distance croissante, incapable de trouver une issue à cette situation qui la broyait de l'intérieur.

Même si elle ne le montrait pas, la douleur lui lacérait le cœur. Elle voyait son fils l'ignorer sous le poids de quelque chose qu'elle ne pouvait plus contrôler, qu'elle n'avait jamais su contrôler. Elle se maudissait pour ses décisions, pour ses erreurs. Elle n'aurait pas dû envoyer Shearazad à Repos-des-Vreux. Elle n'aurait pas dû l'éloigner d'elle et des affaires de la cour, pensant ainsi la protéger des intrigues et des complots qui rôdaient sans cesse autour de la famille. Elle regrettait profondément ce choix. À chaque seconde qui passait, le regret devenait une chaîne qui l'enserrait de plus en plus fort, une brûlure qui ne cessait de la tourmenter.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant