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Perchée sur le dos de son dragon, Shearazad laissait le vent fouetter son visage, espérant que l'air glacial chasse la lourdeur qui pesait sur son cœur. Elle avait besoin de fuir, même si ce n'était que pour quelques heures. Fuir le Donjon Rouge, ses murs étouffants, ses murmures venimeux et ses regards suspicieux. Fuir Aemond et tous ceux qui la voyaient sombrer sans jamais tendre la main. En vol, tout était différent. Elle était libre. Libre de choisir son cap, de décider où elle poserait les yeux. En bas, une petite ville s'étendait, tranquille et paisible.

Elle se souvenait de cette ville. Elle l'avait aperçue lors d'un vol précipité, quelques jours plus tôt. La panique l'avait envahie, et elle avait cherché à s'éloigner le plus vite possible du château, comme si la distance pouvait effacer ce qu'elle ressentait. Mais aujourd'hui, elle ne venait pas en fuyarde. Elle venait pour trouver un semblant de répit.

Le dragon se posa lourdement en dehors de la ville, soulevant un nuage de poussière qui se dispersa lentement dans l'air. Shearazad descendit de sa monture avec une lenteur calculée, comme si chaque mouvement lui permettait de reprendre son souffle, de calmer cette tempête qui ne cessait de tourbillonner en elle. Elle passa une main dans ses cheveux noirs de jais, encore peu habituée à cette nouvelle apparence qu'elle avait choisie. Cette couleur sombre représentait une nouvelle facette d'elle-même, une facette plus dure, plus implacable.

Elle avançait dans les ruelles étroites de la ville, observant les habitants vaquer à leurs occupations. Le marché battait son plein, les rires des enfants s'entremêlaient avec les cris des marchands vantant leurs produits. Elle était étrangère ici, une silhouette en noir qui se démarquait parmi les robes simples et les tuniques des villageois.

Pour un instant, Shearazad sentit quelque chose en elle se relâcher. Un souffle de tranquillité qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Elle ne venait pas ici pour semer la terreur ou imposer son pouvoir, elle venait pour respirer. Juste respirer, sans que chaque inspiration ne lui rappelle la douleur d'un cœur brisé.

Elle croisa le regard d'une vieille femme qui tenait un stand de fruits. Leurs yeux se rencontrèrent, et la femme esquissa un sourire hésitant. Shearazad répondit par un léger signe de tête, sans vraiment savoir pourquoi. Peut-être était-ce parce que ce sourire était honnête, sans jugement ni peur. Peut-être parce qu'elle avait oublié ce que cela faisait de croiser des regards qui ne vous connaissent pas, qui ne vous jugent pas.

Elle s'arrêta un instant, contemplant la ville devant elle. Pour quelques heures, elle pourrait être quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'était pas rongé par la douleur et la haine. Pour quelques heures, elle pourrait être libre de ses chaînes invisibles. Mais elle savait, au fond d'elle, que l'échappatoire était temporaire. Le Donjon Rouge l'attendait. Sa réalité l'attendait. Et elle devrait y retourner, comme un papillon de nuit irrésistiblement attiré par la flamme qui le consume.

Shearazad continua de marcher à travers les rues de la petite ville, ses pas lents et mesurés contrastant avec le tourbillon d'émotions qui se déchaînait en elle. Elle se laissait porter par le flux de la foule, observant sans vraiment voir, perdue dans ses pensées. Les gens autour d'elle n'étaient que des silhouettes floues, des fragments d'un monde auquel elle ne sentait plus appartenir.

Elle se retrouva devant une petite taverne, son enseigne grinçant doucement sous le vent. L'endroit était modeste, avec des murs de bois usés et des fenêtres poussiéreuses, mais il émanait une chaleur et une convivialité que Shearazad n'avait pas ressenties depuis longtemps. Elle poussa la porte et entra, l'odeur familière de la bière, du pain chaud et de la fumée de cheminée l'accueillant comme un vieux souvenir oublié.

Les regards des clients se tournèrent brièvement vers elle, intrigués par cette femme mystérieuse à la chevelure noire et à la démarche assurée, avant de retourner à leurs discussions. Shearazad s'approcha du comptoir et s'assit sur un tabouret en bois, observant le tavernier qui la dévisageait d'un œil curieux mais sans méfiance.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant