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« Quand j'ai perdu Jaehaerys, » débuta Helaena, ses doigts jouant avec les fils de sa robe, « j'ai cru que le ciel entier m'était tombé dessus. Ils ont étouffé mon fils et l'ont égorgé sous mes yeux, » expliqua-t-elle, la voix légèrement tremblante. « Je ne comprenais pas pourquoi c'était le mien qui devait payer pour une erreur qu'il n'avait pas commise. » Elle marqua une pause, cherchant ses mots. « J'en ai voulu à la terre entière, surtout à Aegon, de ne pas avoir été là pour moi. Puis j'ai compris, » elle s'arrêta un instant, « j'ai compris que je n'étais qu'un dommage collatéral de toute cette histoire. »

Shearazad ne pipa mot ; elle resta silencieuse, écoutant simplement son amie d'enfance parler d'une douleur qui lui était étrangement familière. Ses doigts jouaient avec ses ongles, elle n'avait pas relevé la tête de ses mains, et elle n'avait pas non plus quitté son lit.

À quelques pas d'elles, Maelor jouait avec des jouets pour enfants. Il n'était pas très bavard, mais bien aimable et affectueux.

« Et toi, tu as vécu cela un nombre incalculable de fois, » murmura Helaena en posant délicatement sa main sur celle de sa nièce.

Shearazad sourit tristement, un rire douloureux s'échappa de ses lèvres. « On finit par s'y faire, Helaena, » répondit-elle simplement. « Lorsque la vie nous enlève un nombre incalculable de choses, on finit par vivre avec l'idée que tout finit toujours par partir. » Helaena ne dit rien, l'encourageant par le silence à vider son sac.

« J'ai fini par me faire au fait que tout le monde disparaisse autour de moi, » continua-t-elle, toujours en jouant avec ses doigts, « que je suis une sorte de malédiction bizarre pour quiconque s'approche de moi. » Elle ricana doucement à cette parole, un rire qui semblait pourtant douloureux.

« J'ai tenté de le détester, tant de fois. J'ai essayé de le renier du plus profond de mon être, mais je n'y suis jamais parvenue. J'avais de la haine, certes, » débuta-t-elle à nouveau, la voix brisée par l'émotion, « mais pas assez pour rivaliser avec mon amour pour Aemond. » Elle secoua la tête, désespérée, comme agacée par l'entêtement de ses sentiments. « J'ai essayé de lui faire la misère, de lui montrer ce qu'il avait perdu, et au final je me rends compte que c'est moi qui ai tout perdu. »

Helaena posa sa main sur celle de Shearazad. « Il m'a emmenée là où Aelyna est morte. Je lui ai demandé de s'arrêter, » elle ferma les yeux, sentant les souvenirs revenir à flots, « je lui ai hurlé de stopper le cheval. Il savait que j'avais peur, que j'étais paralysée par la terreur, et pourtant, il ne s'est pas arrêté. » Elle ricana à nouveau, et cette fois une larme coula le long de sa joue. « Pas une seule fois il ne s'est arrêté avant qu'on atteigne le ravin. Et même comme ça, je n'arrive pas à le détester. »

Les mots flottaient dans l'air, lourds de douleur et de résignation. Helaena resta silencieuse, sa main toujours posée sur celle de sa nièce, offrant un soutien silencieux mais inébranlable. Le murmure de leur souffrance partagée résonnait dans la pièce, tissant des fils invisibles entre leurs cœurs brisés.

« Il t'a brisée, » murmura Helaena, sa voix à peine audible, « et pourtant ton cœur refuse de le laisser partir. » Elle laissa échapper un soupir, ses yeux se fermant quelques secondes comme pour chercher la sagesse dans l'obscurité derrière ses paupières. « Ce n'est pas une malédiction, ma douce. C'est... une force. » Shearazad secoua la tête, les larmes continuant de rouler sur ses joues, mais Helaena persista. « Une force que de pouvoir aimer même ceux qui nous détruisent. Mais cette force peut aussi te détruire, Sheara, si tu la laisses te consumer. »

Shearazad releva enfin la tête, son regard voilé de douleur mais avec un éclat d'incompréhension, ou peut-être de désespoir. « Qu'est-ce que je suis censée faire alors, Helaena ? Comment vivre avec ça ? »

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant