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Les tremblements de son corps s'étaient calmés avec le temps ; la nuit avait enveloppé Port-Réal de son manteau noir silencieux. Depuis qu'elle était rentrée dans sa chambre, elle n'avait pas prononcé un mot. Elle s'était laissée tomber dans un coin de la pièce, son dos appuyé contre le mur froid, là où l'ombre était la plus épaisse, là où elle pensait qu'on ne la verrait pas. Ses jambes repliées contre sa poitrine, semblait vouloir la protéger du froid, ou peut-être de souvenirs. Son menton étais posé sur ses genoux et ses bras entouraient ses jambes, comme si elle espérait, par ce geste, contenir le fragment de son esprit fissuré par l'horreur. Ses yeux étaient ouverts mais ils ne voyaient rien ; il fixés sur un point vide devant elle, absents. Sa respiration étais lente, presque imperceptible, comme si elle avait peur que le moindre souffle rompe ce silence oppressant.

Elle ne réfléchissait pas vraiment, mais les images de ce matin revenaient à elle sans cesse, comme une vague qui se brise sur la rive, inlassablement. Elle revoyait le corps de son amie étendu sur le sol herbeux, sans vie, sans tête. Son sang avait couler, s'étalant sur la terre comme une fleur rouge macabre. Elle se souvenait de tous, dans les moindres détails, l'odeur, celle du sang et de la terre humide, du bruit lourd du corps qui s'était effondré. Cette image étais graver dans son esprit, brûlée au fer rouge de la terreur et du chagrin. Elle se sentait à la fois, vide et remplie d'une douleur sourde, insondable. Une partie d'elle même voulait pleurer, crier, hurler sa rage et sa douleur, mais aucune larmes ne venait. Elle se sentait figée, comme une statue de marbre froid.

Il le lui avait dit. Il le lui avait promis. Aemond. Ses mots étais nets, tranchants, comme une lame prête à s'enfoncer dans sa chair. « Si tu quittes à nouveau les murs du Donjon Rouge, » avait-il dit dans le creux de son oreille, « j'arracherais moi même la tête de ta servante de ses épaules. » une menace qui aurait dû la paralysé de peur, mais qu'elle avait choisie d'ignorer, pensant qu'il n'irait pas si loin. Elle avait cru, avec une naïvité, qu'il ne parlait que pour parlait. Mais elle avait eu tort. Tout, en elle criait son erreur. Chaque mot qu'il l'avait prononcé résonnait maintenant comme une malédiction. « Ne l'oublie pas, » il avait insisté, et ces mots résonnait dans sa tête comme les glas d'une cloche funèbre, un écho douloureux, incessant, qui lui vrillait les tympans.

La porte de sa chambre grinça, elle venait de s'ouvrir, mais Shearazad ne changea pas de position. Ses yeux ne se dirigea pas vers la personne qui venait d'entrer, elle ne voulait pas voir qui s'était, elle ne voulait pas savoir. Elle ne désirait à cette instant ne voir personne. Personne.

« Shearazad, » dit la voix grave et posée de Ser Criston Cole. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, mais elle s'efforça de rester forte. Elle ne voulait pas vaciller, elle ne pouvait pas se permettre de s'effondrer.

« Shearazad, vous devez vous reposer. » Ces mots, cette appellation si intime, vinrent heurter le mur d'insensibilité qu'elle avait érigé autour d'elle, ou du moins ce qu'il en restait. Elle laissa échapper un sanglot et posa son front sur ses genoux. « Il l'a tué, Criston, » dit-elle, sa voix brisée entre deux sanglots. « Il l'a tué. » Les larmes coulaient désormais librement, et elle continuait de pleurer, de se lamenter sur son sort. « Et le pire, c'est qu'il m'avait prévenue, et je n'ai pas voulu écouter. J'ai... j'ai ignoré son avertissement. »

« Tu ne pouvais pas savoir qu'il irait aussi loin, » répondit doucement Ser Criston Cole, sa voix teintée de compassion.

« J'aurais dû, » répliqua Shearazad, relevant la tête pour le regarder droit dans les yeux. La lumière vacillante des torches éclairait faiblement son visage, révélant la douleur et la culpabilité qui la ravageaient.

Elle essaya de se relever, ses jambes engourdies et faibles après tant de temps passées recroquevillée. La lumière des torches projetait des ombres tremblantes autour d'elle, et elle vacilla légèrement. « Attendez, je vais vous aider, » dit Ser Criston en s'approchant. Il la saisit délicatement, ses mains fortes mais étonnamment douces, et l'aida à se remettre debout. Une fois qu'elle fut stable, il hésita un instant avant de la lâcher et recula de quelques pas.

« J'aurais dû savoir qu'il irait aussi loin, » reprit-elle, sa voix plus assurée, mais toujours empreinte de désespoir.

« Les relations, ça meurt, » répondit Ser Criston avec une résignation froide.

