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L'aube était arrivée, teintant le ciel de nuances pâles de rose et de gris. Les premiers rayons du soleil traversaient doucement les branches de l'arbre centenaire, projetant des ombres dansantes sur le sol du jardin sacré. Les domestiques, allant et venant pour leurs tâches matinales, jetaient des regards furtifs en direction de la princesse endormie. Shearazad était là, allongée près de l'arbre, ses bras serrés contre sa poitrine comme si elle cherchait à retenir les fragments brisés de son cœur.

Elle avait fini par trouver le sommeil dans ce lieu sacré, un sommeil troublé et agité, mais un sommeil malgré tout. Peut-être que les dieux, dans leur miséricorde capricieuse, avaient enfin décidé de lui ôter un peu de son fardeau, ne serait-ce que pour quelques heures. Elle semblait fragile, presque éthérée, comme une poupée de porcelaine abandonnée au pied de cet arbre millénaire, un lieu de paix où son esprit tourmenté avait pu trouver un semblant de repos.

Les gardes, postés à l'entrée du jardin, s'approchaient parfois pour vérifier son état, mais reculaient rapidement, hésitants, presque effrayés par la perspective de la réveiller. Ils connaissaient la réputation de Shearazad, surtout lorsque la douleur la consumait. Elle pouvait être particulièrement méchante dans ces moments-là, et sa colère devenait un bouclier impénétrable. Comme si, en blessant les autres, elle espérait pouvoir échapper à sa propre souffrance, ne serait-ce qu'un instant. Les gardes murmuraient entre eux, inquiets mais aussi compréhensifs, car ils savaient que derrière cette amertume se cachait un cœur brisé, une femme écorchée vive par la cruauté de la vie.

Les domestiques, eux aussi, se contentaient de l'observer à distance, appréhendant son réveil. Certains murmuraient des prières silencieuses pour elle, espérant que la princesse trouve un peu de paix, d'autres murmuraient à peine, craignant que leurs mots ne la dérangent même dans son sommeil. Mais tous ressentaient la même chose : une profonde tristesse en voyant leur princesse, d'ordinaire si vive et pleine de fougue, réduite à cette forme fragile, recroquevillée contre un arbre comme une enfant perdue.

Le jardin sacré, dans le calme de l'aube naissante, semblait contenir son souffle, attendant le moment où Shearazad ouvrirait les yeux et affronterait à nouveau le monde et tout ce que la journée aurait à lui offrir – qu'il s'agisse de nouveaux tourments ou, peut-être, d'une lueur d'espoir.

À son réveil, Shearazad n'avait pas quitté les lieux. Son dos restait appuyé contre le tronc rugueux de l'arbre centenaire, et elle portait toujours la même robe noire de la veille, ses plis froissés par le sommeil et l'humidité de l'aube. Son regard, fixe et vide, se perdait dans l'air devant elle, comme si elle contemplait un point lointain, invisible pour quiconque. Ses joues étaient sèches, les sillons laissés par ses larmes de la nuit ayant durci sous la froideur du matin, et ses yeux gonflés et rougis portaient encore les traces d'un chagrin trop profond pour être contenu.

Elle ne pleurait plus. Elle n'avait plus de larmes à offrir à sa douleur. Ce n'était plus un torrent déchaîné mais un désert aride qui s'étendait en elle, où le chagrin, bien que toujours présent, semblait s'être figé, pétrifié par l'épuisement. Ses doigts fins, abîmés par le froid et l'écorce de l'arbre, se mirent à déchirer lentement une feuille verte qui pendait à une branche basse. Elle la déchiquetait méthodiquement, presque inconsciemment, chaque morceau tombant au sol comme autant de fragments de son esprit brisé.

Le silence qui l'entourait était lourd, oppressant, seulement interrompu par le froissement délicat de la feuille sous ses doigts tremblants. Chaque déchirure résonnait comme un écho de son propre cœur déchiré, une sorte de rituel muet pour tenter de reprendre un semblant de contrôle sur quelque chose, n'importe quoi, alors que tout le reste lui échappait.

Elle fixait l'air, absente, le visage marqué par la fatigue et la désolation. Elle était là, mais en même temps, quelque part très loin. Perdue dans ses pensées, elle n'entendait plus les murmures des domestiques ni les pas prudents des gardes. Tout autour d'elle semblait avoir disparu, le monde réduit à cette étendue floue de souffrance et de vide.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant