Shearazad descendit doucement de la calèche, ses mouvements lents et mesurés, comme si chaque pas la rapprochait d'un abîme invisible. Ses yeux, froids et distants, balayèrent la cour d'enterrement où se tenaient quelques serviteurs et chevaliers, des visages qu'elle croisait chaque jour, mais qui semblaient toujours aussi étrangers. Elle avait appris à les ignorer, comme si leur présence ne faisait que renforcer son propre sentiment d'isolement.
Sans prêter davantage attention à l'agitation autour d'elle, elle prit la direction de ses appartements, ses pieds traînant presque sur le sol pavé. Son corps frêle réclamait du repos, mais surtout un bain, une longue immersion pour nettoyer non seulement la crasse de son voyage, mais aussi cette sensation oppressante de saleté qui ne la quittait jamais. Une saleté aussi physique que mentale. Peu importe le nombre de bains qu'elle prenait, cette impression de souillure restait incrustée sous sa peau, la rongeant chaque jour un peu plus. Elle se sentait contaminée par des maux invisibles, ceux de l'âme, des plaies que l'eau ne pouvait laver.
Alors qu'elle s'avançait vers les escaliers en colimaçon menant à ses appartements, ses pensées lourdes comme des chaînes, une ombre apparut devant elle. C'était Aemond, descendant lentement les marches. Leurs chemins se croisèrent comme deux courants opposés, l'un allant vers la lumière, l'autre vers l'obscurité. Ses yeux se posèrent un instant sur elle, froids, indéchiffrables. Il la scruta, son regard perçant glissant sur son corps, mais Shearazad, elle, refusa de le regarder.
Elle savait que dans ses yeux, elle verrait ce qu'elle craignait le plus : un reflet déformé d'elle-même, une image d'une femme que son mari haïssait désormais, une femme qu'il considérait comme impure, ternie par leurs désaccords et leur éloignement. Chaque fois qu'elle croisait son regard, elle se sentait défigurée, dépouillée de toute dignité, réduite à une ombre. Elle ne voulait plus voir ce dégoût implicite, cette colère contenue derrière ses iris. Alors, elle fixa le sol, ses pieds comme ancrés dans la terre, ses lèvres légèrement tremblantes sous l'effet de l'émotion qui montait en elle, menaçant d'éclater à tout instant.
Aemond ralentit sa descente, ses pas devenant hésitants. Il faillit s'arrêter complètement, une tension palpable naissant entre eux, comme une ligne invisible qu'ils n'osaient franchir. Peut-être, dans un autre monde, auraient-ils échangé quelques mots, ou même un regard. Mais dans cette réalité, ils étaient deux étrangers liés par des chaînes invisibles, incapables de se comprendre ou de se rapprocher.
Shearazad, malgré la présence pesante de son époux à quelques pas d'elle, continua de monter, ses mouvements mécaniques, presque robotiques. Elle n'avait pas le luxe de faiblir. Si elle s'arrêtait, elle savait que ses émotions la submergeraient, qu'elle s'effondrerait sous le poids de tout ce qu'elle retenait depuis si longtemps. Alors, elle choisit de continuer à avancer, ses jambes tremblant légèrement, son cœur battant plus fort à chaque marche.
Quand elle atteignit enfin la hauteur d'Aemond, elle ne ralentit pas, elle ne le regarda même pas. Elle passa près de lui, à une distance si réduite qu'elle pouvait sentir la chaleur de son corps, mais cette proximité ne fit qu'accentuer la distance émotionnelle qui les séparait. Elle savait qu'un gouffre béant s'était creusé entre eux, un abîme qui avalait tous leurs souvenirs, toutes leurs promesses, tous les rêves qu'ils avaient un jour partagés. Chaque pas qu'elle faisait pour monter ces escaliers la ramenait un peu plus loin de lui, de ce qu'ils avaient été.
Aemond, resté immobile, la regarda s'éloigner. Il ne dit rien. Peut-être que les mots étaient devenus inutiles, ou peut-être que le poids de leurs non-dits les avait trop écrasés pour qu'ils puissent encore se parler. Dans le silence qui régnait entre eux, Shearazad continua de grimper, le visage impassible, mais à l'intérieur, elle se sentait se fissurer un peu plus à chaque pas.
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LOCKED || AEMOND TARGARYEN•
FanfictionL'enfance, avec ses rêves naïfs et ses ambitions démesurées, constitue souvent les moments les plus marquants de notre existence. Les visions d'un avenir radieux, les espoirs de grandir et de conquérir le monde, ainsi que les fantasmes de romance et...