« Au prix de quoi ? » demanda Shearazad, sa voix s'élevant, tranchante, emplie d'une colère sourde.

« Au prix du sang, » murmura Criston Cole. Il s'avança d'un pas, son regard scrutant la princesse qui semblait indignée par ses propos. « Les relations, ça meurt, à part quand il y a des liens de sang. » Il la fixait avec intensité, mais elle ne répondit rien. Les mots de Criston résonnaient dans l'air, lourds de vérité et de fatalité.

Shearazad resta silencieuse, ses pensées tourbillonnant autour de ces mots. Elle comprenait ce qu'il voulait dire, mais elle ne voulait pas l'accepter. Les relations meurent, oui, mais la cruauté de cette réalité ne laissait aucun répit à son cœur déjà brisé.

Elle secoua la tête, le regard fuyant, puis se détourna. Ses dents vinrent mordre sa lèvre inférieure, comme pour s'empêcher de pleurer à nouveau. Elle voulait garder le contrôle, mais les émotions se bousculaient en elle avec une violence qu'elle peinait à contenir.

« Et je sais que tu as peur, Shearazad, » reprit Ser Criston d'une voix grave mais douce. « Peur de tout ce qui va suivre. Peur de ta vie dans la cour après cela, mais accepte cette peur. »

« Je comprends pas, je comprends pas pourquoi il est comme ça, » murmura-t-elle, sa voix se brisant sous le poids de la douleur. Elle se remit à pleurer, plus intensément cette fois. La douleur déchirait sa gorge, comme si elle y logeait un cri qui refusait de sortir, et semblait s'infiltrer dans chaque partie de son corps, rendant chaque souffle plus lourd, chaque battement de cœur plus douloureux.

« La vie peut faire de l'homme le plus humble un criminel, » débuta Criston Cole le regard pensif « et qu'à la fin, les fils de la paix deviennent des meurtriers, » répondit Criston avec une gravité amère. Elle leva les yeux vers lui, ses prunelles encore imbibées de larmes qui n'avaient pas encore coulé, suspendues comme de la rosée au bord de ses cils. Criston s'approcha de nouveau, son regard fixé sur elle, jusqu'à n'être plus qu'à quelques pas de la princesse.

« Accepte la peur. De toute façon, tu ne peux pas la fuir, » continua-t-il, sa voix douce mais implacable.

Shearazad le fixa, son regard se baladant sur le visage du chevalier, comme comme si elle cherchait quelque chose dans les traits de cette homme qui semblait pourtant sur de lui. Elle scruta chaque centimètres de son visage, chaque cicatrice qui racontait une histoire, chaque ombre que la lumière des torches projetait sur sa peau. Sans même s'en rendre compte, son corps se rapprocha du sien, ses pas guidés par un force irrésistible. Ils n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, et les yeux de Shearazad s'attardèrent sur les lèvres de Criston Cole, observant leur courbe, leur fermeté. Avant qu'elle ne puisse comprendre ce qui se passait, leurs bouches s'accrochèrent l'une à l'autre, et s'entremêlant dans une danse inconnue, où l'un prenait instinctivement le contrôle sur les pas de l'autre.

Les mains de Shearazad s'agrippèrent au cheveux de Criston, ses doigts délicat glissant le long de son cou, y laissant une traînait de frisson. Leurs corps se pressèrent l'un contre l'autre, comme attirer par une force magnétique, se mouvant peu à peu en direction du lit. Dans un élan passionné, Shearazad glissa ses doigts sous la chemise de Criston Cole, ses lèvres effleurant sa peau brûlante, explorant son cou avec sa langue, leurs baisers mêlant douleur et brutalité.

Criston pris dans l'intensité du moment, ne tarda pas à la pousser doucement sur le lit. Il se positionna au-dessus d'elle, ses yeux brûlant d'un désir qu'il ne cherchait pas à dissimuler. Leurs lèvres se rencontrèrent à nouveau, leurs souffle chaud se mélangeant dans un baiser fiévreux. Les doigts de Ser Criston remontèrent doucement le long de la cuisse de Shearazad, son toucher hésitant mais déterminé. Sa bouche se perdit dans le creux de son cou, descendant lentement, laissant une traînée de baisers sur chaque centimètre de sa peau sensible.

Shearazad se cambra sous le poids du plaisir, mêlé à la douleur de l'absence d'un être cher qui hantait encore son esprit. Elle sentait les mains de Criston sur elle, mais dans sa tête... dans sa tête c'était une autre présence qu'elle désirait ardemment. Elle le savait, elle le sentait au plus profond de son être : ce n'étais pas le nom de Criston qu'elle voulait murmurer, mais celui d'Aemond. Son nom étais au porte de sa gorge, prête à s'échapper, et elle s'efforçait de ne pas céder de ne pas le prononcer. Elle luttait contre elle même, contre cette trahison silencieuse qui se jouait dans le secret de son esprit, tandis que son corps lui se laissait à la chaleur du moment.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant